Accueil > Évaluation / Bibliométrie / Primes > Les laboratoires de recherche ne veulent plus être notés. pétition - 4 octobre (...)

Les laboratoires de recherche ne veulent plus être notés. pétition - 4 octobre 2011

mardi 4 octobre 2011, par Masse et Scarron

Cette lettre, fruit d’une réflexion collective menée au sein d’une unité de recherche INRA, est destinée à interpeller l’ensemble de la communauté scientifique ; pour signer, utilisez le formulaire ci-contre.

Pour lire et signer cette lettre sur le site de SLR.

Les laboratoires de recherche publique sont évalués tous les 4 ans. Depuis 2007, c’est l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) qui est en charge de ces évaluations. Ainsi, les laboratoires font état de leurs bilans et projets qui sont rendus publics à tous les citoyens et contribuables français. L’AERES nomme des experts scientifiques (eux-mêmes membres de laboratoires ; c’est l’évaluation par les pairs) qui rédigent sous la direction d’un président un rapport d’experts, basé sur des documents écrits et fournis par les laboratoires et sur une visite sur site avec rencontre des différentes catégories de personnel. Ce document donne droit à une réponse écrite des laboratoires et tous ces textes (rapport d’experts et réponse) sont déposés publiquement sur le site de l’AERES. Dans une dernière étape, l’AERES, lors d’une rencontre entre les différents présidents de comités d’experts, attribue des notes aux laboratoires. L’AERES utilise une notation multicritérisée : aux quatre indicateurs (production, attractivité/impact, gouvernance, stratégie et projet) est ajoutée une notation globale. Ces notes sont de 4 types : A+ (très haut niveau), A (haute qualité), B (bon laboratoire) et C (laboratoire dont la qualité devrait être améliorée de manière importante). Ces notes sont rendues publiques sur toute la durée qui sépare deux évaluations soit 4 ans (5 ans pour les années à venir).

LES LABORATOIRES DE RECHERCHE SONT CONTRE CES NOTES ATTRIBUÉES PENDANT 4 ANS POUR PLUSIEURS RAISONS :

- Les notes sont réductrices : l’activité de plusieurs dizaines - voire de centaines d’agents - de la recherche et l’enseignement supérieur sur un quadriennal est réduite à une simple note après examen d’un dossier contraint en taille et une visite rapide des experts.
- Les notes sont simplificatrices : malgré l’approche multicritère proposée par l’AERES, les rapports des experts (souvent très argumentés) sont simplifiés à une note. La conséquence est que les notes supplantent les explications scientifiques. Les notes ne sont donc pas constructives et le travail des experts mal reconnu.
- Les notes infantilisent : les discussions entre agents de la recherche et de l’enseignement supérieur se résument à des « tu as eu combien, toi ? », comme dans les cours de récréation après un contrôle ou après les résultats d’un examen.
- Les notes imposent des comparaisons : ces simplifications de jugement par les notes facilitent les comparaisons. L’objectif de l’évaluation n’est pas de comparer les laboratoires entre eux mais d’évaluer chacun d’entre eux pour les faire progresser.
- Les notes sont éliminatoires : de part leur simplification, ces notes amènent à des classifications et donc éliminations aisées. Par exemple, les projets déposés au Grand Emprunt ne concernent que les laboratoires « bien » notés (A+ ou A) et certaines agences de financement (comme les Régions) se basent également sur cette simple note.
- Les notes constituent une variable d’ajustement : l’état a décrété que seuls 10% des laboratoires pouvaient accéder à l’excellence. Il est ainsi aisé de noter A+ 10% des laboratoires pour satisfaire cet objectif purement comptable.
- Les notes sont discriminatoires : les agents appartenant à des laboratoires « mal » notés se sentent montrés du doigt. Les jeunes en recherche d’un laboratoire d’accueil pour leur formation (master, doctorants, post-doctorants...) tournent leur choix vers les laboratoires « bien » notés avant même de lire en détail les argumentaires scientifiques du rapport des experts.
- Les notes sont démobilisatrices : les agents qui ont investi dans la réalisation d’un travail de qualité peuvent se voir affublés, tel les mauvais élèves de la classe, d’une note disqualifiante avec une perte de moyens sur les années suivantes ce qui a des effets dévastateurs sur la motivation scientifique et l’investissement humain.

Nous, membres des laboratoires de recherche publique, refusons ces notes qui ne présentent que des désavantages.

- Cette notation ne permet pas de faire évoluer positivement chacun des dispositifs de recherche mais vise au contraire à laisser de côté les laboratoires qui rencontrent temporairement des difficultés : c’est justement ceux-ci qui ont besoin de davantage de soutien plutôt que les structures stables et déjà excellentes.
- Ces notes ne mesurent pas l’excellence de la recherche : l’excellence est multifactorielle et dépend des activités propres à chaque laboratoire. Comment donner des notes similaires ou différentes à des recherches en agronomie ou en médecine, en environnement ou en mathématique théorique, en recherche fondamentale ou appliquée ?
- Le dispositif national de la recherche et de l’enseignement supérieur verra son excellence s’améliorer en travaillant solidairement avec tous les laboratoires. Le challenge n’est pas de se contenter de « garder les structures excellentes » (ce n’est pas un challenge, c’est une facilité, bien qu’il faille bien sûr s’assurer de la pérennité de ces laboratoires) mais bien de « rendre excellents » tous les laboratoires. La notation AERES va à l’encontre de cet objectif.

D’ores et déjà, les membres des laboratoires de recherche publique refuseront de participer aux comités d’experts de l’AERES temps que les notes persisteront (voir ici).

Notons pour conclure qu’une évaluation externe au niveau européen de l’AERES a été rendue publique en mai 2010 : cette évaluation remettait déjà en cause l’existence de ces notes et leur diffusion [1]

Pour signer cette pétition.


[1“The panel was somewhat intrigued by the attribution of scores for training programmes and research units. It seems that this has been practised in France for a number of years now and is relatively well accepted. Nevertheless, some of the people interviewed during the site visit expressed reservations over grading, and particularly the use that is made, by external stakeholders, of the scores attributed. It is not the panel’s place to contribute to the discussion on this matter. That said, the panel points out that the publication of a score – especially when it is unfavourable, risks oversimplifying the evaluation findings of the research unit or training programme. Above all, maintaining this score for four years risks unfairly qualifying the unit or programme once it has made the recommended improvements. The expert panel suggests that the AERES re-examine this publication practice ».http://enqa.eu/files/Review%20Repor....