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Des enseignants de l’Université d’Artois assignent en justice le président de leur Université pour « excès de pouvoir » - Communiqué de presse d’enseignants chercheurs de l’Université d’Artois, avec le soutien de la section syndicale Snesup et de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire) de l’Académie de Lille, 21 mars 2011

mercredi 23 mars 2011

Vendredi 18 mars, six enseignants de l’Université d’Artois ont assigné en justice le président de leur Université, Christian Morzewski, pour « excès de pouvoir », en déposant deux requêtes auprès du Tribunal Administratif de Lille.

Il s’agit de Christian Mathieu, professeur, membre du Conseil d’Administration de l’Université d’Artois, de Stéphane Callens, professeur, membre du Conseil Scientifique de l’Université d’Artois, de Judith Barna, maître de conférences, membre du Conseil d’Ecole de l’Institut de Formation des Maîtres (IUFM), de Jérôme Buresi, maître de conférences, secrétaire de la section syndicale Snesup, de Muriel Perisse, maître de conférences, membre du Comité Technique Paritaire, de Jacques Stambouli, maître de conférences, secrétaire adjoint de la section syndicale Snesup.

Les décisions à annuler : un accord illégal de l’Université d’Artois avec l’Institut catholique de Lille

Les deux requêtes remettent en cause la délibération du Conseil d’Administration du 21 janvier 2011, portant sur la convention entre l’Université d’Artois et l’Institut catholique de Lille (ICL) et l’avenant n°1 à cette convention. Cette convention et cet avenant permettent à l’Institut catholique de Lille de présenter huit masters enseignement pour les professeurs des écoles et des lycées ou collèges ; quatre licences généralistes, une licence professionnelle et six autres masters en lettres et langues, histoire et sciences des religions, soit près de la moitié des masters existant déjà à l’Université d’Artois.

Elles attaquent aussi un arrêté pris le 20 janvier 2011, par délégation du président de l’Université d’Artois, signé par le professeur Charles Giry-Deloison, nommant les jurys de six masters professeur des écoles et professeurs des lycées ou collèges, concernés par cette convention et cet avenant.

Ces décisions sont qualifiées par les requérants « d’illégales », manifestant un « excès de pouvoir » de la part du président de l’Université d’Artois. Ils demandent au Tribunal Administratif leur annulation.

Le Tribunal Administratif appelé à statuer en urgence dans l’intérêt des étudiants concernés

La première requête est en référé-suspension (article L 521-1 et suivants du code de justice administrative), le Tribunal étant appelé, à cause de l’urgence, à statuer dans les quinze jours, après réception officielle de la requête.

En effet, selon les déclarations du président de l’Université d’Artois au Conseil d’Administration du 21 janvier 2011, et selon les informations données sur le site Internet de l’ICL, les formations de masters professeurs des écoles et professeurs des lycées ou collèges sont déjà en cours pour l’année 2010-2011 à l’Institut catholique de Lille.

Les étudiants de ces formations risquent, du fait de l’illégalité de la désignation de leurs jurys et de l’illégalité de la convention leur permettant de suivre leur formation, de se voir délivrer un diplôme national sans valeur et de ne pas pouvoir ensuite valider les résultats d’un concours de professeur des écoles ou de lycées et collèges, faute du diplôme national nécessaire.

Comme ces étudiants doivent aussi être inscrits à l’Université d’Artois selon les termes de la convention attaquée, une décision urgente du Tribunal leur permettrait de continuer leur scolarité dans le cadre légal de l’Université d’Artois et non dans celui, illégal, de l’Institut catholique de Lille. Il y a donc intérêt à suspendre au plus vite les décisions concernées avant de les annuler.

Six causes d’illégalité dans une seule décision

Le président de l’Université d’Artois, Christian Morzewski, a réussi l’exploit de combiner six causes d’illégalité dans une seule décision.

Selon les requérants, les décisions prises au Conseil d’Administration (CA) de l’Université d’Artois le 21 janvier 2011 et approuvées par une vote 10 contre 10, la voix prépondérante du président faisant pencher la balance, sont illégales pour au moins six types de raisons.

- 1°) Un avenant à une convention non conclue

L’avenant permettant la préparation à l’Institut catholique de Lille de six masters métiers de l’enseignement pour les professeurs des écoles et des lycées ou collèges a été présenté comme complétant une convention déjà conclue. Or celle-ci n’a jamais été approuvée par le Conseil d’Administration (article L 712-3, IV, 3° du code de l’éducation). Un avenant à une convention non conclue n’a donc aucune valeur.

- 2°) Un avenant déjà signé avant le vote nécessaire du Conseil d’Administration

L’avenant présenté au Conseil d’Administration ne comportait ni date, ni signature et le président de l’Université d’Artois n’a jamais informé le CA que cet avenant avait déjà été signé le 5 novembre 2010. Du fait de ce déficit grave d’information, la décision du Conseil d’Administration est illégale.

- 3°) Un accord conclu sans la compétence pour le faire

Le président de l’Université d’Artois a signé cet avenant dix jours avant l’édiction, le 15 novembre 2010, de l’arrêté du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, habilitant l’Université d’Artois à délivrer les diplômes concernés et donc permettant ensuite leur préparation à l’Institut catholique de Lille. Le président de l’Université d’Artois a donc conclu un accord dans un domaine où il n’était pas compétent, ce qui constitue en droit un excès de pouvoir.

- 4°) Un accord sur des diplômes non conformes au cadre ministériel national

Le président de l’Université d’Artois n’a pas fourni au Conseil d’Administration les programmes de formation de l’Institut catholique de Lille pour les masters concernés, comme c’est prévu par l’arrêté du 25 avril 2002 (article 8), relatif au diplôme national master. Le président de l’Université d’Artois a confié à l’Institut catholique de Lille la préparation de diplômes nationaux qui pourraient ne pas être conformes, par leurs programmes, à leur habilitation par le Ministère de l’Enseignement et de la Recherche. Cela constitue une erreur grave qui entache le vote du Conseil d’administration d’illégalité.

- 5°) Un défaut de consultation du Conseil d’Ecole de l’Institut de Formation des Maîtres

La formation des enseignants constitue l’unique mission de l’Institut de Formation des Maîtres (IUFM) qui est partie prenante de l’Université d’Artois. Cette Institut aurait dû être consulté, avant la délibération du projet d’avenant, qui concerne huit masters enseignement délivrés par l’IUFM de l’Université d’Artois. Ce défaut de consultation constitue une grave irrégularité, quant au fonctionnement démocratique de l’Université d’Artois. D’autant plus que, le 3 mars, le Conseil d’Ecole de l’IUFM a voté une motion de protestation déplorant l’approbation de l’avenant en question.

- 6°) Un défaut d’information sur la position des universités concernées de l’Académie

L’arrêté d’habilitation du 15 novembre 2010 établit que tous les masters enseignement concernés par l’avenant mis en cause doivent faire l’objet d’une cohabilitation avec au moins l’une des cinq universités publiques de l’Académie du Nord-Pas-de-Calais. Or le président de l’Université d’Artois n’a fourni aucune information quant à la position des autres universités de l’Académie concernant l’avenant en cause. Faute de cette information, la délibération du Conseil d’Administration du 21 janvier s’est trouvée gravement viciée et doit donc être annulée.

Deux causes supplémentaires d’illégalité dans un arrêté d’application

L’arrêté du 20 janvier 2011, concernant le désignation des jurys des masters enseignement, pris par le vice-président du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU), Charles Giry-Deloison, sur délégation du président de l’Université d’Artois, comporte deux causes supplémentaires d’illégalité dans les rapports entre l’Université d’Artois et l’Institut catholique de Lille.

- 1°) Incompétence de l’auteur de l’arrêté

Cet arrêté a été pris avant la réunion du Conseil d’Administration de l’Université d’Artois du 21 janvier qui doit approuver l’avenant concernant les masters enseignement. C’est-à-dire à une date où son auteur est manifestement incompétent, n’ayant pas obtenu le vote nécessaire du Conseil d’Administration.

- 2°) Composition des jurys non conforme

La lecture de cet arrêté montre que, contrairement aux dispositions de l’article L 613-1 du code de l’éducation, les jurys désignés ne comportent pas au moins deux enseignants chercheurs (jurys pour les mentions professeur des écoles, lettres modernes et mathématiques). Et il n’est pas prouvé que les personnes de l’Institut catholique de Lille, choisies pour former les jurys, enseignent dans les spécialités concernées ou ont été proposées par les enseignants des spécialités concernées.

Cet arrêté formant les jurys des masters enseignement proposés par l’Institut catholique de Lille doit donc être annulé.

Comment rétablir la légalité à l’Université d’Artois ?

Les enseignants requérants constatent que les décisions qu’ils remettent en cause traduisent un fonctionnement de plus en plus monarchique et opaque de la présidence de l’Université d’Artois, contraire aux traditions démocratiques des Universités en Europe.

Ils souhaitent que l’annulation de ces décisions, manifestement illégales, par le Tribunal Administratif de Lille, permettent une réorientation démocratique de l’Université d’Artois, en prenant en compte l’intérêt de tous les étudiants et en défendant la valeur des diplômes de l’Université en France, en particulier pour la formation des enseignants de l’Education nationale.

Ils appellent, pour atteindre ces objectifs, au soutien de leurs collègues enseignants, des étudiants, des personnels, des élus et de tous les citoyens concernés par le biais d’une pétition qui sera remise au moment de l’audience de justice.

Arras, le 21 mars 2011