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L’abus d’excellence peut nuire à la santé (Blog éducpros, Ph. Jamet, 4 juin 2011)

jeudi 9 juin 2011, par Mariannick

Quelle est votre réaction face à cette tendance qui consiste à assortir le commerce légal de substances addictives ou nuisibles de messages modérateurs à usage sanitaire ou moral ?

Je veux parler, par exemple, du désormais célèbre “fumer tue“, cet avertissement lapidaire joint à la délivrance ordinaire de tabac, sous le regard neutre du fisc et au désespoir du corps médical. Ou encore à cette mention, au bas de somptueuses affiches vantant les vertus mâles d’alcools divers et variés : “à consommer avec modération“… Ou enfin à ces sentences en forme de postludes pudiques sur fond noir ou blanc, couleurs de deuil ou d’hôpital, qui concluent invariablement des clips télévisuels enjoués où s’étalent barres chocolatées, frites surgelées ou plats cuisinés : “pour votre santé, faites du sport” ou “consommez cinq fruits et légumes par jour” ?

La plupart du temps, nous gobons machinalement ces messages, avec cette résignation du passant envers l’ordre immuable des choses. Confrontés à la promotion généralisée des antidotes dans une société qui a renoncé à éradiquer les poisons, nous nous réfugions tous dans un mutisme réprobateur, forme moderne de l’art de Mithridate. Oh, bien sûr ! Nous éprouvons tous un certain malaise, nous concevons tous un peu de mépris pour ces stratégies de vente non assumées, et par ceux qui les déploient et par ceux qui les réglementent, ce mélange de cynisme et de fausse culpabilité qui accompagne le geste ou l’intention inavouable qu’on ne peut réprimer…

Mais il faut hélas se rendre à l’évidence. Dans une organisation sociale livrée aux forces supérieures de la concurrence et du profit, la différence entre l’ordre et le chaos tient à très peu de chose. Et chacun sait que le consentement des consommateurs est très versatile, qu’un rien peut le faire basculer : un scrupule, une rumeur et voilà les ventes qui s’effondrent. Aussi, l’administration continue de relaxants est-elle le corollaire quasi obligé des messages promotionnels à haute dose. Elle est un mal nécessaire.

Or voici que depuis des mois le monde universitaire se trouve soumis à une campagne généralisée et de très grande ampleur autour de la promotion d’une commodité nouvelle : l’excellence. Tous les ingrédients habituels du marketing sont à l’œuvre dans le déploiement du “programme d’investissements d’avenir”. Il s’est agi avant tout d’allécher les “cibles” que nous sommes : budgets mirifiques, promesses de renommée et de séduction.

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