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Ce que je [Valérie Pécresse] veux dire aux enseignants - Libération du 27 janvier 2009

mercredi 28 janvier 2009, par Laurence

A l’heure où l’université française avance et se réforme d’une manière inédite, il est indispensable de garder à l’esprit ce qui fonde l’Universitas : des femmes et des hommes, qui ensemble, engagent leur savoir et leur passion au service des étudiants. Chercher et enseigner, chercher pour enseigner : les deux missions des universitaires sont conjointement constitutives de l’université du XXIe siècle dont le défi est de faire de la connaissance non seulement un instrument d’émancipation et d’insertion de nos jeunes, mais aussi l’arme de la victoire de notre pays dans la bataille mondiale de l’intelligence.

Alors c’est vrai, nous demandons beaucoup aux enseignants-chercheurs… et la reconnaissance de l’Etat se devait d’être à la hauteur de la tâche. C’est chose faite. Les jeunes maîtres de conférences verront, en 2009, leur salaire revalorisé entre 12 % et 25 %, les carrières seront accélérées à la fois par le doublement des taux de promotion d’ici à 2011 et une grille de rémunération plus favorable, la prime de recherche, comme celle de responsabilité pédagogique, pourra atteindre jusqu’à 15 000 euros par an. Voilà un premier gage de confiance que les enseignants-chercheurs ont trop longtemps attendu. Mais ce qu’ils attendaient plus encore, c’était davantage de liberté : la liberté de concrétiser leurs projets pédagogiques et scientifiques. Une liberté qui elle, n’a pas de prix, mais une condition : la responsabilité que porte l’université de conduire à la fois une recherche et un enseignement de qualité.

Et là aussi, après une large concertation avec l’ensemble de la communauté universitaire, le gouvernement a fait le pari de la confiance. La loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités de 2007 donne à l’université l’autonomie qu’elle réclamait. L’autonomie, c’est la possibilité pour le conseil d’administration de chaque université de conduire un véritable projet d’établissement. Or une politique scientifique et de formation cohérente implique une capacité de recrutement libérée des pesanteurs administratives et pour l’ensemble des enseignants-chercheurs de l’établissement une capacité d’initiative plus grande, ouverte aux enjeux sociaux, économiques et culturels du monde d’aujourd’hui. Encore faut-il que ces derniers puissent faire valoir la diversité de leurs compétences et être reconnus pour chacune d’entre elles : enseignement et recherche bien sûr, mais aussi direction d’équipe ou d’UFR, formation à distance, encadrement de stages…

C’est pour prendre en compte cette diversité que le gouvernement a décidé de réformer le décret qui régit le statut des enseignants-chercheurs en permettant la modulation de leur service en fonction de leur dossier d’évaluation établi tous les quatre ans par le Conseil national des universités (CNU) et dans le cadre d’une charte nationale de la modulation qui sera annexée au contrat de chaque établissement. Pouvoir libérer du temps de recherche à des moments décisifs de leur parcours professionnel est une opportunité dont les enseignants-chercheurs français ont besoin. Leur recherche en sera vivifiée et la qualité des savoirs transmis à nos étudiants améliorée. Les enseignants-chercheurs qui, pour une durée déterminée, s’investiront davantage dans des activités pédagogiques ou administratives, pourront, eux, bénéficier de primes de responsabilité pédagogique significatives et de la reconnaissance du service rendu à l’université par des possibilités nouvelles de promotion.

Car il appartient désormais aux conseils d’administration des universités d’assurer la promotion de l’ensemble des enseignants-chercheurs de l’établissement contre 50 % d’entre eux aujourd’hui. C’est une condition indispensable à une gestion des ressources humaines qui tient mieux compte à la fois de la qualité professionnelle et des attentes de chacun. Alors, j’ai entendu les interrogations ou les craintes qui s’expriment, celles du « localisme » ou de sous représentation de certaines disciplines. C’est pourquoi, j’ai tenu à ce que les promotions décidées par les conseils d’administration se fassent dans la plus complète transparence. Ainsi, leurs décisions devront être systématiquement motivées et les enseignants-chercheurs classés par le CNU et non promus par leur université pourront faire valoir leur dossier de promotion auprès d’une instance nationale de réexamen.

Nous prenons toutes les garanties pour qu’une nouvelle éthique fonde l’autonomie gagnée par la communauté universitaire dans la conduite de son propre destin. Les enseignants-chercheurs sont les principaux garants d’une université qui rayonne et remplit l’ensemble de ses missions de service public. « Professer, c’est s’engager », écrivait Jacques Derrida dans l’Université sans condition. L’heure est venue de reconnaître pleinement cet engagement à la fois individuel et collectif, de faire confiance à l’université et aux universitaires.