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Appel d’un président d’université au sujet de la réforme de la formation des enseignants - Christophe Pebarthe, Le Blog de Médiapart, 16 janvier 2010

samedi 16 janvier 2010, par Laurence

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[Chers collègues,]

C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat. Vous étiez prêts à continuer la lutte, je le savais. Notre défaite est venue de nos relâchements. L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur. C’est à un redressement intellectuel et moral que, d’abord, je vous convie.

C’est vers l’avenir que, désormais, nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence. Vous avez souffert. Vous souffrirez encore. Beaucoup d’entre vous ne retrouveront pas leur métier. Votre vie sera dure. Ce n’est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses. Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. Pour le présent, [les universitaires] sont certains de montrer plus de grandeur avouant leur défaite qu’en lui opposant des propos vains et les projets illusoires.

Je suis et resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Pour accomplir la tâche immense qui nous incombe, j’ai besoin de votre confiance. L’assemblée nationale [le 10 août 2007] m’a investi de pouvoirs étendus. [Désormais, avec le passage aux responsabilités et compétences élargies], les fonctionnaires ne seront plus entravés dans leur action par des règlements trop étroits et par des contrôles trop nombreux. Ils seront plus libres ; ils agiront plus vite. Mais ils seront responsables de leurs fautes. La responsabilité des fonctionnaires ne sera plus un vain mot.

Il n’y a plus de place pour les mensonges et les chimères, lI faut que les [universitaires] s’attachent à supporter l’inévitable, fermement et patiemment. Le rôle du [président] est de les y aider, par une action constante, uniquement inspirée de la passion du bien public. Nous nous engageons simplement à travailler de notre mieux, honnêtement, courageusement, de toutes nos forces de notre esprit et. de notre coeur, pour remplir la haute et difficile mission qui nous est dévolue. Faisons notre devoir les uns et les autres, en toute conscience.

L’École française de demain enseignera avec le respect de la personne humaine, la famille, la société, la patrie. Elle ne prétendra plus à la neutralité. La vie n’est pas neutre ; elle consiste à prendre parti hardiment. Il n’y a pas de neutralité possible entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, entre la santé et la maladie, entre l’ordre et le désordre [...]. Nous maintiendrons, nous élargirons s’il se peut, une tradition de haute culture qui fait corps avec l’idée même de notre [université].

Nous favoriserons, entre nos [collègues] et nos industriels, une coopération féconde et, sans abaisser le niveau de notre enseignement supérieur, nous nous efforcerons d’orienter dans un sens plus réaliste, la formation de nos ingénieurs, de nos médecins, de nos magistrats, de nos professeurs eux-mêmes. Nous nous attacherons à détruire le funeste prestige d’une pseudo-culture purement livresque, conseillère de paresse et génératrice d’inutilités.

C’est dans cet esprit que [le gouvernement réorganise] l’école [...]. Elle continuera comme par le passé, cela va sans dire, à enseigner le français, les éléments des mathématiques, de l’histoire, de la géographie, mais selon des programmes simplifiés, dépouillés du caractère encyclopédique et théorique qui les détournait de leur objet véritable. Par contre, une place beaucoup plus large y sera faite aux travaux manuels dont la valeur éducative est trop souvent méconnue. Il faudra que les maîtres de notre enseignement primaire se pénètrent de cette idée, et sachent en pénétrer leurs élèves, qu’il n’est pas moins noble et pas moins profitable, même pour l’esprit, de manier l’outil que de tenir la plume, et de connaître à fond un métier, que d’avoir sur toutes choses des clartés superficielles.

Mes chers [collègues], on vous a parlé souvent, depuis quelques années, [du collège] unique. [Le collège] unique, c’était un mensonge parmi beaucoup d’autres ; c’était, sous couleur d’unité, une école de division, de lutte sociale [...]. Nous, qui avons horreur du mensonge, qui voulons en toute circonstance vous dire la vérité, [nous vous disons que le gouvernement entreprend] de faire pour la France, l[e] véritable [collège] unique ; [celui] qui, quels qu’en soient les maîtres, quels qu’en soient les programmes, sera animée d’un esprit unique ; [celui] qui mettra tous les Français à leur place [...] ; [celui] qui, leur accordant toutes les libertés compatibles avec l’autorité nécessaire, leur concédant toutes les égalités compatibles avec une hiérarchie indispensable, les mêlant tous dans un grand élan chaleureux de fraternité nationale, fera de tous les Français les servants d’une même foi, les chevaliers d’un même idéal, symbolisé dans ce mot unique : France.

Il faut reconstruire [l’université]. Cette reconstruction, c’est avec vous que je veux la faire. Bientôt, je vous demanderai de vous grouper pour, qu’ensemble, [...] vous meniez cette révolution jusqu’à son terme, en ralliant les hésitants, en brisant les forces hostiles et les intérêts coalisés, en faisant régner, dans [l’université] nouvelle la véritable fraternité [...].

[Cordialement,

Philippe P., président de l’université (illisible)]