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Universitaires de toute l’Europe, unissez-vous ! - Véronique Soulé, C’est Classe !, 1er juin 2009

mardi 2 juin 2009, par Laurence

Connaissez-vous la "MOC" ? Dans la novlangue européenne, cela veut dire "Méthode Ouverte de Coordination" : on fixe des objectifs - tant de diplômés du supérieur par exemple - et chaque Etat essaie d’être le meilleur. Pour ses détracteurs, c’est une "Méthode Opaque de Convergence" qui détruit l’université à petit feu. Le débat est ouvert.

CentQuatre, journée des rencontres européennes (sur l’université) 30 mai 09 Douze syndicats et associations - Attac, Sauvons l’Université (SLU), Sauvons la Recherche (SLR), le Snesup, l’Unef, etc - organisaient le 30 mai une journée de rencontres européennes sur le thème de l’université. Le CentQuatre, nouveau haut lieu artistique de la capitale - de beaux bâtiments rénovés mais plutôt vides -, leur avait fourni gracieusement un amphithéâtre.

L’objectif des organisateurs : préparer un contre-sommet européen au printemps 2010 "pour une autre Europe du savoir" (contact). A l’approche des élections européennes, l’université veut aussi s’inviter dans la campagne. Elle lance d’ailleurs d’autres actions cette semaine, notamment l’appel de la Ronde des obstinés aux candidats.

L’intérêt d’une telle initiative est double : prendre du recul par rapport à des réformes qui, complexes aux yeux du non-initié, semblent souvent illisibles et dépasser le cadre franco-français.

De nombreux mouvements - jeunes, étudiants, enseignants, etc - traversent l’Europe. Et l’on constate que si les situations diffèrent, les réformes vont dans le même sens, avec les mêmes menaces : privatisation rampante, précarisation grandissante, rôle toujours plus grand de l’évaluation, de la rentabilité avec la gestion manageriale de l’université, etc.

L’inconvénient est que l’on resort de ces débats avec un grand spleen. Avant un exposé très érudit sur l’université au fil des siècles, l’historien Michel Blay a ainsi débuté : "nous sommes dans les anciennes Pompes funèbres générales"... C’est vrai mais d’entrée de jeu, ça plombe un peu l’ambiance.

Clair et incisif, le sociologue Christian Laval a démonté la logique insidieuse, selon lui, des réformes qui se mettent en place en France et en Europe, "une révolution silencieuse, qui se cache et qui se fait par étapes, qui ne concerne pas seulement l’enseignement supérieur et la recherche mais la maternelle jusqu’à l’université, y compris la formation permanente".

Tout commence avec l’appel de la Sorbonne en mai 1998 (doc joint), explique-t-il. Quatre pays européens disent vouloir construire une "Europe du savoir" pour faire pièce à l’Europe des banques et du tout-économie.

En 1999, le processus de Bologne (lire la déclaration commune des ministres) introduit le LMD (licence-master-doctorat) pour harmoniser les systèmes d’enseignement.

En mars 2000, lors du sommet de Lisbonne, le discours se précise : l’UE veut constituer un "espace européen" de l’éducation, de la recherche, de la formation professionnelle, etc. Il faut rattraper les Etats Unis, le Japon, etc. Le mot-clé devient "l’économie de la connaissance".

"Cela veut dire que la connaissance est un bien économique. Une transformation radicale de la façon dont on la regarde. (...) L’impératif suprême est désormais la compétitivité, la connaissance doit devenir un secteur compétitif pour que l’économie soit la plus compétitive du monde."

Cela a, selon lui, deux conséquences principales :

- "la recherche, c’est désormais l’innovation : toute activité de recherche doit déboucher sur un dépôt de de brevet, mesure de la justesse des investissements",

- "l’enseignement, c’est l’employabilité. Et cela commence en maternelle, avec le livret de compétences".

Dans ce cadre, la fameuse MOC "est un outil puissant de transformation. Des groupes informels d’experts se réunissent. Ils définissent des lignes directrices, des objectifs intermédiaires et des outils d’évaluation", avec notamment le benchmarking (score à atteindre).

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