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Universités : les médias à côté du mouvement - Marianne 2, Gérald Andrieu, 2 avril 2009

jeudi 2 avril 2009, par Laurence

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Neuf semaines de grèves. Neuf très longues semaines. Valérie Pécresse et sa réforme de l’université sont en passe d’établir un record. Et pourtant, la couverture médiatique du mouvement des enseignants-chercheurs laisse franchement à désirer...

« Le Monde a vraiment un rôle pernicieux dans le suivi de ce mouvement. Ne dites surtout pas que c’est moi qui vous ait dit ça, ce n’est pas le moment de se fâcher avec eux… » Un des acteurs majeurs de la contestation universitaire, qui d’habitude, préfère la lumière, opte cette fois pour l’ombre : c’est plus confortable pour tailler un costard au « quotidien de référence » qui ne serait pas très loyal avec le monde enseignant. En ce sens, ce responsable du mouvement reprend à son compte les critiques formulées par Acrimed, qui, dans un long article fort détaillé, s’est appliqué à montré la solidarité du Monde avec la secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur (1).

Mais au-delà de la partialité du Monde, un autre problème se pose. Un problème qui touche l’ensemble des médias traditionnels. Après neuf semaines de conflit opposant les enseignants-chercheurs au gouvernement, force est de constater que les télévisions, les radios et les journaux ont assuré un strict service minimum sur le sujet.

Dans un même élan, les mêmes papiers

La lassitude des journalistes qui voient dans les grèves de l’Education nationale un « marronnier » (un rendez-vous aussi récurrent et excitant que les fêtes de Noël et les embouteillages sur la route des vacances) peut expliquer ce traitement a minima.

D’autant qu’à cette lassitude « classique » vient s’en ajouter une seconde causée par un mouvement qui traîne en longueur. Et cette double lassitude conduit à ce qu’on pourrait appeler des « comportements réflexes » : après avoir suivi sans trop se mouiller les manifestations des enseignants chercheurs, depuis quelque temps, tous les journalistes, dans un suivisme généralisé, empruntent le même chemin. Il y a quinze jours, il fallait dénoncer ces enseignants grévistes qui percevaient malgré tout leurs salaires. Plus récemment, il fallait s’interroger sur la mise en péril des examens de fin d’année. Deux sujets forts légitimes mais qui reviennent, comme par enchantement, à chaque nouvelle grève des enseignants… quand les journalistes peinent à remplir leurs colonnes !

Encore que cette fois-ci, ces angles (d’attaque) leur ont été gentiment soufflés par le ministère de l’Education nationale en personne. Début mars, Valérie Pécresse avait déjà réussi à imposer l’idée que tous les syndicats avaient accepté de s’asseoir à la table des négociations pour réécrire le fameux décret sur le statut des enseignants-chercheurs. Une information reprise les yeux fermés par la presse. Seul problème : le SNESup, le syndicat majoritaire de l’enseignement supérieur, avait décidé de bouder la réunion…

D’autre part, certains journalistes n’hésitent pas à expliquer que ce mouvement universitaire a un tort : être beaucoup trop compliqué. Difficile de les contredire : ce mouvement est en effet complexe car hétérogène. Il a fait exploser en vol les clivages traditionnels : entre présidents et enseignants, entre chercheurs en sciences dures et chercheurs en sciences humaines (même si les deux camps n’ont pas vraiment les mêmes raisons de descendre dans la rue…) et enfin entre syndicats. C’est donc cette complexité qui donne tout son intérêt à ce conflit social.

Zapping, suivisme et... connivence ?

Finalement, la couverture de ce mouvement est assez emblématique de la façon dont les journalistes pratiquent aujourd’hui leur métier : zapping, suivisme, tendance à choisir la voie de la facilité mais aussi connivence.

Car les médias sont fort bien équipés pour rendre compte de ce conflit et connaître de façon assez précise ce qui se passe dans le monde des facultés. Il y a ces universitaires qui fournissent régulièrement en bonnes infos ou en expertises les journalistes. Il y a ceux, aussi, qui squattent les colonnes des pages « tribune » (Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes : une pratique entraînant forcément l’autre…). Et puis enfin il faut compter sur ceux, plus rares, qui, comme Jacques Marseille, ou, à l’autre bout de l’échiquier poiltique, certains journalistes du Monde diplomatique, cumulent les deux casquettes. Jacques Marseille, d’habitude si prompt à taper sur les fonctionnaires, s’est montré très peu bavard sur le mouvement. Heureusement, les lecteurs du Point ont eu, à la place, un Franz-Olivier Giesbert des grands jours stigmatisant « l’idéologie du père peinard » qui habiterait ceux qui ne voudraient rien voir changer dans l’enseignement supérieur...

Les médias traditionnels complètement out, du coup, c’est sur Internet que le débat s’est déplacé. C’est sur Internet qu’il a fallu se rendre pour dénicher des infos, des vraies. Sur des sites comme Educpros.fr (site du magazine L’Etudiant dédié aux professionnels de l’éducation) ou, mieux encore, sur sciences2, le blog de Sylvestre Huet, journaliste à Libération.

(1) Notons au passage que l’un des auteurs du papier en question est lui-même maître de conférences à l’Université Paris 8.