Accueil > Revue de presse > La mise au pas d’un enseignement critique - Nicolas Franck, professeur de (...)

La mise au pas d’un enseignement critique - Nicolas Franck, professeur de philosophie, Libération, 18 juin 2009

jeudi 2 juillet 2009, par Laurence

Dans le tumulte que suscitent les réformes de l’Université et de la formation des maîtres, un projet s’avance masqué. Il chemine, silencieusement mais sûrement, vers son objectif : en finir avec un enseignement élémentaire et généraliste de la philosophie. Celui-ci a pourtant pour mission de permettre aux lycéens de mieux former leur jugement et de développer leur esprit critique, de favoriser leur émancipation intellectuelle. Il contribue ainsi à former un citoyen éclairé et actif, qui ne se définit pas par son adhésion aux valeurs dominantes mais par sa capacité à examiner et à décider des lois de la Cité.

Les signes annonciateurs de ce bouleversement programmé sont passés inaperçus. Le premier d’entre eux a pris la forme d’un rapport de l’inspection générale de l’Education prétendant dresser un « Etat de l’enseignement de la philosophie en 2007-2008 » (1). Ce rapport ne repose sur aucune enquête ni consultation mais s’attache aux représentations que les professeurs se feraient de leur métier. Il ignore les conditions réelles de son exercice, reprend les clichés les plus convenus sur un ton qui vise trop souvent à ridiculiser le travail des professeurs et de leurs élèves. Il conclut que « l’enseignement philosophique français n’a jamais été d’aussi bonne qualité », mais qu’il faut changer la « manière d’enseigner ». Comprenne qui pourra ! Au nom de ce changement nécessaire, les professeurs sont sommés de ne pas rester « en marge des valeurs du monde moderne ». Quelles sont ces valeurs ? Le rapport n’en dit rien. Que valent-elles ? Silence. La tâche de la philosophie n’est pourtant pas de demander aux élèves de reproduire les idoles de leur société. Tout au contraire, dans un monde complexe et incertain, elle doit leur offrir les moyens de se tenir à distance de leurs propres valeurs et de les examiner. Mais les hautes sphères du ministère de l’Education ont d’autres projets, comme le laisse entrevoir un colloque organisé en mars par le doyen de l’inspection générale de philosophie.

(1) En version électronique : http://appep-idf.net

Lire la suite