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Un CNRS ouvert et stratège - discours de V. Pécresse aux 70 ans du CNRS, 19 octobre 2009

lundi 19 octobre 2009, par Chabadabada

Lors du colloque organisé pour les 70 ans du CNRS, la ministre a souligné la nécessité pour le C.N.R.S. de poursuivre son ouverture, en favorisant notamment ses partenariats avec les universités. Elle a également insisté sur le renforcement de son rôle de stratège, au coeur de son organisation en instituts, et de ces rapports avec les autres acteurs de la recherche (organismes, partenaires privés, universités).

Ce discours est sur le site du Ministère

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale (Bernard ACCOYER),
Monsieur le Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Claude BIRRAUX)
Madame la Présidente (Catherine BRECHIGNAC),
Monsieur le Directeur général (Arnold MIGUS),
Mesdames et Messieurs les dirigeants d’organismes,
Monsieur le Président de l’Académie des sciences
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Je suis heureuse d’être parmi vous ce matin pour célébrer les 70 ans du Centre national de la recherche scientifique. Pour notre pays, c’est l’occasion de se souvenir de tout ce qu’il doit aux scientifiques du C.N.R.S. , et de leur rendre l’hommage qu’ils méritent.

Le CNRS, ce sont en effet d’abord des hommes et des femmes, comment les citer tous, de Maurice ALLAIS, Jean-Pierre SERRE, Nicole LE DOUARIN, à Joseph SIFAKIS ou encore à Serge HAROCHE, médaille d’or 2009, dont les travaux fondateurs de l’électrodynamique quantique en cavité ouvrent la voie de nombreuses technologies d’observation de l’infiniment petit.

Le CNRS, c’est la recherche en marche, celle qui explore les frontières de la connaissance, celle qui s’appuie sur le développement de très grandes infrastructures de recherche, comme le plus puissant spectromètre de résonance magnétique nucléaire du monde qui a été inauguré la semaine dernière à Lyon, et qui ouvre de nouveaux champs de recherche en biologie fondamentale et en physique des matériaux. Ces projets souvent à la croisée des savoir-faire sont conduits en collaboration avec de nombreux autres organismes de recherche et universités.

Le CNRS, c’est aussi la recherche sur le long terme, souvent pluridisciplinaire, comme celle menée par le Centre franco-égyptien d’études des temples de Karnak, qui fonctionne depuis 1967 et qui associe aujourd’hui avec succès archéologues et informaticiens, culture et science, chercheurs et grand public. Car c’est du croisement des disciplines, du décloisonnement entre les acteurs, organismes et universités, public et privé, sciences dures et sciences humaines, que naissent aujourd’hui les découvertes les plus originales.

Le CNRS, c’est aussi la recherche innovante à l’exemple des start-up issues de ses découvertes qui s’émancipent et qui grossissent, à l’image d’AlyXan qui a développé une solution de mesure en temps réel de la pollution de l’air, ou encore d’Innovative Health Diagnostics qui proposera des tests de dépistage précoce de la maladie d’Alzheimer.

Finalement le CNRS, c’est une France qui investit dans la Science depuis 70 ans, d’une France qui a fait de la recherche fondamentale un choix politique, d’une France qui attire les talents du monde entier. J’en veux pour preuve les 27 % des chercheurs étrangers recrutés en 2009 par le CNRS.

Ouverture du CNRS

Ce succès même lui crée des obligations. En tout premier lieu, celle de constamment s’ouvrir à de nouveaux partenaires, en luttant contre la tentation de se suffire à lui-même parce qu’il englobe toutes les disciplines.

C’est là tout l’esprit du plan stratégique "Horizon 2020" que vous avez mis en place, Madame la Présidente (Catherine BRECHIGNAC) en juillet 2008. C’est aussi l’esprit de la nouvelle signature du CNRS qui résume bien ses objectifs : "Dépasser les frontières".

Dépasser les frontières des connaissances et des verrous technologiques, bien sûr. Mais aussi dépasser les frontières entre les disciplines et les frontières géographiques, qu’elles soient au sein de l’Espace européen de la recherche ou entre les continents. Dépasser les frontières entre recherche fondamentale et innovation, entre recherche publique et recherche privée.

Dépasser les frontières c’est bien là le signe de l’ouverture du CNRS que je souhaite depuis mon arrivée au Ministère. Cette ouverture, elle se traduit par un partenariat renforcé avec nos universités, lieu où partout dans le monde se cimente le triangle de la connaissance. Car c’est lors de la rencontre entre chercheurs et étudiants que germe la passion de la recherche et de l’innovation chez nos jeunes. C’est par la rencontre entre le monde académique et les entreprises que nous consoliderons les fondements de l’économie de la connaissance, sans renoncer à la quête continuelle du savoir et de la découverte, qui est le ferment indispensable du développement de la culture et du bien-être de nos sociétés.

Le CNRS doit donc trouver toute sa place dans le contexte d’innovation ouverte qui s’organise aujourd’hui. Car il revient désormais à des universités autonomes d’élaborer leur propre politique scientifique. Les organismes de recherche et, au premier rang d’entre eux le CNRS, devront tenir compte de ces orientations tout en travaillant à concevoir ensemble des programmations nationales cohérentes.

Depuis sa création, le CNRS n’a cessé de tisser des liens de plus en plus étroits avec l’enseignement supérieur. Les parcours de ses plus grands chercheurs comme Luc MONTAGNER ou Georges CHARPAK, qui ont conduit indifféremment leur carrière scientifique dans les universités et les organismes de recherche, en sont la meilleure preuve.

Les unités mixtes concrétisent ces liens au quotidien : elles sont le lieu où convergent les projets scientifiques de nos organismes et de nos universités. C’est aussi dans ces unités mixtes que se forge une culture commune aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs. Et pour que cette culture commune perdure, j’ai souhaité réparer une injustice en créant une prime d’excellence scientifique commune aux chercheurs et enseignants-chercheurs, qui remplacera la prime d’encadrement doctoral et de recherche versée jusqu’à aujourd’hui aux seuls enseignants-chercheurs. A côté de cette reconnaissance des mérites individuels, je travaille également à la mise en place d’un dispositif d’intéressement collectif des équipes sur les contrats de recherche, qui permettra de récompenser l’ensemble des personnels associés à un projet quel que soit leur statut au sein du laboratoire. Je rappelle que ces primes et dispositifs d’intéressement m’ont été demandés dans un rapport de l’Académie des sciences.

A mes yeux, les unités mixtes sont les composants élémentaires de notre système de recherche et le socle sur lequel un partenariat rénové entre le CNRS et les universités pourra aisément se construire. C’est pourquoi je tiens à les conforter en supprimant les formalités administratives inutiles, qui compliquent la vie des chercheurs et des enseignants-chercheurs, et en instaurant une évaluation unique externe par l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. La mise en place de la délégation globale de gestion et du mandat unique pour la gestion des brevets sont deux évolutions majeures qui rendront cette simplification tangible dans le quotidien de nos chercheurs.

Au travers de ces unités, ce qui se joue en effet, c’est le rôle même du CNRS : s’engager dans la durée auprès des universités et le faire autour de projets ambitieux. C’est aussi la raison de la création des chaires mixtes universités-organismes, pour faire de cet engagement le ferment de l’excellence individuelle et collective. En s’affirmant ainsi davantage comme agence de moyens, tout en continuant à exercer ses responsabilités de tutelle scientifique, le CNRS sera renforcé dans sa fonction de stratège.

Ce rôle de stratège il est au cœur de sa réorganisation en instituts. Parce que ces instituts incarneront des disciplines fortes, ils pourront financer les meilleurs laboratoires et projets, et cultiver une véritable interdisciplinarité. Ils feront également vivre le dialogue que le CNRS entretient avec ses partenaires universitaires, mais aussi avec le monde économique. Dès 2010, je m’engage à ce que des moyens supplémentaires soient au rendez-vous de cette nouvelle organisation.

Ce rôle de stratège, le CNRS doit bien évidemment l’assumer en lien étroit avec les autres organismes de recherche et les universités. Il doit être à l’origine de beaux et de grands projets qui, à l’image des satellites Planck et Herschel, nous font rêver et toucher du doigt les origines du monde qui nous entoure : big-bang, rayonnement primordial, galaxies, et trous noirs.

Définir une stratégie concertée, c’est l’objet des Alliances qui unissent désormais l’ensemble des acteurs scientifiques dans le domaine des sciences de la vie ou dans le secteur de l’énergie, et bientôt, je l’espère, dans le domaine des sciences et technologies de l’information. Le but de ces alliances est simple : coordonner notre effort de recherche pour répondre aux grands défis de notre temps, là où notre système de recherche apparait trop fragmenté.

Les alliances, permettez-moi de le dire, sont une preuve de la confiance de l’Etat envers les acteurs de la recherche. Ils élaboreront eux-mêmes leur programmation, laquelle viendra influer sur les appels à projets de l’ANR. Car, qu’il s’agisse de développer des nouvelles sources d’énergie renouvelables ou de répondre dans l’urgence à l’apparition d’une nouvelle épidémie, une chose est certaine : les progrès de la recherche seront encore plus rapides si nos chercheurs unissent leurs forces et définissent ensemble les priorités de la Nation.

Les grands défis scientifiques

Ce choix de la confiance, qui part de la communauté scientifique et des représentants du monde économique ou de la société civile pour guider l’action politique en matière de recherche, c’est aussi celui que nous avons fait pour l’élaboration de la stratégie nationale de recherche et d’innovation.

Cette stratégie est le fruit d’un travail collaboratif de 600 personnes issues de la recherche académique, des entreprises innovantes, des milieux associatifs, et bien sûr, Messieurs les Présidents (Bernard ACCOYER et Claude BIRRAUX) de la Représentation nationale.

Cette stratégie, établie pour quatre ans, a maintenant vocation à être déclinée dans chacun des territoires, dans les politiques scientifiques des universités et des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Elle doit l’être aussi dans chacun des organismes de recherche, et c’est ce que vous avez fait dans le cadre du contrat d’objectifs que nous signerons tout à l’heure. Ce contrat d’objectifs, nous avons voulu qu’il soit ambitieux et jalonné par des indicateurs précis pour rénover en profondeur le dialogue du CNRS avec l’Etat, et le mettre aux standards internationaux.

Vous y avez précisé vos grands axes stratégiques de recherche, organisés autour de trois pôles transverses : le développement durable au service de l’homme, l’origine et la maîtrise de la matière, la société en réseau. J’y vois là une parfaite cohérence avec notre stratégie nationale, qui réaffirme notre choix politique d’investir dans la recherche fondamentale et qui affiche comme priorités notamment l’information et la communication, et l’urgence environnementale.

Vous avez fait du développement durable l’une de vos priorités de recherche, et je m’en réjouis. Comprendre le fonctionnement de notre climat et en prévoir l’évolution et ses impacts est, comme chacun le sait, l’un de nos plus grands défis pour les décennies à venir. Nous n’y arriverons qu’en prenant des risques et en mobilisant la recherche la plus fondamentale. Nous devrons lire, et encore mieux comprendre, les archives climatiques répertoriées dans les données historiques, dans les cernes des arbres, dans la biodiversité, ou dans les bulles de gaz atmosphériques piégées dans les glaces polaires.

Nos prévisions de l’évolution du climat devront être plus fiables pour aider les décideurs politiques. Seules les simulations climatiques les plus sophistiquées nous y aideront. Elles nécessitent des modèles physiques et mathématiques de plus en plus fins et des ordinateurs toujours plus performants, et dans ce domaine, je sais que je peux compter sur vous.

Le CNRS et l’innovation

Ces grands défis scientifiques, nous devons aussi les transformer en innovation.

Les performances du CNRS en matière de publication sont connues : en 2008, les laboratoires du CNRS ont contribué, directement ou en collaboration avec des chercheurs d’autres organismes, à plus des deux tiers des publications françaises, hors recherche médicale, et à plus de 10% des publications européennes, avec des indices d’impact très satisfaisants.

Je veux également saluer l’amélioration constante de la valorisation des résultats de la recherche, avec 295 brevets déposés en 2008, un taux d’exploitation des brevets de 44%, et plus d’une vingtaine de start-up créées l’année dernière.

Mais le CNRS, à l’instar de l’ensemble de notre dispositif public de recherche, devra poursuivre à l’avenir ses efforts pour augmenter le chiffre d’affaires tiré de sa propriété industrielle et le nombre de start-up utilisant ses technologies.

Sa politique de propriété industrielle pourrait être encore plus dynamique pour faciliter les transferts de technologies vers l’économie nationale. Les entreprises qu’il accompagne, en son sein ou en partenariat, doivent se voir proposer des droits privilégiés sur les brevets, dans des délais encore plus courts qu’aujourd’hui. C’est leur seule richesse et donc leur seule chance de trouver les capitaux nécessaires à leur croissance. Dans le domaine de l’innovation, vous le savez, le facteur-temps est la clé et nous pouvons encore gagner en rapidité !

Le CNRS devra aussi apporter son concours aux sociétés de transfert de technologie que je souhaite créer dans les grands pôles universitaires. Il pourra leur offrir des services à forte valeur ajoutée, notamment en aidant à la constitution de portefeuilles de brevets par grands champs disciplinaires, à la négociation de licences, ou encore à l’amorçage des start-up.

Le grand emprunt

Mesdames et Messieurs, cette ambition que nous réaffirmons pour le CNRS, elle coïncide avec la réflexion sur le grand emprunt, voulu par le Président de la République pour que notre pays sorte renforcé de la crise économique.

Et le je dis solennellement, à mes yeux, investir dans l’avenir c’est faire résolument le choix de la recherche et de l’innovation. C’est pourquoi il me semble indispensable que le grand emprunt soit l’occasion pour notre pays de faire un saut scientifique et technologique.

Il ne nous reste plus qu’à transformer cette promesse en projets. Je sais que vous êtes tous mobilisés en ce sens, et votre participation si nombreuse au séminaire qui a été organisé le 6 octobre dernier dans mon ministère en est une preuve tangible. Sachez que j’ai porté l’ensemble de vos 29 propositions auprès des présidents de la commission et qu’ils y ont été particulièrement attentifs.

Pour le CNRS, le grand emprunt pourrait être l’occasion de conforter son excellence, notamment dans la chimie verte, dans le photovoltaïque, le calcul intensif, et les grands équipements. Il est envisagé de regrouper nos forces pour créer un grand pôle de recherche sur le climat et l’environnement sur le plateau de Saclay, s’appuyant sur l’observation de la terre et sur la modélisation, mais aussi ouvert aux sciences sociales. Car c’est bien une nouvelle économie sans carbone qu’il nous faut inventer, et nous aurons besoin des sciences sociales pour mieux comprendre les comportements humains face au changement climatique. De même, nous devons inventer les modes de transports de l’avenir, avec des plateformes de recherche sur la mobilité durable et sur la route intelligente. Dans les technologies de l’information, nous devons prendre résolument le virage des nanotechnologies. Elles peuvent faire peur, mais je rappelle que 20% des moyens du Plan NanoInnov sont consacrés à des recherches sur leur sécurité. Elles vont révolutionner non seulement la micro-électronique, mais également la science des matériaux ou encore la médecine et les biotechnologies.

Voilà des sujets structurants, auxquels le CNRS aurait évidemment toute sa part. Ce serait l’occasion une fois de plus de démontrer sa capacité à entraîner la communauté scientifique française et internationale, de mettre en avant les hommes et les femmes qui font sa richesse, et de renforcer le potentiel d’innovation de notre économie.

Voilà Mesdames et Messieurs, une belle façon de célébrer dignement l’anniversaire du premier de nos organismes scientifiques.

Je vous remercie