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Grand emprunt : les abominables mensonges de la Cour des comptes contredisent les vérités limpides énoncées par le Président de la République : SNCS-HEBDO 11 n°12 du 11 juillet 2011

mercredi 13 juillet 2011, par Martin Rossignole

Le discours de Sarkozy sur le Grand emprunt [1] avait été tellement beau, calme, limpide, pédagogique, on oserait presque dire prophétique. Et patatras ! Voilà la Cour des comptes (mais de quoi elle se mêle ?) qui, en quelques pages, à l’occasion de la certification des comptes de l’État [2], met en miettes cet optimiste hymne à l’avenir.

Henri Audier, membre du Bureau national du SNCS-FSU

La Cour n’y va pas de main morte : « L’enchaînement du plan de relance, du plan campus, des investissements d’avenir fait perdre de sa cohérence à notre système budgétaire », déclare son président Didier Migaud. « Ce programme exceptionnel a été mis en place par l’intermédiaire d’un montage particulièrement hétérodoxe au regard des principes budgétaires. En outre, ces crédits ont été exclus du périmètre sur lequel est apprécié le respect de la norme d’évolution des dépenses de l’État. (...) Ainsi conçu, le mécanisme des investissements d’avenir affectera durablement la lisibilité du solde budgétaire ».

La Cour relève le caractère inextricable des structures mises en place par Valérie Pécresse. «  En outre, le défaut d’articulation d’ensemble de plusieurs actions, associé à l’empilement actuel des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation comporte deux types de risques : un risque opérationnel, le suivi et l’évaluation de projets en multi partenariats reposant sur l’efficacité des opérateurs, au premier rang desquels l’ANR, un risque budgétaire et financier, dès lors que la traçabilité des fonds n’est pas parfaitement assurée et pourrait conduire au financement de dépenses non éligibles et à la création d’emplois publics ».

Quand elle parle « d’emplois publics », la Cour parle à l’évidence des précaires, car elle sait mieux que personne qu’il n’y a pas eu d’emplois statutaires créés. La Cour nous apprend que l’on « enregistre une progression sensible des effectifs, opérateurs compris (285 349 en 2010, contre 281 034 en 2009) ». Ce qui signifie au moins 4 300 précaires de plus en un an.

Enfin la Cour confirme que l’emprunt se substitue aux crédits normaux, ce que Sarkozy avait annoncé (Priorités pour l’Emprunt national, décembre 2009) : « L’emprunt s’articule pleinement avec notre stratégie de réduire le déficit structurel dès que la croissance le permettra. Les intérêts de l’emprunt seront compensés par une réduction des dépenses courantes dès 2010 et une politique de réduction des dépenses courantes de l’État sera immédiatement engagée ». Et effectivement dès le début 2010, 125 millions avaient été annulés en crédits budgétaires, alors que pas un sou de l’emprunt n’avait été alors dépensé, et 92 millions fin 2010. Le budget 2011, au-delà de la présentation budgétaire pécressienne, est en baisse en euros COURANTS [3]. Et il y a peu, 35 millions ont déjà été annulés, en attendant les annulations classiques de fin d’année.

La Cour affirme qu’il y a bien « des risques de substitution entre programmes du budget général et les investissements d’avenir ont été identifiés. Si les crédits ouverts à ce dernier titre constituent de nouveaux moyens, ils ne financent pas tous de nouveaux projets. [...] Ils sont destinés parfois à financer des opérations antérieurement annoncées mais qui n’avaient pas obtenu de financements, à apporter des ressources complémentaires à des opérations lancées mais dont les plans de financement étaient incomplets, voire à se substituer à des crédits budgétaires annulés en gestion 2010 ou devant être réduits en 2011. Ces constats mettent en évidence le caractère contestable d’avoir placé les investissements d’avenir en dehors de la norme de dépenses ». Et de donner une longue liste [4].

En résumé, (i) les investissements d’avenir représentent 600 millions par an (et non DE PLUS PAR AN) d’intérêt pour l’enseignement supérieur et la recherche publique, soit une augmentation de 4 % sur 10 ans des crédits ; (ii) les crédits budgétaires normaux ont déjà baissé, en euros constants, d’environ 3 % depuis début 2010, et ce n’est pas terminé ; (iii) le Grand emprunt conduit donc à un investissement global NUL.

Investissement NUL, mais non sans dégâts pour les organismes de recherche, pour l’autonomie scientifique des universités, pour l’accentuation des disparités territoriales et simplement pour la lisibilité des budgets, donc pour la démocratie. Mais sur ce dernier point, que chacun se rassure, avec Valérie Pécresse ministre du Budget, il va sûrement y avoir de grands progrès dans la sincérité de la présentation des comptes publics.