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Exclusif : maintenant, on paye pour décrocher un stage ! - Pauline Baron, Marianne2, 11 octobre 2010

mercredi 13 octobre 2010, par Elie

Payer pour travailler… Voilà l’absurdité à laquelle sont réduits de nombreux jeunes fraîchement diplômés, faute de mieux. Pour obtenir un stage en entreprise, certains organismes de formation bidons leur demandent des centaines d’euros pour leur procurer des conventions de stage. Pire, les facs aussi réalisent des inscriptions sans formation réelle pour permettre aux étudiants de décrocher des stages.

Pour lire cet article sur le site de Marianne2.

Désormais pour réaliser un stage au sein d’une entreprise, les jeunes diplômés n’ont plus qu’à sortir… leur chéquier ou leur carte bancaire. En toute illégalité puisque n’assurant qu’une formation fictive – sans la moindre heure de cours ou de deux jours seulement -, des organismes leur délivrent en effet des conventions de stage, mais à condition d’y mettre le prix : entre 400 et 800 euros rien que pour les frais d’inscription.
Marianne2 a pu le vérifier de visu. L’une de nos journalistes s’est faite passer pour une étudiante en recherche de stage. Le dialogue, que nous avons reproduit ci-dessous, est édifiant. Il démontre bien que des margoulins profitent de la situation très difficile des étudiants arrivant sur le marché de l’emploi pour leur « vendre » des conventions leur permettant de décrocher un stage.

Cette dérive est confirmée de consort par Génération Précaire et Georges Asseraf, secrétaire général du Comité de suivi des Stages, qui ont alerté le Rectorat de Paris. « De fausses boîtes proposent 4 heures de cours par correspondance, et au bout d’une semaine envoient la convention aux jeunes », dénonce Julien Bayou porte-parole de ce collectif de stagiaire. « Au cours de l’année, nous avons recensé deux organismes bidons : StageOne –dont le site internet ne fonctionne plus- et Athéna Formation –qui a refusé de délivrer à notre fausse stagiaire une convention sans inscription à un vrai cursus- », confirme pour sa part Georges Asseraf.

Mais d’autres fraudeurs à la réglementation sur la formation professionnelle, pourraient être passés dans les mailles du filet : « le problème, c’est que ce type d’officine change fréquemment de nom », avoue ce dernier. StageInn, lui, présente toutes les caractéristiques de ce genre d’établissement, offrant ainsi des cours de marketing ou d’informatique à une future stagiaire en journalisme. Cherchez l’erreur !

Ce petit business pour le moins lucratif s’avère, on ne peut plus simple à mettre en œuvre. Ces structures n’ont en effet besoin que d’une page web et d’un lot conséquent de conventions, les étudiants n’ayant qu’à s’y inscrire via Internet pour avoir accès à toutes les informations pratiques mises en ligne par leur soin. « C’est un accès payant pour aider les jeunes dans leur recherche, ce qui n’a pas lieu d’être surtout que des bases de données en accès gratuit existent », commente Georges Asseraf. Les nouveaux diplômés n’ont alors plus qu’à récupérer - en main propre ou par La Poste - leur convention de stage, et cela sans avoir à subir la moindre heure de cours ou seulement quelques journées de formation. Mais en l’absence d’un véritable cursus d’enseignement supérieur, cette combine s’avère totalement illégale, au regard de la nouvelle réglementation sur la formation professionnelle entrée en vigueur fin août.

Comment une telle dérive est-elle possible, alors même que seules les universités et les écoles sont habilitées à fournir ce document ? Actuellement, aucune procédure d’accréditation ou de contrôle n’encadre ce système, ainsi livré aux mesquineries des fraudeurs. « Les établissements d’enseignement supérieur doivent simplement obtenir une autorisation du rectorat » pour décrocher le statut d’organisme de formation, indique Georges Asseraf. « Celui-ci reconnaît au chef d’établissement un niveau d’étude suffisant pour proposer un enseignement, qui peut alors inclure ou non des périodes de stage », explique-t-il. Mais les StageOne et autres écoles bidons du même genre restent elles terrées dans l’illégalité la plus totale, demeurant ainsi invisibles aux yeux des autorités. Quant à avoir à l’œil l’ensemble du système, la tâche semble quasi impossible à réaliser avec « plus d’un million de stages effectués par an rien que dans les universités », estime le secrétaire général du Comité de suivi des Stages.

Pièces nécessaires pour l’inscription en stage sur le site de Marianne2

Les universités rejoignent le mouvement

Un petit business, à la fois sûr et lucratif, qui commence même à séduire quelques universités, désireuses de contourner la loi face à de jeunes diplômés en quête d’expérience professionnelle. Depuis la rentrée, les facs ayant anticipé l’entrée en vigueur de la loi sur la formation professionnelle, ont en effet institué des formations vides de tout contenu. Au programme : un dispositif baptisé « Passerelle pour l’emploi » à l’université Pierre Mendès-France de Grenoble, un tout nouveau DU réservé à ses anciens élèves tout juste diplômés pour Paris-Dauphine, d’après les informations fournies par Génération Précaire… « L’une des exceptions contenue dans le décret d’application concerne les formations non-qualifiantes, c’est-à-dire celles assurées par les universités. Or, certaines d’entre elles acceptent d’intégrer de jeunes diplômés, pour leur permettre de faire des stages » à condition qu’ils s’acquittent -bien entendu- des frais d’inscription, condamne Julien Bayou, porte-parole de collectif dont la mobilisation face à la dégradation du statut de stagiaire a permis la rédaction de ce texte de cette loi.

Au CIO sup de l’Université grenobloise, le malaise est palpable lorsque l’on évoque ce cursus au nom très étrange : « C’est une sorte de diplôme pour faire un stage, mais il concerne uniquement les étudiants de Master 1 qui n’ont pas trouvé de M2… On le conseille assez peu aux M2 qui n’ont rien, tente-t-on de se défendre, mais ça peut servir à des M2 qui n’ont pas fait de stage durant leur cursus ». « Vous savez, si des universités se livrent à cette pratique, c’est avant tout parce qu’il y a une forte demande des étudiants. Cette situation n’est pas liée à la mis en place de la nouvelle loi », poursuit-on. Petit problème : la formation « Passerelle pour l’emploi, hors cursus » qui existerait depuis des années ne figure, bizarrement, toujours pas sur son site internet. Reste que cette petite combine peut coûter très cher aux jeunes, les tarifs d’inscription de minimum 180 euros –auxquels s’ajoute 200 euros de Sécurité sociale- étant laissés au bon vouloir des universités. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle, alors que les stagiaires ne sont rémunérés que 417 euros mensuel dès le deuxième mois de présence dans l’entreprise ?

Certes, ce sont les jeunes diplômés qui décident librement de s’inscrire auprès de ces établissements, pour effectuer un stage. Mais ces écoles bidon s’en mettent aujourd’hui plein les poches, sur le dos de jeunes ne trouvant pas de travail. Une pratique qui reste tout de même « marginale », tient à rassurer Georges Asseraf. Mais si rien n’est entrepris pour relancer l’emploi de cette catégorie d’actifs, de nombreux « étudiants fantômes » continueront de déserter les amphithéâtres. Car c’est bien là, la source de toutes ces dérives.

Marianne2 : « J’ai été diplômée en juin dernier d’une école de journalisme, et mon stage de fin d’étude, auprès de Marianne, se finit à la fin du mois. Je vais alors me retrouver sans rien, et donc on m’a dit que vous aviez la possibilité de donner des conventions de stage ? »

StageInn : « Oui, et bien je vais vous envoyer un dossier d’inscription. J’ai votre adresse mail ? »

« Oui, et ça se passe comment par la suite ?

Il faut nous envoyer un dossier complet sur l’adresse du site, avec des frais de 560 euros pour toute la durée du stage.

Et je n’aurais pas besoin de suivre de cours. Je peux directement me rendre dans l’entreprise pour commencer mon stage. C’est cela ?

En fait, il y a deux jours de formation obligatoire qui sont à suivre avant ou pendant la durée du stage. Le votre commencerait quand ?

Ce serait pour poursuivre celui que je suis en train de faire, donc le plus tôt possible, disons le 1er novembre.

Très bien…, très bien… Je vous envoie le dossier et vous pouvez me rappeler si vous avez d’autres questions. »

A lire le premier volet de cet article : Stages en entreprise : la loi n’arrange rien. Au contraire