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L’AERES ? C’est fini… janvier 2013

mercredi 9 janvier 2013, par Mariannick

Un article, un communiqué, une dépêche.


Fin de vie pour l’Aéres

Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre ; Le Monde, 4 janvier 2013 (abonnés)
Vivement critiquée, l’Agence d’évaluation de la recherche dans l’enseignement supérieur devrait être remplacée par un nouvel organisme national.

L’Agence d’évaluation de la recherche dans l’enseignement supérieur (Aéres) vit ses derniers mois. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, a officiellement annoncé sa suppression lors du dîner annuel de la Conférence des présidents d’université, jeudi 20 décembre. " Je souhaite que l’Aéres soit remplacée par une agence nationale entièrement redéfinie à partir des principes d’indépendance, de simplicité de fonctionnement et de procédures ainsi que de légitimité scientifique et de transparence. "

Selon la ministre, une méthodologie commune pour garantir la qualité de l’évaluation des équipes de recherche sera mise en place. Les grands établissements, type CNRS et Inserm, seront évalués par leurs pairs.

Agence indépendante, créée en 2006 par la loi de programme pour la recherche, dans la foulée des états généraux de 2004, l’Aéres évalue tous les établissements et organismes de recherche ainsi que les formations et les diplômes des établissements d’enseignement supérieur. Mais depuis sa création, elle concentre les critiques. " Les attaques les plus virulentes sont venues essentiellement de chercheurs de l’Inserm et du CNRS et des organismes de recherche ", soutient Didier Houssin, président de l’Aéres.

En réalité, ce n’est pas l’évaluation qui est critiquée mais plutôt la manière dont elle est réalisée. L’Aéres a été accusée d’être arrogante, bureaucratique, tatillonne, et de se comporter comme une agence de notation plutôt que d’évaluation.

Fin novembre 2012, lors des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, certaines réactions ont été particulièrement violentes. " L’attitude de l’Aéres est impérialiste !, avait lancé Yehezkel Ben-Ari, directeur de recherche à l’Inserm. La France bat tous les records en termes de nombre d’agences. On perd du fric et on se ridiculise. Les UMR - unité mixte de recherche - n’ont pas besoin de l’Aéres, les comités de visite des organismes savent faire. Pour les autres équipes, les présidents d’université peuvent recourir à une petite structure privée pour les évaluer. "

Le coup de grâce avait été asséné quelques semaines plus tôt par l’Académie des sciences, qui réclamait purement et simplement la suppression de l’Aéres et son remplacement par des structures d’évaluation dépendant directement des universités et organismes de recherche, avec la participation d’experts nationaux et internationaux indépendants.

" Ce n’est pas une réaction épidermique ou quelque chose qui a été pensé sur le coin d’une table, insiste Bernard Meunier, membre de l’Académie. Mais la recherche souffre d’un délire bureaucratique. Les chercheurs passent leur temps sur leur ordinateur à remplir des papiers. Il faut arrêter de les prendre pour des secrétaires ! "

Pour Bernard Meunier, dans les sciences exactes habituées à être souvent évaluées, l’Aéres aurait pu s’appuyer sur l’existant plutôt que de redemander tous les renseignements. " Nous ne voulons pas porter le chapeau de la lourdeur de l’évaluation tout seuls ", avertit Didier Houssin. Le président de l’Aéres met en avant la nécessité d’une évaluation extérieure, conforme aux standards européens : " Dès la quatrième année d’existence, l’Aéres a été admise parmi les agences d’évaluation reconnues en Europe. "

L’autre critique porte sur la publication des notes. Chaque unité de recherche, chaque formation (licence, master) et chaque établissement sont notés de A + à C. " Que les résultats soient rendus publics inquiète et mobilise beaucoup les équipes enseignantes, car cette notation influe directement sur la réputation et donc l’attractivité de l’établissement et l’octroi de crédits de recherche, observe la sociologue Christine Musselin. L’enjeu est d’ailleurs tellement important que certains présidents organisent des séances de répétition pour être fin prêts devant les experts de l’Aéres. " Le Prix Nobel de physique Serge Haroche a plaidé lui aussi pour la confidentialité.

Autre travers de la publication des notes dénoncé par les enseignants-chercheurs : la possibilité pour les présidents de fermer une formation ou d’annuler un projet en cas de mauvaise note.

Passée du côté des évaluateurs, Sophie Chauveau, historienne des techniques et professeure à l’université de technologie de Belfort- Montbéliard, reconnaît la lourdeur des procédures tant du côté des évalués que de celui des évaluateurs.

" J’ai sollicité plusieurs enseignants-chercheurs pour être expert. Ils ont refusé soit parce que la charge est trop lourde, soit par opposition à l’Aéres, confie-t-elle. Mais du côté des évalués, fournir les dossiers, accueillir les comités d’experts, représente un boulot énorme qui repose sur les épaules d’une ou deux personnes, généralement les directeurs d’unités de recherche. " Pour Sophie Chauveau, l’Aéres est un outil certes " perfectible " mais " utile aux chercheurs pour se situer, disposer d’indicateurs, se poser des questions et regarder les autres équipes ".

Récemment, l’Aéres se disait prête à se réformer, notamment en simplifiant et en allégeant le dossier d’évaluation, en faisant participer les étudiants au processus... Sur la notation, bien qu’elle soit contre sa suppression, elle était d’accord pour en discuter. Cela n’aura servi à rien.


Communiqué de presse du SNCS-FSU

En annonçant le 20 décembre dernier le remplacement de l’AERES par une agence entièrement redéfinie, la ministre Geneviève Fioraso prend en compte une revendication majeure de la communauté scientifique, portée par le SNCS depuis la création de cette agence issue de la loi de programme pour la recherche de 2006. Le ministère a convoqué, mardi 8 janvier, les organisations syndicales à une réunion de consultation sur la réorganisation de l’évaluation dans la recherche. Le SNCS y défendra ce qu’il défend depuis toujours : le principe d’une évaluation indépendante, transparente, collégiale et contradictoire, menée par des pairs majoritairement élus. Porteur de propositions, le SNCS demande que soit rendue aux organismes de recherche la maîtrise de l’évaluation et de la prospective scientifiques. Pour les laboratoires, il demande que la réorganisation s’effectue en plaçant au centre du dispositif d’évaluation le Comité national de la recherche scientifique, les Commissions scientifiques spécialisées ou sectorielles des EPST et le Conseil national des Universités.

La suppression de l’AERES est attendue depuis la mise en place du nouveau gouvernement. Elle constituera enfin une première mesure de changement pour la recherche publique. Le SNCS attend d’autres changements qui permettent à la recherche française de retrouver un fonctionnement normal, comme la fin de la priorité accordée au financement sur projets (ANR), notamment responsable de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Patrick Monfort
Secrétaire général du SNCS-FSU
Meudon, le 7 janvier 2013.


S’il existe, le père Noël est socialiste :

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso a annoncé jeudi [20 décembre] vouloir remplacer l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) par une nouvelle agence, au dîner de la Conférence des présidents d’université (CPU). Les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche "l’ont confirmé : la loi LRU" sur l’autonomie des universités "doit être corrigée, la gestion des universités doit concilier collégialité et efficacité, démocratie interne et ouverture aux partenaires extérieurs", a déclaré Mme Fioraso, ajoutant que "la simplification des procé­dures de l’évaluation implique également des mesures législatives". "Je souhaite à cet égard que l’AERES actuelle soit remplacée par une agence nationale entièrement redéfinie à partir des principes d’indépendance, de simplicité de fonction ne ment et de procédures ainsi que de légitimité scientifique et de transparence". Dans un rapport publié fin septembre, l’Académie des Sciences avait estimé que la recherche publique souffrait d’un trop-plein de bureaucratie, recommandant de commencer par supprimer l’AERES, autorité administrative indépendante mise en place en 2007, qui "fait la quasi-unanimité contre elle". "Je proposerai plusieurs mesures législatives pour augmenter notre attractivité, et en particulier pour faciliter et améliorer l’accueil et le séjour des étudiants et des chercheurs étrangers en France", a indiqué la ministre, faisant écho à une demande de la CPU. Mme Fioraso a remercié le président sortant de la CPU, Louis Vogel, pour son combat contre la circulaire Guéant limitant l’emploi des étudiants étrangers en France, et félicité le nouveau président de la CPU Jean-Loup Salzmann élu jeudi.