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Gesticulations dans les ministères : sur un communiqué de X. Darcos et V. Pécresse - Communiqué de SLU

dimanche 15 mars 2009

Depuis des mois, la communauté universitaire dans son immense majorité est vent debout face à la réforme de la formation et du recrutement des enseignants du premier et du second degré. Depuis des mois, elle dénonce un projet qui conduira à une dégradation de la formation professionnelle et de la formation disciplinaire, qui met en place pour les concours de recrutement des épreuves vidées de leur substance, qui supprime pour des motifs strictement budgétaires l’année de formation en alternance postérieure à la réussite au concours, qui crée une concurrence entre un diplôme (le master) et un concours. Ce projet affaiblit l’un et l’autre et conduit nécessairement à la contractualisation et à la précarisation. Depuis le 8 novembre plus de 20000 personnes et des dizaines d’associations, syndicats, collectifs ont appelé non seulement à reporter cette réforme mais aussi à ouvrir un débat national sur la question avec tous les acteurs de la formation des enseignants. Depuis six semaines, les universités françaises sont en grève et leur coordination demande le retrait de ce projet.

Et pourtant les deux ministres concernés, dans leur communiqué commun du jeudi 12 mars, comme s’ils vivaient dans un autre monde et un autre temps que nous, feignent de ne pas comprendre que c’est la logique même de cette réforme qui est rejetée massivement. Ils n’hésitent pas à réitérer des mensonges maintes fois dénoncés : non, il n’y a aucune harmonisation européenne dans ce projet ; non, cette réforme n’allonge pas la durée de la formation des futurs enseignants, elle allonge la durée des études non rémunérées ; non, son enjeu principal n’est pas « qualitatif », mais bien budgétaire et idéologique ; non, les jeunes enseignants ne seront pas « mieux accompagnés », ils seront moins bien formés.

La méthode est toujours la même : les ministres érigent le bureau de la CPU en partenaire quasi-unique, mènent des négociations secrètes avec « des syndicats » non nommés, lancent des « ballons d’essai » sous la forme de fuites de documents « confidentiels » dans des dépêches AEF et présentent comme nouvelles des demi-mesures qui avaient déjà été mises sur la table il y a plusieurs mois sans succès, comme si rien ne s’était passé depuis :

—  Ils cèdent des miettes en termes de bourses pour les étudiants, « pouvant atteindre jusqu’à 2500 euros » par an ; rappelons que le salaire — misérable — de début de carrière d’un enseignant est de 1310 euros… par mois, soit quand même six fois plus.

—  Ils font semblant de croire que 5000 étudiants pourront préparer avec succès un master et un concours tout en étant assistants d’éducation, alors que l’on sait que ces emplois prennent beaucoup trop de temps pour cela

—  Ils prétendent améliorer la formation en alternance en y consacrant un tiers de l’horaire des jeunes collègues au lieu de deux tiers aujourd’hui.

—  Ils prévoient des stages totalement inadaptés : envoyer les étudiants faire des remplacements dans les établissements, au gré des congés des enseignants, ne constitue pas un cadre d’apprentissage sérieux ; alors que les futurs professeurs des écoles font actuellement 370 heures de stage en responsabilité, la « réforme » n’en propose plus que 108. Et encore faut-il préciser que, faute de pouvoir offrir plus de 50000 stages aux 140000 candidats, le ministère fera assurer un même stage à deux étudiants ! De toute façon, les ministères n’auront ni les moyens humains ni les moyens financiers de mettre en place ce système lourd et compliqué – car comment seront rémunérés les « tuteurs » encadrant ces stages ?

—  Enfin, ces stages qui pourront avoir lieu n’importe quand ne permettent pas de mettre en place un véritable calendrier de la formation universitaire

Les rares nouveautés annoncées ces derniers jours ne font qu’apporter la preuve de l’absurdité et de la nocivité d’un projet lancé à la hâte :

—  Pour se gagner certains et diviser encore une fois le monde universitaire, les ministres remplacent provisoirement une épreuve sur la connaissance du système éducatif par une épreuve disciplinaire qui n’est pas définie et qui disparaîtra dans un an sans justification.

—  Pour tenter d’acheter la complaisance des syndicats du second degré, ils promettent une revalorisation des carrières des enseignants en trompe-l’œil : il est en effet bien évident que la petite augmentation des traitements en début de carrière ne compensera ni la disparition de la rémunération perçue actuellement par les stagiaires avant leur titularisation, ni la diminution des pensions de retraite engendrée par la perte de quatre trimestres de cotisation….

—  Enfin, les deux ministres annoncent la création d’une « commission de suivi » dont les missions, détaillées dans une lettre au président de la CPU, révèlent le caractère complètement improvisé de cette prétendue réforme : cette commission devra en effet régler rien moins que les questions d’articulation entre masters et concours, de place de la formation à la recherche dans les masters, d’adaptation des épreuves, d’organisation des concours etc.

—  Quant aux universités, elles pourront modifier entièrement leurs offres de formation pour l’année 2010-2011, mais il est indispensable qu’elles mettent en place pour l’année 2009-2010 des « maquettes » conformes à la réforme, fussent-elles absurdes !

Dans la logique du gouvernement, rien n’est défini, mais il faut lancer cette réforme coûte que coûte dès à présent, et ne surtout pas revenir sérieusement sur ses principes. Que dire d’un tel amateurisme, d’une pareille désinvolture dans la gestion d’un des aspects les plus cruciaux d’une politique gouvernementale, la formation des générations futures ?

Cerise sur le « gâteau », les ministres annoncent une procédure d’« accompagnement lors de l’entrée dans le métier » avec tutorat, et formation disciplinaire et professionnelle « dont les universités seront les acteurs essentiels » mais qui sera définie par l’inspection : comment dire plus clairement que la formation prévue dans les deux années de master sera insuffisante et nécessitera (au moins) une année supplémentaire ? Comment aussi comprendre cette annonce, qui ne précise aucun cadre universitaire pour cet « accompagnement » ? Le master serait-il désormais un diplôme en trois ans ? Ou bien devra-t-on créer des diplômes d’université pour compléter la formation, même si ces derniers ne sont pas financés par les ministères ?
Bref, la seule nouvelle inédite et un peu rassurante est la promesse de ne pas supprimer de postes aux concours l’an prochain ; mais on ajoutera tout de suite que pour les professeurs des écoles les coupes sombres ont déjà eu lieu cette année !

Ce communiqué des deux ministres est donc très insuffisant, déplacé et dépourvu de toute crédibilité. Sa seule raison d’être est de se livrer à une manœuvre tactique ridicule de la part de responsables incapables de prendre la mesure de la crise qui secoue le monde de l’université et de la recherche et sans souci réel de la qualité de la formation des futurs enseignants. Nous ne sommes pas dupes. Nous maintenons notre demande de retrait de cette réforme et de maintien des concours en l’état pour 2009-2010.

13 mars 2009