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"Université : « Il faut amplifier le mouvement mais sans blocage »", Tchat avec Georges Molinié, Libération.fr, 27 mars 2009

mardi 31 mars 2009, par Elie

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Quatre présidents d’Université appellent au maintien de la mobilisation contre la réforme du statut des enseignants-chercheurs, Georges Molinié, président de Paris-IV La Sorbonne, a répondu à vos questions.

Michael. Monsieur le Président, quelle suite pour les Enseignants-chercheurs mais aussi au sujet des Enseignants-vacataires ?

Georges Molinié. Par rapport à l’ensemble du mouvement d’aujourd’hui, il y a deux sujets qui ont provoqué des réactions : un sur le statut des enseignants chercheurs, et un autre sur les filières de formations des professeurs des écoles, des collèges et des lycées. Sur le premier sujet, il y a eu un mouvement très large de réactions, qui allaient des syndicats de gauche aux syndicats de droite. D’une certaine manière, il y a eu satisfaction des revendications, avec la réécriture des décrets concernant le statut. Mais, le nouveau texte, on ne l’a pas lu. Donc, j’appelle à la méfiance et à la vigilance.

Il y a trois autres points. Le premier concerne la condition des personnels administratifs et, sur ce point, il y a eu très peu d’avancées gouvernementales. Le deuxième point, ce sont les étudiants. Les étudiants sont venus tard dans le mouvement. Maintenant qu’ils y sont, ils sont souvent radicaux. Les étudiants n’ont presque rien obtenu. Et puis, il y a le troisième point, qui est, pour moi, fondamental : c’est la formation des professeurs des écoles, des collèges et des lycées. Et, sur ce point, il y eu des avancées ou des reculades (ça dépend du point de vue) considérables, importantes, mais qui ne sont pas suffisantes.

Jean Luc. Comment expliquer aussi que seuls 4 ou plutôt 5 Présidents soient co-signataires du texte quand la pression reste très forte presque partout : de quoi ont-ils peur ? (Professeur des Universités, Toulouse II)

J’ai été moi aussi professeur d’université à Toulouse II, pendant dix ans. Vous avez raison, je pense que la plupart des présidents analysent comme nous la situation, mais que très peu ont l’honnêteté et le courage de la décrire telle qu’elle est. Votre question pourrait se poser autrement : que représentent les communiqués de la Conférence des présidents d’université (CPU) ? Je réponds que les communiqués de la CPU représentent la partie soft des apparatchicks. J’assume.

Tom. Une « université publique » dans laquelle les travailleurs ne sont plus fonctionnaires mais contractuels, et que l’Etat ne finance plus... n’est-ce pas une université privée ?

Vous avez parfaitement raison, la politique actuelle du gouvernement est logique dans son idéologie, et toute la politique Recherche et Université est animée par une logique économiquement libérale, qui tend à deux choses : 1/ la précarisation, 2/ la privatisation. Ce que je combats totalement.

Yannik. Quelle sera la place des Sciences humaines dans la réforme des universités et les chances d’insertion professionnelle de doctorants dont le cursus en ce domaine semble aujourd’hui invalidé par des choix politiques de restriction budgétaire ?

Votre inquiètude me paraît légitime. L’air du temps est tout à fait néfaste à la pensée libre et critique, qui sont emblématisées par les disciplines littéraires, au sens large. Il est donc normal que nous soyons en but à l’hostilité générale. L’ensemble des réformes actuelles est fondamentalement anti-intellectuel et anti-culturel.

Sorbonneengreve. Considérez-vous que vos revendications (retrait des 2 décrets : modulation des services et masterisation) est toujours un préalable à la fin de la mobilisation ?

La prise en considération des revendications concernant les deux points que vous énoncez est, en effet, un préalable à toute négociation. Les négociations sont nécessaires. Ce que nous demandons, (la majorité des corps universitaires) c’est qu’on nous écoute, et qu’on négocie.

Ulysse. De nombreux étudiants craignent pour leur année et rechignent à se mobiliser, même s’ils partagent les revendications. N’est-il pas le moment d’annoncer que leur second semestre va leur être "donné", afin de leur permettre de débuter un mouvement fort ?

On ne va pas "donner" un semestre, on va essayer de valider le semestre. En tant qu’un des leaders du mouvement, je souhaite que nous puissions assurer le maximum de cours pour valider l’année et, en même temps, j’appelle à toutes formes d’actions à l’extérieur des universités. J’appelle à l’amplification du mouvement mais sans blocage des universités.

Sprach. D’abord bravo et merci pour votre engagement. Ensuite quelles sont vos relations avec le président de Paris I, et pourquoi ne se joint-il pas à vous ?

Merci pour vos encouragements. Je suis attaqué sur trois fronts. Il y a le front contre les mesures ministérielles et, en interne, je suis attaqué sur deux fronts : le front des radicaux, qui me reprochent de les avoir trahis, et le front des modérés, qui me reprochent d’avoir appelé à la révolution. Je suis donc très reconnaissant à ceux qui reconnaissent mon action. Il est clair que l’analyse et l’action du président de Paris I ne correspondent pas aux miennes.

Jean. Au lieu de supprimer les IUFM, et d’installer la mastérisation, ne devrait-on pas rétablir les IPES ?

C’est une question de fond, je ne vais pas pouvoir répondre vraiment sur le fond. Ce que je peux dire, c’est que la réforme actuelle est à la fois agressive et régressive, et que nous devons profiter d’une année complète pour réfléchir à des améliorations du système actuel.

Storia. On assiste ces derniers jours à une répression de plus en plus dure qui vise à criminaliser le mouvement de protestation, par ailleurs pacifique. Des heurts ont eu lieu jeudi dernier, avec des CRS, lors de l’occupation de la Sorbonne, et un moniteur de Paris IV (votre université) a été placé en garde à vue. N’est ce pas préoccupant qu’on en soit arrivé au point d’arrêter des professeurs juste parce qu’ils manifestent ?

Je partage totalement votre avis. On assiste à deux caractères du mouvement actuel. Le premier caractère, c’est la radicalisation qui est une réponse à la politique de pourrissement du gouvernement, et le deuxième caractère c’est, en effet, la judiciarisation et la politique de la répression. Je pourrais ajouter aussi l’organisation de la désinformation par le silence des médias officiels.

Jean-Luc. Comment expliquer-vous l’entêtement grotesque des ministres Pécresse et Darcos ?

Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est une maladie : ça s’appelle l’autisme.

Curieux. Pour parler d’autre chose, avez-vous un nouveau livre en projet ?

Oui, un livre sur la beauté.