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Cadre national des formations : "J’en perds mon latin !". Blog de Pierre Dubois. MàJ 12 novembre 2013.

mardi 12 novembre 2013, par Jara Cimrman, Mariannick

Après des mois d’ordres, de contre-ordres, de réunions de toutes sortes, de commissions bidules et autres, le ministère a communiqué hier soir le projet de cadre national de formation des diplômes.

Lire aussi la note de SLU sur les mentions de master en Arts ainsi que la déclaration du directeur de l’UFR Arts de l’Université Paris8 et son refus d’appliquer ces nouvelles nomenclatures.

Ainsi que le commentaire de Jean-Louis Fournel et le rappel de la motion du CA de Paris 8 du 26 avril 2013 sur le cadrage des diplômes.

Formations : j’en perds mon latin

Honte immense et fou rire inextinguible à la lecture de deux textes soumis à consultation depuis hier et jusqu’au 25 novembre 2013 : la nouvelle version de l’arrêté sur le Cadre national des formations et le Cahier des charges de l’accréditation. J’en ai perdu mon latin !
A la rentrée 2014, ces textes, s’ils sont publiés, feront fi de neuf siècles d’histoire universitaire. Les bacheliers 2014 ne pourront plus s’inscrire en licences de Lettres classiques ou de Lettres modernes, mais seulement en Lettres. Pourront-ils encore suivre des cours de latin, de grec, de français ? Ces termes, oh combien symboliques de l’histoire de l’université médiévale, moderne et contemporaine, auront été rayés, d’un trait de plume, de la nomenclature des diplômes. Français, latin, grec ne figurent pas davantage dans les mentions de Master.
Tout aussi sot. Le bachelier pourra s’inscrire en licence de Lettres et Langues, de Langues étrangères appliquées, ou de Langues, littératures et civilisations étrangères, mais il ne pourra s’inscrire en licence d’anglais, d’espagnol, d’allemand ou de chinois. Le choix de telle ou telle langue ne figure pas davantage dans la fort longue liste des mentions de master. Langues vivantes devenues mortes. Langues rares, spécialités reconnues de certaines universités, envoyées aux oubliettes par le vent d’une modernité vomitive. Par contre, l’étudiant titulaire de la licence pourra s’inscrire dans un master Mode ou un master Design !
Mais revenons au texte sur le cadre national des formations. Le projet d’arrêté comprend la liste des mentions des diplômes nationaux regroupés par grands domaines ainsi que les règles relatives à l’organisation des formations.

Objectif de ce cadrage national : l’intitulé d’un diplôme répond à une dénomination nationale précisant le domaine et la mention concernés. Les dénominations nationales assurent la lisibilité du dispositif national pour les étudiants, les partenaires professionnels et le monde scientifique, en France et à l’étranger.

Ce texte est d’une imbécillité exceptionnelle dans l’histoire de l’Université de France. Le MESR et la DGESIP ont perdu (définitivement ?) le sens des réalités.

La suite est à lire ici.


Commentaire de Jean-Louis Fournel :

Oui la situation est inquiétante : au mieux, on rajoute de la bureaucratie et de l’illisibilité à la carte des formations, au pire on prépare l’étape suivante de la loi LRU et de la loi LRU II de Madame Fioraso, à savoir les coupes sombres dans la carte des formations, devenues la principale variable d’ajustement de budgets en déséquilibre structurels. C’est pour bientôt et il est à craindre que cela soit très douloureux ; et le MESR dira que ce n’est pas lui qui fait ça (comme pour le cas de Béziers) mais les universités souveraines…

Je me permets de rappeler ici un appel à toutes les universités françaises qui hélas n’avait pas été couronné de succès : rédigé en avril dernier, au moment où étaient arrivées les premières informations sur les circulaires qui suscitent aujourd’hui l’ire légitime de Pierre Dubois, cet appel était parti de tous les responsables de formations et d’équipes de recherche puis avait été voté par le CA de Paris 8 (cf ci-dessous). Il eût été alors encore temps de faire entendre la voix des universités. J’étais même persuadé pour ma part que le MESR commettait alors une erreur majeure et que cela allait susciter une réaction massive des collègues dans toute la France. Une telle hypothèse est-elle encore envisageable aujourd’hui ? On reprendra comme réponse le mot bien connu de Gramsci qui, dans une lettre à son frère, du fond de sa prison, en appelait à faire usage du « pessimisme de la raison » et de « l’optimisme de la volonté »…

Appel de Paris 8 pour l’autonomie pédagogique et scientifique des Universités (CA du 26 avril 2013)


Note de SLU.
La liste des innombrables mentions de Master en Économie (Banque, finance, assurance ; Économétrie ; Économie ; Économie du développement ; Économie du droit ; Économie de l’entreprise et des marchés ; Économie des organisations ; Économie internationale ; Économie sociale ; Économie publique et management ; Économie du travail et des ressources humaines ; Économie de l’environnement, de l’énergie et des transports ; Économie de la santé ; Management et administration des entreprises ; Administration économique et sociale ; Comptabilité – contrôle – audit ; Contrôle de gestion et audit organisationnel ; Finance ; Gestion ; Marketing, vente ; Management ; Management des organisations ; Management et commerce international ; Management public ; Management sectoriel ; Management des systèmes d’information ; Entrepreneuriat et management de projets ; Management de l’innovation ; Gestion de production, logistique, achats ; Gestion des ressources humaines) est à opposer à celle des mentions en Art (Arts plastiques ; Arts du spectacle ; Cinéma et audiovisuel ; Audiovisuel, médias interactifs numériques, jeux ; Création numérique ; Musicologie ; Patrimoine et musées ; Administration, gestion et médiation culturelle ; Mode ; Design ; Industries culturelles)

Le doyen des Arts de l’Université Paris8, s’adresse ainsi à ses collègues directeurs d’UFR :

Madame la Présidente, chers collègues,

Je voudrais en cette réunion des directeurs de composante, présenter devant vous une déclaration à laquelle, pour des raisons que vous comprendrez, je souhaite donner un caractère solennel.
En effet, en dépit de nos actions, du soutien jamais démenti des instances de notre université, il semblerait que le ministère reste sur ses positions quant aux nomenclatures de diplômes qui vont nous être imposées.
L’opposition de l’UFR Art, Philosophie, Esthétique, porte sur un secteur particulier qui est celui dit des « arts du spectacle ».
- Cinéma, théâtre et danse s’y trouvent confondus dans une seule et même licence ;
- Cinéma retrouve son autonomie pour le master, mais l’existence des études en danse comme discipline universitaire est à nouveau refusée.
Une pétition signée par tous les chercheurs en danse que compte notre pays, la plupart des chorégraphes et danseurs de premier rang, le soutien d’intellectuels de renom ; les demandes réitérées des départements d’études théâtrales et des départements d’études cinématographiques, n’ont pas suffi à faire revenir en arrière ce ministère dont on se demande ce qui l’emporte de ses déterminations idéologiques, du libéralisme Thatchérien au centralisme pompidolien en passant par une rationalité digne du regretté Père Ubu.
Quelles que soient les décisions finales adoptées par cette administration, les enseignants-chercheurs des disciplines artistiques continueront de mener ce combat parce qu’il défend tout autant les intérêts de leurs étudiants que l’avenir de la recherche en art.
Conscients des difficultés dans lesquelles notre université, comme tout autre établissement de l’enseignement supérieur, s’engage, je voudrais en tant que directeur de l’UFR Art, Philosophie, Esthétique, solliciter de notre université un engagement ferme.
Avec l’ensemble de mes collègues, je demande que ces nomenclatures, qui nous sont aujourd’hui imposées, ne trouvent aucune traduction au sein de notre université, c’est-à-dire que nous continuions, en interne, à accorder le même niveau de reconnaissance, la même légitimité, la même autonomie, à chacune de ces disciplines, que si le titre officiel leur avait été accordé.
Afin de préserver l’avenir, nous demandons à l’université de prendre la position la plus claire quant à sa volonté de maintenir ces trois disciplines en tant que telles et de ne pas leur imposer, demain, un tronc commun au nom d’une supposée nécessité académique.