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Les étudiants étrangers en froid avec la France, Benoît Floc’h, Le Monde, 30 novembre 2011

jeudi 1er décembre 2011, par Sylvie

La "circulaire Guéant" risque de ternir l’image de la France. Ce texte, qui date du 31 mai et tend à limiter la possibilité pour les diplômés étrangers de rester travailler en France, fait des vagues un peu partout dans le monde. "Oui, du mal a été fait", assure Pierre Tapie, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). " Cette affaire a fait énormément de bruit en Inde, au Brésil, en Chine, au Maroc...", alimenté par des diplômés "aigris" par cette sorte de "dépit amoureux" éprouvé à l’égard de la France. Les équipes qui vont recruter à l’étranger pour le compte d’établissements français ont ainsi été "harcelées" sur cette question, rapporte M. Tapie.
Vue de Chine, la position de la France surprend. "Dans la guerre internationale du talent, tout pays qui complique l’obtention de visas pour les étudiants, la possibilité de travailler pendant les études ou de vivre une première expérience professionnelle après le diplôme se tire une balle dans le pied", met en garde John Quelch, doyen de la China Europe International Business School (CEIBS).

Le XXIe siècle est souvent présenté comme devant être celui de l’économie de la connaissance. Plus que jamais, c’est le savoir et l’innovation qui créeront la richesse. D’où l’importance d’attirer les meilleurs des 200 millions d’étudiants que devrait compter le monde en 2015. "Ce type de politique restrictive va priver l’Europe des cerveaux dont elle a besoin, craint Patrick Aebischer, président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Une grande partie de la Silicon Valley s’appuie sur l’importation des meilleurs chercheurs, par exemple sur ceux qui proviennent des Indian Institutes of Technology et qui font leur doctorat à Stanford ou à Berkeley."

Ces étudiants, futurs chercheurs ou entrepreneurs, s’interrogent aujourd’hui sur les intentions de la France. L’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin en a fait l’expérience, en visitant un Salon étudiant à Pékin. "Des étudiants chinois se sont attroupés et m’ont interpellé sur cette question, alors que j’étais interviewé par des télévisions chinoises", raconte-t-il.

Autre lieu, même perplexité. Il y a quelques semaines, Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC, fait la promotion de son école lors d’un forum qui se tenait à Moscou, lorsqu’une étudiante l’apostrophe : "Que pensez-vous de cette circulaire ?", lance-t-elle.

Au Maroc, des professeurs d’établissements français ont écrit à l’ambassadeur de France, le 14 octobre, pour prévenir de "l’effet désastreux produit au Maroc et en particulier de la consternation des familles ayant choisi de mettre leurs enfants dans les écoles du réseau d’enseignement français".

Nabil Sebti, 25 ans, est l’un d’eux. Marocain diplômé d’HEC, il est porte-parole du Collectif des étudiants étrangers. Après l’avoir interviewé, le New York Times constate, le 9 novembre : "Le français est leur langue maternelle, ils citent Sartre ou Camus et ont été éduqués dans certaines des écoles les plus élitistes du pays. Pourtant, le durcissement des règles d’immigration par la France vient de forcer plusieurs diplômés étrangers à rentrer en Afrique du Nord, où peu de travail les attend, privant potentiellement le pays d’une main-d’oeuvre productive et hautement qualifiée."

Affolé par le feu de prairie, le gouvernement français distribue des seaux d’eau aux ministres. Le premier ministre a écrit à Pierre Tapie le 22 novembre. Il assure que les étudiants étrangers qui ont obtenu au moins un master en France pourront rester pour une première expérience professionnelle sans que la situation de l’emploi puisse leur être opposée. François Fillon insiste : "Notre objectif est d’attirer les meilleurs étudiants du monde."

Le même jour, dans Le Monde, Claude Guéant dénonce "une présentation inexacte" de la politique menée, et assure que tout est fait pour régler les cas qui sont remontés du terrain. Il précise cependant ne pas se résoudre "à assumer cyniquement le pillage des cerveaux dans les pays d’origine, qui ont souvent besoin de se constituer une classe de cadres".

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