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« Étudiants étrangers privés de concours : le Conseil d’Etat saisi en référé », par Lucie Delaporte, Mediapart, 23 octobre 2013.

mercredi 23 octobre 2013, par Jara Cimrman

Plusieurs organisations ont déposé un recours pour faire annuler le décret qui exclut les étudiants non communautaires des concours de l’enseignement privé [1]. Révélée par Mediapart, cette restriction avait pris de court les premiers intéressés, des étudiants parfois déjà inscrits.


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Deux mois après la publication du décret qui exclut les étudiants étrangers des concours d’enseignement privé, un recours en annulation vient d’être déposé au Conseil d’État. Publié le 23 août 2013, ce décret aurait pu passer totalement inaperçu tant sa portée – une simple adaptation aux nouveaux concours Peillon – semblait a priori technique et limitée. Au détour de son article 3, le texte retire pourtant le droit aux étrangers non européens de passer les concours du CAFEP, comme le révélait récemment Mediapart.
Un choc pour tous ces étudiants parfois déjà inscrits dans les masters d’enseignement et qui ont donc découvert à la rentrée qu’ils suivaient une formation ne les menant nulle part. Voir leurs témoignages.
Le Gisti, la Ligue des droits de l’homme, le syndicat national de l’enseignement initial privé-CGT (SNEIP-CGT), la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC-CGT) ont décidé de saisir le Conseil d’État en déposant un recours en annulation accompagné d’un référé-suspension [1]. Pour ces organisations, le décret est contraire « aux engagements internationaux de la France qui prohibent les discriminations fondées sur la nationalité dès lors qu’elles sont dépourvues de justification objective et raisonnable ».
Pour justifier la mise à l’écart des étudiants étrangers, l’argumentaire présenté au nom du premier ministre se fondait sur deux points (lire notre article) : leur ouvrir les concours serait d’une part « contraire aux conditions proposées aux candidats aux concours de la fonction publique », dont les étrangers non communautaires sont exclus, mais aussi « générateur de difficultés lourdes bien que le nombre d’admis de nationalité étrangère soit très faible (incertitude quant à l’obtention d’un titre de séjour, durée limitée du titre de séjour retenu) ».
Sur le premier point, la requête en annulation déposée aujourd’hui rappelle que « les candidats aux postes de maîtres contractuels ne sont pas des fonctionnaires mais des agents publics et ne sont pas soumis de manière générale aux conditions d’accès imposées aux concours de la fonction publique ». Les syndicats de l’enseignement privé qui revendiquent de longue date des conditions de travail (accès à la formation par exemple) similaires à celles de leurs collègues du public ne s’attendaient sans doute pas à ce que ce « rapprochement » passe par une mise à l’écart des étudiants étrangers…
Concernant « les difficultés lourdes » posées par ces candidats en raison de l’incertitude de leur situation administrative, invoquées dans l’argumentaire du gouvernement, là encore, la requête précise que « les lourdeurs liées à la gestion des titres et autorisations de séjour (…) sont entièrement imputables à la législation et à l’administration ». Si l’administration dysfonctionne, difficile de comprendre pourquoi ce serait à ces candidats d’en faire les frais.
Par ailleurs, selon les requérants, « le décret a été pris par une autorité incompétente » puisque l’article 34 de la Constitution pose que seule la loi peut instaurer une condition de nationalité nouvelle pour accéder à un emploi public. Le recours rappelle aussi une jurisprudence du conseil d’État de 1973 selon laquelle « aucun principe du droit public français n’interdit de façon générale de recruter un étranger comme agent de l’État en qualité de contractuel ou d’auxiliaire ».
Sur le fond, la requête en annulation s’étonne que « le gouvernement subrepticement et sans justification, décide de "fermer" une catégorie d’emplois qui était jusque-là ouverte aux étrangers », alors que ces dernières années la tendance était plutôt à l’ouverture progressive de ces emplois.
Dans un communiqué publié ce mardi, le collectif assure que « si l’objectif était de rapprocher les statuts des enseignants du privé et du public, cela ne devait pas se faire au prix d’une nouvelle discrimination ». Pour ces organisations, « une autre voie était possible pour un gouvernement soucieux d’égalité : ouvrir les concours de l’enseignement primaire et secondaire public aux étrangers comme le sont déjà les concours de l’enseignement supérieur, au lieu de maintenir des milliers de personnels étrangers qui remplissent les mêmes fonctions que leurs collègues français ou citoyens de l’Union européenne dans des emplois précaires et sous-payés ».
Une piste qui, bizarrement, ne semble pas avoir été étudiée.


[1] NOTE DE LA PCS :
SLU, le SUNDEP, l’AGEPS et Solidaires-Étudiant-e-s ont également déposé conjointement un recours en annulation assorti d’une demande de référé-suspension contre le même décret.


Pour lire le communiqué SLU du 28 septembre sur le décret, c’est ici.

Pour le premier article de Mediapart sur le sujet, voir ici.