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L’université et la recherche dans la manifestation de Paris - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 19 mars 2009

jeudi 19 mars 2009, par Laurence

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Universitaires, chercheurs et étudiants ne sont pas pour rien dans le succès de la manifestation parisienne.
Réunis à Beaubourg, devant le musée d’Art moderne, ils sont partis à près de 20 000 en direction de la République pour rejoindre le cortège intersyndical.

La première impression que donne ce cortège, c’est que Valérie Pécresse et Xavier Darcos ne sont pas au bout de leurs peines. Les manifestants, banderoles et pancartes des défilés « enseignement supérieur et recherche » des sept dernières semaines sont là. Pancartes et slogans sont conçus pour montrer qu’on est pas chez les incultes.
« Marre, marre mar..cel Proust, la recherche, c’est pas du temps perdu », entend-on. Les historiens de Paris-1 envoient « Sarkozix dans le Styx et Pécresse dans l’Hadès » et défilent en toges. (« romaines », me précise t-on, puisque j’ai eu le malheur de les décrire grecques dans un post précédent (1). Les enseignants et étudiants de l’IUFM de Paris ont sortis leurs crayons de couleurs pour une magnifique banderole genre « Guernica », avec une « Ecole qui HOOQ » et des slogans chantés, il faut bien s’entraîner pour le futur métier.

Côté sécurité, il n’y a rien à craindre, le nombre de gilets jaune fluo montre que les futurs professeurs des écoles ne badinent pas avec ce sujet. La proposition de loi des 92 députés de l’UMP visant à l’« Université payante » se traduit par des pancartes demandant « des problèmes pour financer tes études ? » et apportant la réponse « on va t’aider à t’endetter ». Beaucoup d’allusions aux propos tenus par Nicolas Sarkozy, visant son discours sur la recherche ou ses petites phrases sur les grèves « qui ne se voient plus ». Une énorme banderole lui repond « et là, tu nous vois ? ». Pour être certains d’être entendus, les biologistes de l’Institut Cochin ont sorti les tambours, les étudiants de Paris-4 affirment que la Sorbonne est en « résistance », Cemagref, INRA, Institut de Recherche pour le Développement, Institut Pierre-Simon Laplace (les climatologues), Institut de Physique du Globe de Paris... impossible de relater toutes les équipes présentes, il y en a trop.

La teneur des conversations de rue n’est pas du tout à l’enterrement de cette protestation. « Nous sommes toujours déterminés », m’explique Barbara Bonnefoy (maître de conférence en psychologie à Paris-10 Nanterre) à propos de son UFR Sciences psychologiques et sciences de l’éducation. Présentée par d’autres enseignants comme une animatrice des actions menées, elle n’a pourtant ni expérience ni mandat syndical... mais c’est justement la caractéristique de ce mouvement qui dépasse de très loin les militants et organisations traditionnels. Si la grève se poursuit, il ne s’agit pourtant pas de laisser les étudiants sans aide. Ainsi, la semaine prochaine, il est prévu des « rencontres pédagogiques » entre enseignants et étudiants pour leur donner des conseils de lectures, discuter de leurs cursus. Une nouvelle manière de faire grève.

Sous une banderole des « Physiciens de Paris-6 », Jean Pierre Rozet (dans l’équipe agrégats et excitation de surfaces de l’institut des nanosciences de Paris,) n’est pas surpris que le président de son université, Jean-Charles Pommerol affirme qu’il n’y a pas de grève. Mais confirme que cela n’est pas exact. « Soucieux des étudiants nous alternons grèves et cours, en concentrant les grèves les jours de manifestations, c’est une sorte de grève perlée. Cela permet de durer. Et c’est nécessaire car l’Université a besoin d’être réinventée, pas de subir les réformes actuelles. » Même son de cloche chez les physiciens de l’université d’Orsay. Je croise Jean-Pierre Bibring (Institut d’astrophysique spatiale, CNRS/Université Paris-11), un spécialiste mondialement connu de la planète Mars, responsable d’instruments scientifiques à bord des missions Mars Express et Rosetta (une sonde qui file vers une comète), il m’informe qu’il agit de même concentrant les grèves de cours les jours de manifestation pour que les étudiants puissent se mobiliser sans trop mettre en cause leur formation.

Physiciens, biologistes, psychologues, historiens... c’est l’Université dans sa diversité qui bat le pavé. Si les préoccupations rejoignent celle de nombreux salariés - l’indignation contre le chèque moyen de 368.261 euros touchés par les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros) au titre du bouclier fiscal se répand comme une trainée de poudre - le refus de la politique gouvernementale pour les universités et la recherche constitue la raison de leur présence. Ils veulent obtenir a minima ce que les organisations syndicales de la recherche qui ont refusé l’invitation de Valérie Pécresse pour vendredi (CGT, SNCS FSU, SUD, FO) présentent comme un préalable à toute négociation (lire ci-dessous leur réponse à la ministre) :
►le retrait du projet de décret sur les enseignants chercheurs et du projet de décret sur le contrat doctoral
► le retrait du projet de réforme actuelle de formation des enseignants et des concours de recrutement
►le rétablissement des emplois supprimés en 2009 et la mise en œuvre d’un plan pluri-annuel d’emplois statutaires, incluant une revalorisation des carrières
► l’arrêt du démantèlement des organismes de recherche et leur revitalisation dans un partenariat équilibré avec les universités.

(1) Ok, mais je tiens à faire remarquer que leur banderole en latin indiquant « Pécresse et Darcos Errare humanum est persevere diabolicum » comporte une erreur : il y manque le « sed » (mais en latin) conjonction de coordination adversative entre les deux membres de la phrase) Une deuxième erreur me maile un lecteur averti : il faut écrire perseverare. En outre, affirme t-il le "sed" n’est pas obligatoire, je l’admet bien volontiers, en outre je suis plus certain d’avoir lu persevere... aux auteurs de trancher ce débat philologique.