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Projet de modification du décret statutaire des enseignants-chercheurs - Communiqué SNPREES-FO, 9 octobre 2013

vendredi 11 octobre 2013, par Elisabeth Báthory

Le ministère maintient la modulation, l’évaluation quadriennale et les comités de sélection. Il ajoute de nouvelles attaques contre les statuts et instaure une voie de contournement de la qualification par le CNU.

Le Ministère vient de présenter un projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs : certaines modifications sont officiellement rendues nécessaires par la loi Fioraso en raison des transferts de compétences vers le conseil académique pour le recrutement et les promotions.

Le projet Fioraso maintient les contre-réformes de Pécresse

Face à la mobilisation de la profession, le Ministère Pécresse avait reculé sur des points majeurs de son projet, mais un certain nombre de coins avaient été enfoncés dans le statut. Tous sont maintenus par le projet.

  • La modulation : la mobilisation des enseignants-chercheurs avec leurs syndicats, en particulier le SNPREES-FO, avait arraché la garantie que la modulation ne puisse avoir lieu sans « l’accord écrit de l’intéressé », sauvegardant ainsi l’indépendance des enseignants-chercheurs vis-à-vis des présidents d’Université. Le nouveau ministère a certes laissé cette protection mais il maintient la modulation et y ajoute, de façon redondante, qu’elle est « facultative » : pourquoi ne retire-t-il pas purement et simplement la possibilité de modulation ?
  • L’évaluation quadriennale des enseignants-chercheurs par le CNU avec avis préalable de la direction de leur établissement : maintenue alors même que les enseignants-chercheurs y sont massivement opposés et que le CNU a jusqu’ici empêché sa mise en application.
  • Suppression des commissions de spécialistes élus par les pairs de la discipline, au profit de comités de sélection désignés par les président d’université : en 6 ans de ce nouveau régime de recrutement, on a vu se multiplier les postes « fléchés », de plus en plus précisément, avec des effets de mode. De nombreux candidats brillants ne trouvent chaque année que quelques postes sur lesquels ils peuvent candidater. Il est urgent de revenir au recrutement sur la base du jugement par les pairs élus de la discipline.

Des avancées en trompe l’oeil

  • Pas de vrai droit à mutation : Le nouveau décret semble prendre en compte la nécessité d’un droit à la mutation, mais celui-ci demeure en grande partie un simulacre ; les candidats à la mutation seront « prioritaires », « à compétences scientifiques et pédagogiques égales » ; bien sûr, l’appréciation de ces « compétences » sera laissée aux comités de sélection... Un vrai droit à la mutation, est éminemment nécessaire, en particulier dans toutes les situations où la situation familiale peut être bouleversée par l’affectation dans un établissement d’enseignement supérieur, droit qui ne peut être garanti que par un mouvement national basé sur des critères objectifs, sans nouvel examen par un comité de sélection local.
  • Pas de droit garanti pour les personnes handicapés : Introduction d’une voie réservée pour les personnes handicapées mais dont la mise en œuvre effective dépend des établissements.

Le projet Fioraso aggrave les contre-réformes de Pécresse

  • Procédure de recrutement inégalitaire : l’audition pourra éventuellement être complétée d’une « mise en situation », éventuellement publique, aux contours flous, instaurant ainsi une inégalité de traitement dans la procédure de recrutement.
  • De nouvelles et nombreuses possibilités de dispenses de qualification et attaque contre le statut des chercheurs :
    • La qualification par le CNU ne serait plus nécessaire aux Chargés de recherche (CR) ou aux admissibles à un concours de CR pour postuler à un emploi de Maître de conférences (MC) ; de même pour les Directeurs de recherche (DR) postulant à des emplois de Professeurs des universités (PR). Dans le même esprit, une nouvelle disposition permet le détachement de CR1 en MC avec la carotte du passage en Hors Classe. Ces mesures renforcent le dispositif mis en place par Pécresse, notamment la prime d’excellence scientifique attribuée avec obligation d’enseigner : c’est la fusion des corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs qui est ainsi en marche, préalable à la disparition des corps de chercheurs et des établissements publics de recherche. Dans cette perspective, la loi LRU2 (Article L718-14 du Code de l’Education) ouvre la possibilité de placer les personnels des EPST sous la tutelle des futurs présidents des Communautés d’Universités.
    • Pour « services rendus » (le décret en dresse une liste en réalité très peu restrictive) : il serait possible de devenir PR sans Habilitation à diriger des recherches (HDR), et, a fortiori, sans qualification. Bien sûr, ces postes seront prélevés sur les rares postes disponibles en ces temps de rigueur, limitant d’autant les opportunités pour un MC de devenir PR sur la base de la reconnaissance de ses travaux scientifiques par le CNU. En soi, cette procédure est déjà attentatoire à l’indépendance des universitaires et à la qualité scientifique de leur recrutement. Celle-ci pourrait à terme supplanter l’accès au corps professoral par HDR et qualification. La suppression de la qualification que certains élus du Parlement avaient tenté de faire passer par la porte législative au moment des discussions du projet de loi Fioraso revient ainsi par la fenêtre réglementaire !
  • Service partagé : le projet prévoit que le service d’un enseignant-chercheur puisse (avec son accord écrit) être partagé entre plusieurs établissements, en particulier dans le cadre d’une Communauté d’Universités et d’Établissements (CUE). Actuellement, les établissements doivent fournir un plein service aux enseignants-chercheurs dans leur discipline de recrutement. Des établissements cherchent déjà à contourner cette obligation : avec cette disposition, il est à craindre que les services de collègues jugés indésirables soient éclatés dans des enseignements périphériques ou non disciplinaires, ceci qui plus est sur une aire très vaste (celle de la CUE) et sans remboursement des frais de déplacements… Ces dispositions sont aussi le prélude à de nouvelles fusions d’établissements et à de nouveaux montages, comme les PRES et IDEX en ont fourni beaucoup d’exemples.

Le SNPREES-FO demande le retrait de ce projet de décret et l’ouverture de négociations sur la base des revendications :

  • Respect de l’indépendance des enseignants-chercheurs !
  • Aucune modification statutaire s’appuyant sur l’article 73 de la loi Fioraso qui - au nom de la mobilité et de l’exercice simultané des missions - peut permettre un détricotage des garanties statutaires : maintien des droits et garanties contenus dans ces statuts (en particulier maintien du plein service dans l’établissement actuel de recrutement).
  • Maintien de la qualification par le CNU pour l’accès aux corps des maîtres de conférences et de professeurs (hors accès dérogatoires déjà prévus et hors sections CNU à agrégation du supérieur).
  • Non à la fusion des corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs, maintien du statut de chercheur à temps plein et à vie.
  • Instauration d’un vrai droit à mutation sur la base de critères objectifs, sans barrière des comités de sélection ou des présidents.
  • Un CRCT d’1/2-service au moins pour tous les enseignants-chercheurs au moins tous les 6 ans.
  • Maintien de la définition des obligations en termes d’activité de recherche et de services d’enseignement devant des étudiants, aucune modulation des services.
  • Maintien de la liberté pédagogique des universitaires (notamment aucune obligation d’avoir recours à l’enseignement numérique ni de participer au développement de l’enseignement « non-présentiel »).
  • Abrogation des dispositions contestées des décrets de 2008 (comités de sélection) et de 2009.

Montreuil, le 9 octobre 2013

A lire sur le site du SNPREES-FO