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Universités : qui va décider ?, Patrick Fauconnier, Le Nouvel Observateur, 6 juin 2012

jeudi 7 juin 2012

À lire sur le site du Nouvel Observateur

Que pèsera Jean-Yves Mérindol, le nouveau conseiller université de François Hollande dans les décisions à venir ?

Le 1er juin, François Hollande a annoncé souhaiter un «  retour à la normale » dans les relations entre l’Elysée et le gouvernement. Rappelant que dans la constitution de la Ve République le gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation », Pierre-René Lemas, secrétaire général de l’Elysée a indiqué que le président « fixera les grandes orientations », et précisé : « A l’Elysée la gestion du temps long, à Matignon celle du temps court. »

Un des rares universitaires à avoir dirigé à la fois une université et une grande école

Beaucoup considèrent que la gestion de l’enseignement supérieur et de la recherche relève du temps long. Est-ce à dire que Jean Yves Mérindol, qui vient d’être nommé conseiller pour l’enseignement supérieur et la recherche à l’Elysée, sera un homme de poids ? Le choix de cet universitaire qui dirigeait depuis 2009 l’Ecole Normale Supérieure de Cachan est en tous cas particulièrement intéressant. Outre que Mérindol est un normalien ouvert et cordial, cet agrégé de maths et docteur es sciences, ancien président de l’université de Strasbourg-1 Louis Pasteur et ancien conseiller pour l’enseignement supérieur de Bertrand Delanoë (2005-2008), est un diplomate et un fin connaisseur des arcanes du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est un des rares universitaires à avoir dirigé à la fois une université et une grande école.

C’est aussi un acteur qui connait très bien l’épineux dossier de l’opération Saclay, dont l’ENS Cachan fait partie. Ce super campus a été promu par Sarkozy pour devenir une sorte de Cambridge à la française. Pour y parvenir, il faudra y réussir la très délicate synthèse entre les militaires de Polytechnique, peu enclins à se dissoudre dans un grand ensemble, et les universitaires de Paris Sud Orsay. Grâce aux deux milliards mis dans la corbeille de fiançailles par l’état, l’opération est assez bien engagée, mais très loin d’être finalisée. La ministre du Supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, qui était auparavant P-DG de Minatec Entreprises, à Grenoble, une plateforme de valorisation de la recherche, est placée pour bien connaitre les enjeux de la lourde opération de Saclay.

L’autre dossier chaud dont héritent Fioraso et Mérindol est celui des « Idex » (Initiatives d’excellence), ces huit « super campus » promus par l’équipe Sarkozy par le biais de regroupements d’universités et d’écoles, qui doivent recevoir eux aussi une pluie de millions (Saclay en fait partie). Certains ont été labellisés à la hussarde très peu de temps avant les présidentielles, et deux sont encore en suspens : Toulouse et Sorbonne Paris Cité, que conduisait Richard Descoings, le patron de Sciences Po, avant son décès.

Le Snesup et d’autres syndicats demandent l’abandon des Idex. Sur le principe, J.Y. Mérindol a toujours été en faveur de regroupements entre université et recherche. Il en rêvait en ces termes en 2004, dans Libération : « Une fusion (impensable dans la culture française) entre Paris VI, Paris VII, l’ENS et les Mines donnerait une université se classant dans les cinq premières mondiales au classement de Shanghaï. » Il faisait remarquer qu’un travail de recherche publié par un professeur de médecine pouvait être attribué à six et même parfois sept acteurs différents ( hôpital, université, Inserm, CNRS, Fondation…) Les IDEX sont une matérialisation de son rêve de rationalisation. Dans une interview à l’agence AEF publiée peu avant sa nomination, Mérindol ne récusait pas les Idex, mais plaidait pour que l’état rééquilibre la distribution des aides à la recherche, en direction notamment de Montpellier, Grenoble, Lyon, le nord et l’ouest.

Quid de la loi sur l’autonomie des universités ?

Le troisième dossier chaud est celui de la loi LRU dite d’autonomie des universités. « Elle est à revoir complètement sur la partie gouvernance des universités » disait Mérindol à l’AEF, citant la composition du CA des universités, le mode d’élection du président et la définition des grands secteurs disciplinaires « qui est archaïque ». Il plaide pour la remise à plat des Conseils scientifiques (qui datent de 1968) et des CEVU ( Conseil des études et de la vie universitaire), qui datent de 1984. Il conseille la création au sein des universités - et pour contrebalancer le pouvoir du CA - d’une nouvelle instance remplaçant ces structures, baptisée Sénat, et composé principalement d’élus. Mais il plaide aussi pour le renforcement du rôle des personnalités extérieures au sein des universités, ce qui devrait faire hurler le Snesup.

Ce syndicat, parlant de « situation explosive dans les établissements », a réclamé quand à lui, le 30 mai, l’abrogation de tout ce qui a été fait sous le précédent quinquennat : la loi LRU, les Idex, la loi Pacte Recherche de 2006 qui a instauré les PRES et l’AERES ( Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), l’arrêté Nouvelle Licence. La ministre a répondu en proposant des assises en novembre prochain. Pour l’heure, il ne semble pas que les demandes du Snesup et la vision de Jean-Yves Mérindol soient tout à fait sur la même ligne… Patrick Fauconnier