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Université et recherche : notre défi républicain - par François Fillon, Premier ministre, "Libération" du 18 février 2009

jeudi 19 février 2009, par Laurence

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Dans la tempête économique que nous subissons, le devoir du politique est d’agir avec sincérité en renonçant au confort d’une popularité qui, en temps de crise, est rarement le gage du service exigeant de l’intérêt général.

On ne gagne pas l’estime des citoyens en renonçant à l’action et à la vérité. La vérité est que rien n’est possible si nous n’acceptons pas de surmonter nos différences pour chercher des consensus. La vérité c’est que nous ne sortirons pas de la crise en repoussant les adaptations nécessaires et en réclamant de l’Etat plus qu’il ne peut donner. La vérité c’est que rien n’est possible si nous n’acceptons pas, après et au-delà des indispensables débats, de nous faire confiance, au moins jusqu’à ce que les faits nous jugent et que la démocratie permette d’en tirer les conséquences. Dans l’épreuve, nous avons besoin d’unir nos forces, de magnifier nos compétences pour ouvrir les chemins de l’avenir.

Je veux m’adresser à la communauté scientifique et universitaire qui détient une part de cet avenir. Avec elle et pour elle, nous avons avec le président de la République fait de l’enseignement supérieur et de la recherche notre première priorité budgétaire. D’ici 2012, ce sont près de 20 milliards d’euros supplémentaires qui seront engagés. Avec Valérie Pécresse, nous avons parallèlement renforcé l’autonomie des universités. C’était une réforme attendue de longue date et je ne veux pas ici reprendre tout ce qui nous a conduits à faire ce que –à gauche comme à droite– on savait nécessaire. Non, ce qui aujourd’hui m’importe, c’est de dissiper les malentendus. C’est de créer les conditions d’un dialogue constructif pour avancer ensemble en laissant de côté les crispations et les surenchères qui nous affaiblissent collectivement.

D’aucuns semblent croire que nous avons donné tout le pouvoir à des « autocrates irresponsables » que seraient les présidents d’universités. Mais tous ceux qui connaissent le fonctionnement intime de l’Université savent bien qu’en élargissant les compétences des universités, c’est du pouvoir d’initiative et d’action supplémentaire que nous donnons aux universitaires eux-mêmes. Qui peut sérieusement penser contraindre des universitaires par des universitaires qu’ils ont eux-mêmes élus pour les représenter ? Qui peut penser que les présidents d’université, universitaires eux-mêmes, n’aient pas le sens de l’intérêt général ?

C’est pourquoi j’attache une importance particulière au statut des enseignants-chercheurs. En accordant des allégements d’enseignement à des enseignants-chercheurs qui souhaitent se consacrer, pendant un temps, à une recherche encore plus soutenue pour franchir telle ou telle « barrière internationale », l’Université traduira une politique scientifique robuste au service de la connaissance. De même, en proposant à ceux qui, pour des raisons multiples, se sont éloignés ou écartés d’une activité de recherche de s’impliquer plus avant dans le large spectre des activités de la nouvelle Université celle-ci valorisera l’ensemble des compétences essentielles pour son développement.

Que l’on se rassure, ces adaptations se feront dans et par l’Université, mais au plus près de l’activité des universitaires, dans leurs unités de recherche ou de formation, et sur la base d’une évaluation par les pairs au niveau national.

Aussi s’agit-il de valoriser l’ensemble des activités universitaires et de reconnaître que, dans une carrière, le développement n’est pas linéaire, mais peut présenter des périodes spécifiques. Il s’agit tout simplement d’en tenir compte dans un souci de complémentarité, d’équité et donc d’efficacité au sein de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.

Je veux souligner l’effort légitime consenti pour ceux qui épouseront le métier d’enseignants-chercheurs. Ils verront désormais reconnues leurs années de formation dans le cadre de leur doctorat et leurs périodes post-doctorales. Leur niveau de rémunération sera donc immédiatement très supérieur à ce que nous connaissons aujourd’hui.

Cette liberté nouvelle et ces moyens accrus sont au service de quel dessein ? D’abord et avant tout celui de créer de nouvelles alliances entre universitaires et chercheurs, université et organismes, grandes écoles et universités. C’est, en effet, bien de dynamique collective dont il s’agit pour installer durablement notre pays aux avant-postes mondiaux de la formation, de la recherche et de l’innovation. Le débat n’est pas celui d’un modèle d’universités contre un modèle d’organismes de recherche ou d’écoles professionnelles, c’est, dans le respect des traditions propres de chacun, inventer un modèle nouveau d’université qui soit une recréation de ce que l’Europe a apporté au monde avec l’idée d’université. L’initiative appartient aux acteurs universitaires, la responsabilité d’en accompagner les fruits relève de celle du gouvernement. La seule chose impossible demeure le statu quo. Il va de soi que l’activité scientifique des chercheurs et enseignants-chercheurs doit être appréciée à la seule aune de l’évaluation internationale réalisée par les pairs, à l’instar de ce qui se pratique dans le reste du monde. Notre ambition d’installer notre enseignement supérieur et notre recherche au plus haut niveau des pays développés est totalement incompatible avec l’idée de se démarquer des canons internationaux.

Par ailleurs, j’accorde toute ma confiance à l’Université pour former les maîtres dont notre pays, à travers ses enfants, sait et saura être fier. La mise en œuvre du nouveau cursus de formation des maîtres doit faire l’objet d’un suivi permanent pour asseoir la qualité de ses programmes et la pertinence de ses concours.

Ma confiance dans les femmes et les hommes de notre communauté scientifique et universitaire n’est pas de façade. La reconnaissance de leurs engagements, de tous leurs engagements professionnels, est là pour en témoigner.

De la formation initiale à la formation tout au long de la vie, de la connaissance produite dans nos laboratoires au partage social des savoirs, de la recherche fondamentale à la recherche-développement, des frontières géographiques aux frontières technologiques les défis sont exaltants. Continuer à les relever est une raison d’être de l’Université et une exigence pour l’avenir de notre pays. C’est là le défi républicain que nous avons en partage.