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Lettre de la CPU n° 66 - 25 mars 2011

mardi 29 mars 2011, par Laurence

Au programme :

- Les valeurs des universités : un investissement d’avenir (impayable, la CPU, dans son adaptation à l’actualité)
- Une « certaine idée » de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche
- Rencontre avec les membres de la CP2U... (suite)

Les valeurs des universités : un investissement d’avenir

"La recherche apporte une contribution importante au développement de la société. Une science honnête et innovante est l’un des fondements de la prospérité de notre pays. Si la protection des idées n’est plus une valeur importante de notre société, alors nous mettons en jeu notre avenir." [1]

Cette déclaration tenue par des universitaires allemands dans un courrier adressé à la chancelière Angela Merkel au sujet du ministre Karl-Theodor zu Guttenberg qui, convaincu de plagiat, a dû démissionner, exprime le point de vue de toute la communauté universitaire d’Allemagne mais aussi, plus largement, d’Europe.
Ces propos participent de la définition des valeurs des universités européennes, déjà en partie consignées dans la magna charta universitatum et dans la charte européenne du chercheur : principes éthiques, responsabilités vis-à-vis de la société, transparence, respect des exigences d’évaluation ont ainsi été reconnus, entre autres par les Conférences française et allemande, comme des principes au cœur de l’activité du chercheur.
Il ne s’agit pas seulement de déclarations de principes ou de postures théoriques : dans leur pratique quotidienne d’établissement, d’encadrement de travaux, de mémoires de master et plus encore de thèses de doctorat ou d’habilitations à diriger des recherches, tous les membres de la communauté universitaire sont porteurs de ces exigences, s’efforcent de les transmettre aux étudiants et de les traduire en actes au sein des instances où ils siègent : commissions de spécialistes, jurys, instances d’évaluation, etc.
Le développement d’internet et l’utilisation des TIC ont considérablement élargi les communautés scientifiques concernées et rendent l’exercice de leur rôle par les universités plus difficile et exigeant.
La CPU, au sein de ses commissions, réfléchit aux conséquences à tirer de ces évolutions et aux appuis et outils qu’elle peut apporter aux présidents d’université dans les garanties que les établissements doivent proposer pour ces missions, et, au-delà des présidents, à l’ensemble de la communauté universitaire en matière de droits d’auteur, d’outils anti-plagiat, d’intelligence économique.

Ce sont ces valeurs dont sont porteuses les universités qui ont inspiré, face à la mondialisation, le pari que la France et l’Allemagne engagent sur les investissements d’avenir et la construction d’une société de la connaissance. Les universités ont pour mission de promouvoir et d’illustrer ces valeurs au sein de la société civile, dont elles sont un des acteurs majeurs et où elles ont un rôle d’exemple et d’entraînement. Afin de répondre aux espoirs et attentes placés en elles, elles se sont engagées et ont consacré leurs meilleurs éléments et forces vives, toute leur probité scientifique aux projets qu’elles ont présentés.

En contrepartie, elles attendent légitimement la transparence des décisions et que soient respectés et rendus publics les avis et recommandations des jurys internationaux. Il ne s’agit pas seulement du respect de la communauté universitaire, mais de celui qui est dû aux valeurs exigeantes dont se réclament nécessairement des gouvernants qui ont fait le choix courageux de bâtir une société de la connaissance.

Une « certaine idée » de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche

Au moment où il semble que le Gouvernement envisagerait de ne pas renouveler Jean-François Dhainaut à la tête de l’AERES, la CPU ne peut manquer de souligner les qualités personnelles de disponibilité, de modestie et de dialogue que le président quasi-fondateur de l’AERES a mises au service d’une conception originale de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche qu’il a su faire partager.

Une agence nationale d’évaluation, qui couvre à la fois la recherche, les formations et les établissements et qui sache établir le lien entre ces trois dimensions, dont la création accompagne le renforcement des libertés et des responsabilités des universités et qui, par la qualité et la publicité de ses évaluations, enclenche une dynamique d’évolution de l’enseignement supérieur et de la recherche, Jean-Marc Monteil l’avait rêvée et conçue, et il est revenu à Jean-François Dhainaut de la réaliser.

Face à la tentation des classements, des visions mécanistes des notations, d’une approche du « tout bibliométrique », il a emprunté, avec son équipe, la voie plus exigeante de l’analyse approfondie et collective de chaque laboratoire, de chaque formation, de chaque établissement ; de rapports publics permettant à chaque structure évaluée de présenter ses observations ; de méthodologies en évolution continue, montrant ainsi que l’évaluation n’est pas un dogme absolu, un processus figé, mais une construction commune à la communauté scientifique, dont l’AERES est partie prenante. Cela ne signifie pas, bien sûr, que l’action de l’AERES est exempte de critiques - et la CPU ne s’est pas privée de protester à propos d’une procédure ou d’une publication - mais qu’il est toujours possible de l’améliorer par l’écoute, le dialogue et l’imagination.

Grâce à l’action de cette AERES, les universités françaises ont progressé et sont prêtes à se frotter à la compétition internationale autant qu’elles ont concouru à faire évoluer les outils et les méthodes de l’évaluation. La reconnaissance par l’ENQA au niveau européen a sonné comme une consécration, et un puissant encouragement à poursuivre l’action entreprise, qui repose sur les valeurs d’autorité scientifique, de collégialité et de transparence.

A l’heure des appels à projets pour les investissements d’avenir, c’est naturellement dans les évaluations et les expertises de l’AERES que les universités ont trouvé de quoi alimenter leur réflexion stratégique, montrant qu’en l’espace de quelques années, l’institution conduite par Jean-François Dhainaut s’est imposée comme un outil précieux de construction du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche du XXIème siècle, en ayant fait le pari de la responsabilisation des universités et du dialogue continu avec elles.

Rencontre avec les membres de la CP2U...

5ème article présentant la nouvelle CP2U élue le 16 décembre dernier. Cette semaine, rencontre avec Daniel Filâtre, président de l’Université Toulouse 2 Le Mirail et président de la commission formation et insertion professionnelle de la CPU et Loïc Vaillant, président de l’université François Rabelais de Tours et président de la commission santé.


Quels sont les motifs qui vous ont conduit à vous (re)présenter à la Présidence de cette Commission ?

Daniel Filâtre : La question des formations comme la question pédagogique sont aujourd’hui essentielles pour nos universités. Ce sont même des sujets prioritaires. C’est ce qui m’a conduit à être membre de cette commission dès 2006. C’est également ce qui m’a poussé à candidater à la présidence en décembre 2008. Au sein de celle-ci, j’ai apprécié le travail d’équipe sur de nombreux dossiers, parfois difficiles, parfois méconnus, et pourtant essentiels au développement de nos universités. Ma candidature exprimait la volonté de faire en sorte que, par ses contributions sur la pédagogie, l’insertion professionnelle et la formation tout au long de la vie, la CPU soit une force de proposition reconnue.
Me représenter se fondait sur la même conviction : faire reconnaître l’importance de la pédagogie dans le renouveau de l’université ; engager les réflexions indispensables pour faire de la formation supérieure un atout pour nos jeunes et pour la société.

Loïc Vaillant : Mes expériences précédentes en tant que président de la délégation régionale à la recherche clinique et vice-président à la recherche de l’université de Tours m’ont amené à me présenter à la présidence de la commission santé. En effet, ces fonctions m’ont permis de bien saisir à la fois les particularités mais aussi les complémentarités des liens qui existent entre la recherche hospitalo-universitaire et les autres types de recherche, en particulier la recherche fondamentale ou académique effectuée dans les laboratoires universitaires. En sachant qu’il s’agit d’une entité globale plutôt qu’une juxtaposition d’éléments, le rôle de la commission santé qui est de mettre en valeur cet aspect, me semble important et me donne envie de m’impliquer davantage. De plus, j’exerçais déjà la fonction de vice-président de cette commission, et j’ai notamment pu représenter la CPU au comité national de la coordination de la recherche clinique. Il m’a ainsi semblé naturel de poursuivre ce travail en présentant ma candidature.

Quelles sont les principales actions menées et dossiers suivis par la commission ces deux dernières années ? Quel bilan ?

Daniel Filâtre : Ces deux dernières années, en coopération avec Francis Godard et Pascal Olivard, les deux vice-présidents de la commission, ainsi qu’avec les autres membres, nous avons travaillé sur plusieurs dossiers importants. Bien sûr, la réforme de la formation des enseignants nous a très fortement mobilisés mais nous avons traité de questions tout aussi essentielles : l’orientation active, les stages, le suivi de la contractualisation et de l’évaluation, l’insertion professionnelle, l’universitarisation des formations paramédicales, la formation tout au long de la vie, les certifications…
Sur la masterisation, la CPU, acceptant de contribuer à l’élévation du niveau de formation des futurs enseignants, s’est d’abord engagée dans une réflexion commune avec le ministère. Puis, constatant de profonds désaccords sur la forme comme sur le fond, nous avons été conduits à construire des contrepropositions et élaborer un référentiel sur la formation initiale et continue des futurs enseignants. Ce travail s’est fait en étroite association avec les conférences partenaires comme la CDIUFM, la CDUS et la CDUL.
Dans d’autres dossiers, nous associons également les VP CEVU ou les responsables de services formation continue (CDSFCU) ou encore les acteurs de l’orientation et insertion professionnelle (COURROIE). Ces formes d’association, différentes selon les thèmes abordés, sont la condition que notre travail peut s’appuyer sur les forces de nos établissements. Elles ne m’ont pas semblé avoir fragilisé notre rôle de présidents d’établissement ; tout au contraire, elles sont notre force.

Loïc Vaillant : Depuis deux ans la commission a beaucoup travaillé à la mise en place des réformes concernant la première année de santé, la PACES. Nous avons également été très présents sur la mise en place du grade de licence pour les Ifsi (Instituts de formation en soins infirmiers). La Commission santé a en outre participé à l’alliance Aviesan. Nous avons ensuite travaillé autour des relations entre hôpital et université, que ce soit dans le cadre de la loi “Hôpital, patients, santé, territoires” (HPST), même si malheureusement, il n’y a pas eu de volant universitaire à cette loi, ou bien dans le cadre de la commission Marescaux, qui a également été un moment important.
Nous pouvons également citer le travail fait pour les instituts hospitalo-universitaires dans le cadre des investissements d’avenir. Dans ce contexte, la commission santé a représenté un véritable organe de réflexion, de propositions pour des lois et réglementations qui ont été mises en place dernièrement.

Quels sont les grands dossiers et objectifs pour l’année 2011 ?

Daniel Filâtre : Les dossiers à conduire cette année s’inscrivent dans la continuité du travail d’équipe mené depuis deux ans. Parmi la multitude des sujets qui relèvent de la commission, des priorités émergent pour cette année.
Le premier est bien sûr la question du niveau licence. Nous en avons fait le thème du prochain colloque de la CPU et la commission formation doit continuer à s’y investir avec force. Après les consultations déjà engagées et nos propres échanges, nous avons défini les contours de cette réflexion à venir. En intégrant les objectifs fixés par les autorités publiques et notre souci d’amélioration continue de la qualité du système de formation universitaire, nous avons choisi de nous pencher sur des questions incontournables : les finalités du niveau L ainsi que les enjeux de cohérence, de complémentarité et d’intégration entre les différentes filières – l’articulation entre le secondaire et les formations de niveaux licence – l’adaptation des parcours de formation à la diversité des publics (étudiants et salariés) – l’employabilité des formations de licence – la place de la recherche dans les formations de niveau Licence - l’articulation entre offre de formation et organisation territoriale – la nécessaire révolution pédagogique – les moyens pour la licence universitaire.
Ce thème est majeur car il suppose une réflexion indispensable et trop longtemps mise sous silence. C’est un devoir réflexif et politique de la CPU.
D’autres dossiers feront également l’objet de nos priorités : le premier est un bilan de la réforme contestée de la formation des maîtres. Les premiers retours montrent que les intérêts gestionnaires de l’employeur recruteur l’emportent sur les principes pourtant défendus avec acharnement par la CPU d’une formation de qualité pour les étudiants de master. La commission doit poursuivre son bilan et dénoncer les dérives en cours. Elle doit également préparer ses propositions pour une réforme de cette réforme. Elle doit enfin, aux côtés des autres commissions et de la CP2U, aider à l’indispensable réflexion sur l’évolution des IUFM. Parmi les autres, je n’en évoquerai que cinq, principaux à mes yeux : l’universitarisation des formations dans les secteurs de la santé, du social et de la culture : l’insertion professionnelle et sa mesure ; la formation tout au long de la vie ; le développement du numérique et les évolutions des systèmes de formation ; l’évaluation des formations.

Loïc Vaillant : En 2011, les projets vont particulièrement s’orienter sur la réingénierie des formations sanitaires. Les avancées qu’il y a eu concernant les formations d’infirmières n’en sont que le prélude. Toutes les formations paramédicales, tous les diplômes de la santé sont actuellement en réingénierie et la commission santé va travailler à faire en sorte que l’université devienne réellement un copilote des formations en termes d’ingénierie. C’est un chantier très important pour nous.
Le deuxième chantier concernera plus particulièrement l’alliance Aviesan. C’est une alliance pilotée par l’INSERM et la CPU en est encore le parent pauvre, alors que l’ensemble des forces se trouve principalement dans les universités. Notre travail consistera à ce que la CPU soit capable d’imprimer son empreinte sur les décisions de stratégie dans le domaine de la recherche. Nous allons dans ce sens, travailler de façon transversale avec la commission recherche. En effet, c’est aussi le rôle de la commission santé de faire le lien avec les doyens de fac de médecine et les directeurs de CHU pour dégager un discours cohérent et faire en sorte que l’université soit l’intégrateur des opérationnels de terrains que sont les hospitalo-universitaires.
Enfin, le troisième chantier sera celui de la recherche clinique qui n’est actuellement pas suffisamment reconnue, notamment en termes de publications. La recherche clinique doit clairement être structurée dans l’université et surtout être visible et reconnue. Un des problèmes majeurs c’est qu’elle est parfois considérée comme étant le terrain de l’hôpital et pas ou peu reconnue en termes de publications scientifiques et manque de ce fait d’une réelle visibilité. Nous allons travailler conjointement avec l’Aeres sur ce sujet afin de mettre en place des évaluations des pôles universitaires dans le CHU. Cette évaluation sera un outil qui permettra aux présidents d’université d’appliquer et de conduire une véritable stratégie de recherche.


[1lettre ouverte à Angéla Merkel – 24 février 2010 – traduction F. Lemaître / Le Monde