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Lettre de la CPU n° 56 - 28 octobre 2010

vendredi 29 octobre 2010, par Mathieu

Pour lire la lettre sur le site de la CPU

De la bonne utilisation des statistiques et des enquêtes

L’enquête consacrée à l’insertion professionnelle des diplômés de master, publiée par la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP) le 20 octobre 2010, nous offre peu d’informations réellement exploitables, mais au moins une, et qui est de taille : trente mois après l’obtention de leur master, les étudiants des universités françaises sont massivement en situation d’insertion professionnelle, avec un taux de chômage nettement inférieur à 10% en moyenne. C’est une information importante, sur laquelle on peut évidemment communiquer sans arrière-pensée, mais seulement communiquer globalement, et pour ce qu’elle est.

Pour ce qu’elle est ? Une information, (i) très positive, (ii) sur la performance globale des masters universitaires, (iii) avant la mise en œuvre de la LRU, des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP) et de l’ensemble de la réforme liée à la l’acquisition de l’autonomie.

Mais une information qui ne permet ni de communiquer sur la performance de chaque université, ni aux universités d’élaborer une stratégie sur cette base. Les écarts sont trop faibles et les indicateurs trop peu nombreux pour qu’aucun établissement en particulier puisse s’emparer de ces résultats pour en concevoir une stratégie.

Avec la Lolf, la LRU, les RCE et les modèles de répartition des moyens, les universités sont aujourd’hui confrontées à un nouveau modèle économique qui est construit à partir d’enveloppes globales à l’intérieur desquelles la part de chacun est définie relativement à sa propre part dans l’activité et dans la performance de tout le système. Chaque université a donc besoin d’indicateurs clairement discriminants et d’analyses comparatives qui permettent (1) de savoir quelle est sa part d’activité et de performance dans l’activité nationale (ou européenne) ; (2) quel est l’écart de ses résultats par rapport à la moyenne, (3) quels sont les résultats insuffisants qui peuvent être réellement améliorés. A la suite de quoi, et grâce à une confrontation entre plusieurs indicateurs, suffisamment divers pour être significatifs de la complexité de la situation cible, l’établissement peut identifier les leviers de son action stratégique.

L’enquête sur l’insertion professionnelle des diplômés de 2007 fournit un exemple à contrario de cette logique. Si le résultat a pu être si facilement utilisé pour établir un « palmarès », c’est en effet parce qu’il ne fournit pas d’informations discriminantes. La marge d’incertitude de cette enquête pouvant être évaluée à au moins à 5% et la très grande majorité des résultats des universités pris en compte étant situés dans une fourchette entre 90 et 95%, les différences de cette enquête sont neutralisées par la marge d’incertitude ; en outre, c’est justement parce que la dispersion potentielle des résultats de chaque établissement a été réduite à un seul résultat moyen que le prétendu « palmarès » est ainsi « tassé » à l’intérieur de la marge d’incertitude.

Il en résulte que chaque université peut se demander, en vain, si son résultat s’explique (1) par la qualité de l’insertion de ses diplômés, (2) par la dynamique économique de son territoire, ou (3) par le taux de réponses obtenues en retour.
Les indicateurs faiblement discriminants se prêtent parfaitement à une information et à une communication sur la performance globale du système, mais ne sont pas exploitables pour l’élaboration d’une politique d’établissement. Pour ce faire, les universités ont besoin d’indicateurs et d’enquêtes réellement discriminantes, multicritères, reposant sur des bouquets d’indicateurs robustes, exprimant, par rapport à la moyenne de l’échantillon, des écarts significatifs et interprétables, et permettant ainsi de fonder des choix stratégiques.

Les universités françaises, championnes d’Erasmus Mundus

Chaque année, la Commission européenne sélectionne les cursus de master et doctorat qui pourront bénéficier de la marque « Erasmus Mundus ».
Comme les années précédentes, les établissements français ont eu de bons résultats lors de la sélection 2010.
10 cursus de master coordonnés par un établissement français ont été sélectionnés, sur 29 cursus retenus au total. Avec ces 10 nouveaux cursus, la France devance largement la Belgique et l’Allemagne, qui coordonnent chacun 3 nouveaux cursus sélectionnés.
Des établissements français sont également impliqués dans 7 nouveaux cursus coordonnés par des établissements étrangers.
Au total, à la rentrée 2011, 123 cursus de master Erasmus Mundus vont être proposés aux étudiants européens et internationaux et plus de la moitié impliqueront au moins un établissement français.
Cela confirme la bonne position des établissements français en tant que coordonnateur, ou partie prenante, des cursus d’Erasmus Mundus.

Le programme Erasmus Mundus, lancé en 2004, continue à être très attractif pour les établissements : cette année, le taux de sélection est de 16% pour les masters et de seulement 6% pour les doctorats.

Les cursus de masters sélectionnés au lancement du programme, et qui ont donc 5 années d’ancienneté, ne sont pas automatiquement renouvelés. 15 d’entre eux ont cependant été sélectionnés à nouveau et peuvent continuer à utiliser la marque « Erasmus Mundus » pour leur cursus.

Pour rappel, le programme Erasmus Mundus vise à promouvoir l’excellence académique et l’attractivité de l’enseignement supérieur européen dans le monde entier ainsi qu’à renforcer la coopération avec certains pays tiers, dans le but de contribuer à leur développement. Le budget total alloué au programme pour la période 2009-2013 s’élève à environ 1 milliard d’euros.

Le programme s’articule autour de 3 actions principales :

• Des masters et doctorats élaborés et mis en place par un groupement d’universités européennes d’au moins trois pays différents. Les programmes comprennent des périodes d’étude et de recherche obligatoires, dans au moins deux universités, et débouchent sur la délivrance d’un diplôme double, multiple ou commun.

• Des partenariats de grande qualité entre des établissements européens et des établissements situés dans les pays non européens, permettant notamment des transferts de savoir-faire et des mobilités de personnes grâce à un système de bourses dédiées.

• Des activités de promotion de l’enseignement supérieur européen visant à accroître l’attractivité pour les étudiants et les chercheurs extra-européens.

Pour de plus amples informations concernant le programme Erasmus Mundus et les cursus, consultez le site de l’Agence Europe Education Formation France.

Bilan du séminaire sur la dévolution du patrimoine universitaire

Un séminaire sur la dévolution du patrimoine immobilier universitaire a été organisé par la CPU le 7 octobre 2010.

Pour faire le point sur ce dossier complexe et aux multiples facettes, la CPU avait convié de nombreux intervenants sous la présidence de Lionel Collet :

P. Hetzel et B. Lannaud de la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP) pour évoquer l’accompagnement par l’Etat des universités candidates à la dévolution. Parmi ces dernières, les universités de Poitiers et de Clermont 1 ont pu évoquer les nécessaires pré-requis : stratégiques, organisationnels, humains et juridiques. L’aspect financier est bien entendu primordial avec notamment l’évaluation préalable des biens par France Domaine et la détermination de la dotation aux amortissements (un expert extérieur désigné par le MESR proposera différents modes de calcul d’ici la fin de l’année). La CPU sera associée aux travaux menés par la DGESIP sur ce sujet.

Ph. Braidy et D. Vitry de la Caisse des Dépôts (CDC) pour présenter un premier bilan des Schémas Directeurs Immobiliers et d’Aménagement universitaires (26 SDIA sur 52 cofinancés par la CDC). Les différents volets passés en revue montrent que l’évolution du bâti et son intégration urbaine sont bien couverts par les études. Par contre certaines thématiques transversales restent à approfondir : développement durable, services numériques, vie étudiante, locaux d’activités liés à la valorisation de la recherche. L’intérêt d’un SDIA pour une université ou un PRES est de donner un sens stratégique à sa politique immobilière, avec ou sans dévolution du patrimoine.

M. Fornacciari du Cabinet Salans, dont l’étude sur le transfert du patrimoine universitaire (coproduite par la CDC et la CPU) vient d’être publiée aux PUF, qui a rappelé les grands principes juridiques de la dévolution prévue par la LRU. Sachant que les universités « utilisatrices » du patrimoine de l’Etat exercent depuis 1989 les droits et obligations du propriétaire, le principal intérêt de la dévolution réside pour elles dans la possibilité de vendre certains biens.

Ph. Adnot, sénateur de l’Aube qui est l’auteur, avec JL Dupont, d’une proposition de loi permettant aux universités (qui n’ont pas la pleine propriété de leur patrimoine) de transférer des « droits réels". En effet, le code de l’éducation interdit aux universités d’utiliser ce dispositif juridique particulier qui consiste pour un occupant du domaine public à confier à une personne privée un droit dit « réel » sur les ouvrages qu’elle construit, droit assimilable à une hypothèque ou une garantie. Ce dispositif est nécessaire pour certains contrats de partenariat, en particulier le montage PPP innovant proposé par la CDC, par exemple pour l’Université de Strasbourg.

Au total, la configuration du patrimoine est tellement différente d’une université à l’autre (en termes de qualité, de superficie foncier/bâti, d’utilisation, de dispersion sur le territoire….) qu’il est très difficile pour l’instant de dégager une position univoque sur la dévolution.
Ceci est conforté par le fait que des incertitudes techniques et financières pèsent encore sur ce dossier. En effet, sur le plan financier le projet de suppression de la clause de compétence générale des collectivités territoriales risque de remettre en cause certains projets universitaires, largement abondés jusqu’ici par les collectivités. Il n’est pas confirmé non plus que les universités seront bien exonérées de payer un loyer budgétaire à France Domaine (règle générale en vigueur pour les bâtiments d’Etat) lorsqu’elles ne demandent pas la dévolution du patrimoine qu’elles utilisent.

A suivre…

Pour plus de détails sur ce séminaire, consultez le site de la CPU.

Initiatives et Laboratoires d’excellence, pour concilier ambition et raison

La CPU et tous les acteurs de la recherche et de l’innovation se sont d’emblée félicités de la décision de l’Etat de lancer un Emprunt National permettant d’investir pour l’avenir de l’enseignement supérieur, de la recherche et du développement. Ils se sont préparés à répondre aux différents appels d’offre lancés dans le cadre de l’Emprunt National et restent mobilisés en ce sens. Cependant, la lecture des différents « modes d’emplois » des appels d’offre en question a, jour après jour, fait croître leur perplexité sur le contenu et les délais.

En ce qui concerne les laboratoires d’excellence, le bureau de la CPU a œuvré pour obtenir d’une part le report de la date limite des dossiers, et d’autre part, le réexamen de l’annexe A. Cette dernière, rédigée dans un style excessivement technocratique, suppose en effet des engagements d’investissement en moyens et en ressources humaines à 4 à 10 ans, qu’aucun opérateur public n’est capable de garantir. Les universités sont financées à 80% environ par le budget de l’Etat, lequel budget est soumis à un vote démocratique annuel dont l’issue dépend de décisions et de circonstances incertaines à moyen et long terme. Il n’est d’autre part pas concevable que les engagements pour les laboratoires d’excellence se fassent au détriment des moyens, humains notamment, de secteurs scientifiques qui ne bénéficieront pas majoritairement des laboratoires d’excellence mais accueillent néanmoins la grande majorité des effectifs étudiants et en particulier les lettres, sciences humaines et sciences sociales.

La remise des dossiers de laboratoires d’excellence a donc finalement été repoussée au 22 novembre. Et quant à l’annexe A, qui doit être revue et simplifiée, nous demandons qu’elle soit déposée ultérieurement à l’évaluation des projets.