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Analyse du modèle SYMPA par François-Gilles Carpentier, MCf à l’université de Bretagne occidentale (12 mars 2009)

samedi 14 mars 2009, par Elie

Le modèle SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité) marque une rupture profonde avec les autres modèles qui ont servi en leur temps à justifier les allocations de moyens aux Universités (normes Garacès, système San Remo), et cette rupture va bien au-delà de la simple introduction d’un critère dit "de performance" dans les paramètres du modèle.

Les modèles précédents étaient certes critiquables sur de nombreux aspects. Mais ils avaient le mérite de prendre comme point de départ, les besoins des établissements pour mener leurs différentes missions (seuils de dédoublement des CM et TD dans Garacès, H/E variable selon les filières dans San Remo).

Aux antipodes de ces modèles, SYMPA se borne à répartir, selon des critères simplistes, les moyens (emplois et crédits) votés par le Parlement. La différence est colossale : si demain, l’Etat diminue la part de budget allouée aux dotations à l’enseignement supérieur public au profit - par exemple - de crédits d’impôts aux entreprises, les dotations théoriques des établissements se trouvent - de manière automatique - diminuées dans les mêmes proportions.

Par un tel modèle, l’Etat abandonne sa mission - assurer le fonctionnement de l’enseignement supérieur - et devient un simple financeur, parmi d’autres, de la dépense d’enseignement supérieur.

Par ailleurs, sous une apparente complexité, ce modèle cache en fait une simplicité abusive et stérilisante. La simplification y est caricaturale puisque le modèle se borne à calculer les moyens proportionnellement à l’effectif étudiant et au nombre de publications des enseignants-chercheurs.

Le modèle ne prend aucunement en compte par exemple, l’inégalité des territoires en termes d’accès à l’enseignement supérieur. Par là-même, l’Etat abandonne son rôle de régulation visant à réduire les inégalités entre territoires et accentue même le déclin et la désertification des zones défavorisées.

Ce dernier point n’était certes pas mieux traité par les modèles précédents. Il faut cependant noter qu’à côté des dotations normées résultant de l’application du modèle San Remo, d’autres subventions étaient allouées dans le cadre des Contrats Quadriennaux. Ceux-ci existent toujours mais sont, pour l’essentiel, vidés de leur substance puisque le modèle SYMPA vise à l’universalité, c’est-à-dire à la répartition de la totalité des moyens alloués par l’Etat.

Le décalage entre la réalité vécue dans les établissements et les ratios calculés par le modèle San Remo était déjà dû à une utilisation abusive de la proportionnalité : par exemple, une formation comportant 20 étudiants et une formation qui en comporte 40 ont des coûts très similaires, alors que leur prise en compte dans San Remo varie du simple au double. Cependant, le modèle comportait des correctifs pour les petits établissements et prenait en compte certains coûts fixes. Par exemple, un établissement, quelle que soit sa taille, se voyait attribuer un poste de Secrétaire Général, un poste d’Agent Comptable, des décharges pour le Président et les trois vice-présidents institutionnels, etc. San Remo prenait également en compte la superficie du campus alloué à l’établissement ainsi que le nombre de sites sur lesquels ce campus était réparti. Rien de tout cela ne subsiste dans le modèle SYMPA.

Est-il alors étonnant que le modèle pénalise gravement une université comme la nôtre, de taille moyenne mais de structure complexe :

- sept sites (Brest, Quimper, Morlaix, Plouzané, Saint-Brieuc, Vannes, Rennes) répartis sur quatre départements ;

- six UFR, mais aussi deux IUT, trois autres instituts (IAE, IUEM, IPAG) et trois écoles internes (IUFM, ESMISAB, Ecole de Sages-Femmes) ?

Est-il étonnant que ce soient les Présidents des Universités "en proximité" (11 Universités pluridisciplinaires hors santé de moins de 11000 étudiants) qui aient les premiers dénoncé un tel modèle ?

Est-il étonnant que ce modèle abusivement simplificateur apparaisse catastrophique aux composantes de l’Université qui affichaient jusqu’à présent des besoins spécifiques : en premier lieu, les IUT, mais aussi les écoles d’ingénieurs internes, les IUFM, etc. ?

Ce modèle apparaît comme une élucubration théorique et technocratique qui ne prend absolument pas en compte la "vraie vie" des établissements.

De façon pragmatique, il pourra être objecté que, quels que soient les résultats des calculs, les moyens financiers alloués ne diminuent pas et ceux en personnel ne sont touchés qu’à la marge. Il n’en reste pas moins que l’affichage d’un "excédent d’initialisation" (autrement dit d’un trop-perçu de crédits) évalué à 12% de nos crédits de fonctionnement, et d’un sureffectif de 9% par rapport à la dotation théorique en personnel est injustement et insupportablement culpabilisant, car il ne prend pas en compte la réalité des établissements.

Quant à la "performance", utilisée pour justifier ce modèle, quel sens faut-il lui donner, s’agissant d’un service public tel que l’enseignement supérieur ? Doit-elle viser à concentrer les moyens sur quelques grands centres déjà bien équipés ? Ou, au contraire, ne devrait-elle pas viser à offrir à chaque citoyen le même niveau de qualité en matière de services publics ? Plutôt que de récompenser la réussite de certains, ne devrait-elle pas explorer les voies et moyens d’offrir à tous les mêmes chances de réussite ? A l’évidence, les règles appliquées dans le modèle SYMPA sont à l’opposé de ce que devrait être la notion de performance appliquée à un service public. Même notre Ministre a, au moins brièvement, partagé cette analyse lorsqu’elle a lancé le plan "Réussite en Licence".

La conclusion ne s’impose-t-elle pas d’elle-même ? Ce modèle n’est en aucun cas améliorable et/ou amendable. C’est l’abandon pur et simple de SYMPA qu’il faut réclamer. La survie de l’enseignement supérieur public français en dépend.