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Un exemple instructif sur les conséquences de la masterisation : compte rendu de l’audience à l’Inspection Académique, Bobigny (6 Mai 2010)

vendredi 7 mai 2010, par Anneflo

Compte rendu de l’audience à l’Inspection Académique, jeudi 6 Mai 2010, Bobigny

(source du CR : délégation)

Présents :

Messieurs les Inspecteurs : M.Dutot et M.Mahieux

La délégation : 2 parents d’élèves (école M. Curie), 1 directrice (école M.
Curie), 4 enseignants (école M. Curie), 1 enseignante du secondaire et 1
représentant syndical.

Exposé de la situation par la délégation :

Contexte

Suite à la venue d’une remplaçante en « contrat 108 heures », l’équipe de
l’école Marie Curie de Bobigny se met en grève, pour manifester son
désaccord et dénoncer cette solution inadaptée, qui répond de façon
insatisfaisante au manque de plus en plus pressant de remplaçants sur le
département.

Le constat

Du fait du manque cruel de remplaçants la situation est très difficile sur
l’ensemble du département depuis Septembre. Cette situation est dénoncée
depuis le début de l’année, par l’ensemble des collègues et les parents
d’élèves soutenus par les organisations syndicales et la FCPE.
Cette situation provoque depuis le début de l’année d’importants
dysfonctionnements :

- instabilité pour les élèves dont l’absence de l’enseignant se traduit par
leur envoi systématique dans d’autres classes que la leur, voire même par le
fait de rester chez eux !

- inquiétude et mécontentement des parents dont les enfants ont un
enseignant absent, non-remplacé, parfois sur des périodes longues.

- difficultés supplémentaires pour l’enseignant d’ordre quantitatif
(sureffectifs) mais aussi qualitatif : répondre aux besoins des enfants « 
répartis » qui ne sont pas de leur classe tout en continuant d’assurer pour
les enfants de leur classe, un enseignement de qualité. Cette difficulté est
d’autant plus accrue que cette situation d’accueil temporaire d’enfants
d’autres classes n’est pas exceptionnelle mais semble s’installer comme une
nouvelle composante du métier.

La situation antérieure

Tous les ans, le recrutement sur la liste complémentaire permettait de
répondre aux besoins les plus urgents dans les circonscriptions. Nous étions
déjà dans une situation de dérive, puisqu’à l’origine la liste
complémentaire devait simplement servir de variable d’ajustement, les
remplacements devant être assurés comme il se doit, par des enseignants
formés et titulaires. Or, depuis plusieurs années dans notre département,
une part non négligeable des remplacements a été organisée en comptant sur
les effectifs de la liste complémentaires. De simple variable d’ajustement,
l’ouverture de la liste complémentaire a donc été intégrée structurellement
dans la gestion des effectifs. Des remplacements étaient massivement et
régulièrement pourvus par des stagiaires non formés et non titulaires, ce
qui était déjà regrettable.

Toutefois, si ces stagiaires recrutés sur la liste complémentaire n’avaient
pas encore eu de formation :

- ils faisaient partie de ceux qui avaient presque réussi le concours (le
nombre de postes diminuent, plus de 900 en 2007 contre moins de 700 cette
année. Dès lors, les candidats retenus sur la liste complémentaire en 2009,
auraient été sur liste principale en 2007).

- ils étaient dans la perspective d’une formation et dans la sérénité d’un
statut propice à l’entrée dans le métier.

- ils bénéficiaient d’un accompagnement certes insuffisant mais existant.

La situation actuelle

C’est la première année que le Ministère refuse obstinément de faire appel à
des professeurs des écoles stagiaires recrutés sur la liste complémentaire.
Ce refus, directement en lien avec la suppression de la formation
professionnelle et celle des IUFM (Institut Universitaire de Formation des
Maîtres), a eu pour effet direct l’impossibilité de remplacer les absences
des collègues titulaires, donc :

- la pénalisation des élèves et des équipes pédagogiques.

Des parents d’élèves et des organisations syndicales ont pourtant obtenu une
audience le 20 janvier dernier, avec des représentants du ministère de
l’Education Nationale qui ont reconnu qu’il « manque 100 postes de
remplaçants en Seine-Saint-Denis ».

Le ministère partage donc notre constat : il manque des
enseignants-remplaçants dans les écoles de notre département.

Malgré cela, la « solution » choisie est le recrutement, sur des contrats
précaires, d’étudiants préparant le concours. Ils sont embauchés en CDD pour
4 semaines ou plus, à 750 euros/semaine. Comment refuser cette offre
lorsqu’on est souvent, de part la situation d’étudiant, dans des situations
précaires ?

Mais comment, pour des enseignants formés et expérimentés, ne pas
s’interroger sur la valeur et la reconnaissance de leur travail, lorsque
l’administration décide de les remplacer par des personnes sans expérience
d’enseignement, sans formation avec une rémunération deux fois plus élevée ?

Par cette attaque frontale contre la profession et ses statuts, c’est le
cadre global du service public d’éducation qui est menacé !

Pour les bénéficiaires de ces CDD :

La réalité est :

- Une chance incertaine de devenir enseignant car conditionnée par la
réussite du concours.

- Un gain d’argent conséquent immédiat.

La perspective n’est plus :

- D’accéder au statut de professeur des écoles stagiaire avec une année de
formation initiale rémunérée à l’IUFM.

- De devenir enseignant.

Ce que l’Etat propose actuellement aux étudiants, c’est :

- un contrat précaire sans aucune possibilité de titularisation.

- une période de 4 semaines (voire plus) de stage en responsabilité pendant
la période cruciale de préparation des épreuves (au risque de provoquer,
pour eux, une hausse du taux d’échec au concours). Et s’ils sont, malgré
cela, reçus : aucune formation initiale rémunérée en alternance à l’IUFM.

Ce que nous demandons pour les étudiants qui se destinent au métier
d’enseignant :

- une allocation de préparation au concours pour les étudiants (comme cela
existait dans les années 90 pour préparer des concours enseignants)

- des stages d’observation dans des écoles, en fonction des besoins exprimés
et de leurs disponibilités.

Ce que nous demandons pour pallier le manque de remplacements :

- des postes spécifiques sont attribués à des professeurs Titulaires-remplaçants (ZIL et Brigades). Si la Seine-Saint-Denis manque de
personnels, il faut en recruter !

C’est pourtant une évidence qui nous mobilise : nous exigeons des
remplaçants-titulaires pour assurer les remplacements !

Il n’est pas acceptable de substituer des contrats précaires au statut
existant.

Les enseignants-remplaçants ont choisi ces postes. Ce sont des professeurs
formés.

Pour toutes ces raisons, les enseignants de l’école Marie Curie de Bobigny
sont en grève à partir d’aujourd’hui pour obtenir :

- Le remplacement du collègue absent par un Professeur des Ecoles-ZIL ou
Brigade départementale.

- Le maintien à l’école de l’étudiante stagiaire inscrite au concours 2010,
pour effectuer un stage d’observation dans les classes, en gardant sa
rémunération et un vrai suivi.

En effet, elle n’a reçu aucune visite de conseiller pédagogique ou tout
autre accompagnement, ce qui pourrait faire penser qu’elle intervient dans
le cadre d’un stage et non dans celui d’un job très bien rémunéré.

Réponse de M. Dutot (Inspecteur d’Académie Adjoint) :

" Il y a une grande différence entre les discours militants que vous tenez
et les besoins du service public d’éducation que nous représentons.
Je fais preuve, dans l’exercice de mes fonctions d’inspecteur d’académie, de
neutralité républicaine.

Les accusations contre la nouvelle formation enseignante que vous formulez
sont très sévères. Elles témoignent d’une vérité qui s’impose pour vous. A
vous écouter, on n’aurait pas le droit de faire des expérimentations.

De toute façon, la « Masterisation » est une réalité qui va s’appliquer.
Nous sommes dans une période de transition. L’année prochaine, le stage en
responsabilité [comprendre CDD !] sera inscrit dans le cursus des Masters.

Le CDD n’est pas un contrat précaire [sic !], d’ailleurs c’est un stage. C’est une vraie opportunité d’accomplir un complément de formation en vue de la préparation au concours. Il y aura d’ailleurs 60 % de
professionnalisation dans le Master. Ça sera l’équivalent d’un DESS
professionnel.

Nous n’avons pas eu l’autorisation d’ouvrir la liste complémentaire car il y
aura, l’année prochaine, deux promotions qui arriveront sur le terrain en
même temps. Il y aura un surnombre d’enseignants dans les écoles du
département".

Questionné sur la sécurité des enfants placés sous la responsabilité de
stagiaires inexpérimentés et non accompagnés, M. Dutot répond :

"La sécurité ne repose pas sur les épaules d’une seule personne, mais sur
une équipe. D’ailleurs, vous savez bien qu’en cas de problème, l’Education
Nationale soutient ses agents, la plupart du temps.
Il faut contextualiser ce qui se passe en ce moment. Vous tenez des propos
alarmistes. Vous êtes aussi fonctionnaires, ne l’oubliez pas !

Si le congé maladie du collègue absent se prolonge lundi, nous aviserons
avec l’IEN de circonscription. »