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ESPÉ : Un très mauvais départ - Vincent Troger, Les Cahiers Pédagogiques n°507, septembre 2013

dimanche 3 novembre 2013, par Mariannick

À lire ici dans Les Cahiers Pédagogiques.

La réforme des ESPÉ souffre de deux fautes originelles majeures : elle ne s’est pas appuyée sur un bilan des IUFM (institut universitaire de formation des maitres), et elle a maintenu la place invalidante du concours qui clive la formation en deux phases radicalement discontinues, la formation véritablement professionnelle ne s’effectuant qu’en seconde année. Prendre le temps d’un bilan sérieux aurait permis d’identifier les deux acquis majeurs des IUFM : d’une part, les diverses méthodes d’analyse de pratique qui permettent d’initier une démarche réflexive chez les enseignants débutants ; d’autre part, la production d’un mémoire construit sur la relation entre recherche et pratique, et qui donne corps à cette démarche réflexive. Un bilan aurait aussi permis de mesurer à quel point la réduction de la phase de formation professionnelle à une seule année obligeait à faire subir aux professeurs stagiaires une succession assommante de cours et d’évaluations nécessairement mal coordonnés, mal associés à leur stage en établissements, et au final contreproductive, puisqu’elle confortait nombre d’entre eux dans le préjugé que la seule vraie formation était celle du terrain.

La mise en œuvre précipitée et non réfléchie de la réforme va aggraver ces défauts. Elle maintient la réduction de la véritable formation professionnelle à une seule année et elle suppose une collaboration accrue entre les ESPÉ, les universités et les rectorats, c’est-à-dire des institutions dont les cultures, les intérêts et les pratiques sont assez radicalement différents, et dont les relations, si elles ne sont pas clairement encadrées, deviennent facilement conflictuelles. Les querelles de territoires ont d’ailleurs d’ores et déjà oblitéré un peu partout la réflexion sur le fond. Les contenus de formation risquent donc d’être, encore plus qu’auparavant, surchargés, mal coordonnés et déconnectés des stages.

Difficile de faire preuve d’optimisme dans un tel contexte. Je ne vois que deux signes très lointains d’espoir : le pragmatisme des nouvelles générations de jeunes enseignants, qui les conduira peut-être à exprimer une demande de plus grande cohérence de leur formation, et le fait qu’en raison de la mastérisation, de nombreux formateurs se sont investis plus activement qu’auparavant dans la recherche en éducation, ce qui peut améliorer la relation entre pratique et recherche, qui demeure une garantie majeure de la qualité de la formation.

Vincent Troger
Maitre de conférences à l’ESPÉ de l’académie de Nantes