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Contestation du DU "Collège d’excellence" à l’UFR de droit de Grenoble : communiqué de presse du collectif Droit en lutte, 18 février 2011

mercredi 23 février 2011

« L’excellence » contestée à l’UFR de droit de Grenoble

Il souffle un vent anormalement agité autour de l’UFR de droit de l’Université de Grenoble. Depuis la rentrée 2010, un collectif d’étudiants s’est mobilisé pour dénoncer la création d’un Diplôme Universitaire (DU) modestement baptisé « Collège d’excellence en droit ». Voté le 22 juin 2010 en Conseil de faculté, ce projet s’inscrit dans une tendance globale et désespérée des facultés de droit de France et de Navarre, soucieuses de limiter la concurrence des Instituts de sciences politiques et autres machines à produire de l’élite.

Nouvelle manifestation des effets nuisibles de l’adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités en août 2007, ce projet prétend redonner à l’UFR un peu d’attractivité sur le marché de l’enseignement supérieur. Destinés aux (quelques) étudiants ayant obtenu la moyenne de 12/20 au second semestre de leur première année de Licence, ou à l’année précédant leur admission éventuelle, ce DU propose une formation supplémentaire censée offrir des garanties de meilleure intégration dans le monde professionnel. Un mal n’arrivant jamais seul, une sélection monétaire est également prévue puisque les frais d’inscription à ce DU sont fixés à 400 euros...

Scandalisés par l’introduction pernicieuse de la sélection à l’Université, le collectif étudiant n’a pas ménagé ses efforts pour informer, sensibiliser, prévenir ses pairs de la menace constituée par ce projet. Pétition, interventions dans les amphithéâtres, diffusion de tracts, discussions multiples et variées, tout le répertoire de l’action militante y est passé avec succès : à ce jour, près de 250 signatures ont été recueillies auprès des étudiants, doctorants et enseignants de l’UFR droit.

Fort de cette légitimité populaire, le collectif s’est invité à la session du Conseil des études et de la vie étudiante (CEVU) du 18 janvier 2011, dont l’ordre du jour était la création du DU. Étudiants et doctorants ont pu lire un argumentaire circonstancié et présenter la pétition aux membres du CEVU. Cette intervention a eu de l’importance puisque dix élus seulement se sont prononcés en faveur du DU, 6 contre et quatre se sont abstenus. Galvanisé par ce résultat encourageant, le collectif a repris le chemin de la contestation avec un objectif primordial en vue : empêcher l’adoption de ce projet nocif en Conseil d’administration de l’université Pierre Mendès France le 10 février 2011. A nouveau les étudiants sont intervenus, renforcés cette fois par la présence de plusieurs enseignants démontrant ainsi que la contestation se généralise à l’ensemble des acteurs composant l’UFR. Les conseillers sensibles aux arguments déployés ont décidé de reporter le vote du DU lors d’une prochaine séance du CA au cours de laquelle le directeur de l’UFR droit sera convoqué pour s’expliquer sur la pertinence d’un tel projet.

L’excellence : exergue à la médiocrité

La lutte des opposants au projet de création de DU n’est pas le fait de quelques fanatiques de la médiocrité. Bien au contraire, elle est assise sur leur conviction profonde que l’excellence doit être un objectif fondamental pour l’ensemble des étudiants de l’université. Ce projet bafoue allégrement le principe d’égalité devant le service public, en généralisant la sélection des étudiants au niveau des trois années de licence. La véritable égalité consisterait à aider ceux qui ont le plus de difficultés à se hisser au plus haut niveau. En instaurant une filière d’excellence, l’UFR de droit de Grenoble met dramatiquement en exergue la médiocrité supposée de la filière classique.
Sur le plan pédagogique ce projet est une aberration. Sélectionner les étudiants dès le premier semestre de Licence n’a aucun sens. Les étudiants ont des rythmes d’apprentissage différents et ceux qui ne réussissent pas dès les premiers mois ne sont pas condamnés à échouer !
Nombreux sont les membres de la communauté enseignante qui n’auraient pas intégré la formation, faute de résultats ou de moyens suffisants...
Par ailleurs, la question se pose légitimement de savoir sur quels critères seront choisis les enseignants qui assureront les modules d’excellence. Une sélection sera-t-elle mise en place pour eux aussi ? Devront-ils faire la part des choses entre les enseignements excellents qu’ils dispenseront aux « élus » du DU et les enseignements quelconques qu’ils proposeront aux légions d’étudiants déchus...
Une fois encore, ce projet mettra en exergue la médiocrité supposée de la filière classique.
Sur le plan des conditions de travail de l’étudiant, ce projet est dangereux. Les premières années à l’université sont extrêmement difficiles : des étudiants anonymes dans des amphis bondés soumis à des rythmes de travail élevés. Cette situation est en elle-même inégalitaire, et nul besoin d’être un disciple de Bourdieu pour savoir qu’elle favorise chacun selon ses conditions sociales et culturelles. L’établissement d’une petite élite connue des enseignants et mieux intégrée à l’institution ne fera qu’accroître ces inégalités. Les relations entre étudiants n’en seront que plus détestables : sélection et concurrence prendront le pas sur la coopération
et la solidarité qui devraient régner au sein de chaque promotion.
Une fois de plus, le projet mettra en exergue la médiocrité supposée de la filière classique.
Sur le plan de l’insertion professionnelle enfin, la filière traditionnelle sera vue comme une filière de seconde zone. Les étudiants marqués du sceau de l’excellence seront évidemment avantagés vis à vis de ceux qui n’auront obtenus « que » des diplômes classiques... Tous les efforts de la communauté universitaire devraient être dirigés vers l’excellence du service proposé aux étudiants, l’excellence des enseignements dispensés, l’excellence de leur adéquation au monde professionnel qui les attend. Sélectionner une fraction du public universitaire est un aveu d’échec dramatique pour l’ensemble de l’institution et une négation de sa mission fondamentale.
Une fois pour toute, ce projet mettra en exergue la médiocrité supposée de la filière
classique.

Ce DU n’a donc aucun intérêt pour les étudiants. Il ne fera qu’accroître les inégalités déjà trop présentes à l’université et dégrader les conditions de travail de l’ensemble de la communauté étudiante et enseignante. Le bénéfice attendu est à rechercher du côté de l’institution elle-même.
Pour le Directeur de l’UFR droit, ce DU est avant tout destiné à « fidéliser » les
étudiants. L’emploi de ce terme est parfaitement révélateur de la nouvelle gestion de
l’université. Nombreux étaient les slogans qui appelaient en 2007 à ce que l’université ne devienne pas une marchandise. Le mal est fait. Le savoir est dorénavant perçu comme une valeur marchande. Les étudiants/clients peuvent bénéficier d’un service adapté à leurs ressources. La Sorbonne, Assas, Montpellier ont créé leurs école et collèges d’excellence, transfigurant ainsi l’enseignant du droit en France. La tendance est cependant plus générale : des internats d’excellence mis en place par le Ministère de l’éducation nationale à la rentrée 2010, aux Labex (pour laboratoire d’excellence) et Equipex (pour équipe d’excellence) mis en
place par l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur)... Le mal est général. Si le projet de l’UFR droit de Grenoble ne pêche pas par excès d’ambition, il emboîte le pas malveillant de la mise en concurrence stérile des établissements d’enseignements supérieurs.
Pour que l’excellence soit un projet fédérateur et constructif, la mobilisation doit être forte contre l’adoption de ce DU.