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Formation des enseignants : et maintenant, où allons-nous ? Lettre à la FSU de Sauvons l’Université ! (12 novembre 2009)

samedi 14 novembre 2009

Cher-e-s collègues, cher-e-s camarades,

Malgré six mois d’un mouvement universitaire qui a fait du dossier de la réforme de la formation des enseignants un des principaux axes de notre mobilisation, malgré les critiques et les condamnations unanimes des acteurs potentiels de cette formation, malgré les conséquences désormais manifestes de la précipitation et de l’aveuglement qui ont présidé à la conception de cette réforme, malgré l’absence totale de lien entre celle-ci et une revalorisation générale des salaires des collègues du premier et du second degré, malgré les coups ainsi portés à la démocratisation du métier d’enseignant, la réforme de la formation des enseignants des premier et second degrés est mise en place à marche forcée dès cette année universitaire 2009-2010.

Les ministres concernés par le dossier agissent comme d’ordinaire au mépris de toute forme de « concertation » (ne parlons même plus de « négociations », ce mot a disparu de leur vocabulaire, avec ce qu’il suppose d’engagements réciproques, d’échéanciers et d’échanges d’informations constructives pour bâtir des compromis qui ne soient pas des compromissions). Les syndicats représentatifs n’ont pas eu voix au chapitre au sein des groupes de travail et les ministres n’ont même pas attendu les conclusions desdits groupes de travail pour faire passer leurs décrets au cœur de l’été. De leur côté, les recteurs d’académie tentent sans vergogne depuis septembre de mettre en place des stages pour les enseignants sans tenir le moindre compte de la prétendue formation professionnelle à laquelle ces stages devraient contribuer et en ne considérant ceux-ci que comme des moyens supplémentaires de remplacer les collègues absents ou malades.

Nous avons lutté ensemble depuis plus d’un an contre cette réforme. Nous devons redire ensemble cette année que la nécessité d’une formation professionnelle des enseignants – exigence reconnue par tous - ne saurait se satisfaire de l’entretien d’une méfiance entre les différents acteurs – tous indispensables – de la formation. Cette exigence de formation pour « un métier qui s’apprend » ne passera ni par le retour d’un débat stérile entre soi-disant « pédagogues » et « disciplinaires » postulés, ni par une lutte des partisans auto-proclamés d’une « formation professionnelle » contre les prétendus adeptes d’une formation « théorique ». Toute formation disciplinaire est professionnalisante et toute formation en didactique détachée des disciplines concernées est absurde. Sans véritable collaboration – pour partie à construire – entre les UFR et les Instituts universitaires de formation des maîtres (ou ce qui en tiendra lieu), rien n’est possible. Chacun doit comprendre que les universités et les IUFM se sauveront ensemble ou sombreront ensemble, notamment dans les formations de lettres et sciences humaines et en mathématiques.

Par ailleurs, il est particulièrement inadmissible d’envisager, comme cela semble être le cas, que les mêmes étudiants passent successivement à quelques semaines d’intervalle un concours de recrutement au métier de PE puis un CAPES ou un CAPLP. Enfin, il faut affirmer clairement que la sélection en M1 – fût-ce sous la forme de prétendus « pré-recrutements » – n’est pas une solution acceptable à la multiplication probable des « reçus-collés » produite par la réforme. D’une part, ces éventuels pré-recrutements, comme par le passé, seront accordés au compte-goutte et leur nombre sera remis en cause chaque année. D’autre part, dans le climat actuel, il y a un vrai danger que cette forme de sélection précoce (sur quels critères d’ailleurs ?) offre une possibilité au gouvernement de supprimer les concours de recrutement et d’accélérer ainsi le remplacement des fonctionnaires d’Etat par un simple vivier de contractuels dans lesquels les rectorats pourront puiser selon leurs besoins.

Nos adversaires communs ne mentent pas quand ils disent qu’ils ne détruiront pas les concours de recrutement et qu’ils ne supprimeront pas le statut qui leur est lié (du moins pas tout de suite...) : ils videront simplement les concours de leur sens - supprimant ainsi le mode républicain de recrutement - et feront du statut une survivance désuète du passé - bientôt réservée à une minorité d’« agents de l’État ».

Dans cette situation, il est sans aucun doute important que la FSU ait redit clairement, par la bouche de son secrétaire général, en clôture des Assises sur la Formation des Enseignants le samedi 7 novembre 2009, que la seule solution est l’abandon de cette réforme nuisible pour tous (pour l’Université en général comme pour ces composantes de l’Université que sont désormais les IUFM, pour l’enseignement primaire ou les écoles maternelles comme pour les lycées et collèges). Aujourd’hui, nous n’avons en effet qu’un impératif : répondre de manière unitaire aux aberrations de cette réforme, organiser la collaboration des différents acteurs de la formation des enseignants. Cela exclut que la réforme se fasse sur la base d’une adhésion aveugle à une logique «  intégrée » ou « simultanée ». Nombreux sont les collègues qui s’élèvent vigoureusement contre la nouvelle doxa que l’on veut nous imposer. Un tel choix présente en effet l’inconvénient considérable de menacer la pérennité du concours de recrutement, alors que des voix se font entendre du côté de la CPU et de la CDIUFM pour faire entrer à terme les stages professionnels dans les épreuves du concours. Ce sont les mêmes voix qui considèrent depuis plusieurs années qu’il faut inverser, dans l’enseignement public, la proportion comparée des enseignants sans statut et des enseignants sous statut de fonctionnaires...

Face à l’urgence, nous devons construire une réponse commune et unitaire à la hauteur des enjeux. Cette réponse ne peut que commencer par le refus de contribuer de quelque façon que ce soit à la mise en place de cette réforme. Pour obtenir vraiment « l’abandon » de ce projet néfaste que nous condamnons tous, il faut donc refuser tous ensemble et dès maintenant de mettre en place les stages durant cette année universitaire et annoncer clairement qu’il est hors de question dans ces conditions de remonter la moindre maquette de master d’enseignement en décembre. Nous pourrons ainsi créer les conditions nécessaires au retrait des décrets promulgués cet été et envisager l’ouverture de vraies négociations pour une autre réforme de la formation des enseignants et pour la reconnaissance des cinq années de formation suivies par les futurs enseignants.

Bien à vous

pour SLU,

Jean-Louis Fournel,
président et porte parole de Sauvons l’Université ! (SLU)