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Des secteurs entiers de l’ESR soumis au secret par les ZRR (Zones à Régime Restrictif et non pas Zones de Revitalisation Rurale !)

vendredi 24 janvier 2014, par Hélène

Après l’obligation de transfert technologique au service du développement industriel affiché dans la nouvelle loi, des pans entiers de la recherche et de l’enseignement supérieur soumis au secret !
Sous prétexte de renforcer le dispositif de « protection du patrimoine scientifique et technique » de la nation, un arrêté de Jean-Marc Ayrault, en juillet 2012, place la totalité des disciplines scientifiques (à l’exception des sciences humaines et sociales) dans la liste des « secteurs scientifiques et techniques protégés ».

A (re)lire aussi :
- la circulaire interministérielle de mise en œuvre du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation du 7 novembre 2012,
- la présentation de P. Gasnot (fonctionnaire de défense) aux responsables de l’INIS,
- la lettre des sections SNCS (FSU), SNESUP (FSU) et SNTRS (CGT) au président de l’université de Lorraine au sujet du règlement intérieur des UMR classées ZRR,
- la position du SNTRS-CGT,
- celle du SNCS,
- celle de FO.

Sous le prétexte de protéger les savoirs et les savoir-faire des laboratoires de l’ESR, un arrêté du 3 juillet 2012 de Jean Marc Ayrault contraint désormais ceux-ci à un ensemble de règles de fonctionnement liberticides afin de contrôler les échanges scientifiques et techniques à l’intérieur et à l’extérieur des unités de recherche.

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Les personnels travaillant dans ces secteurs scientifiques et techniques à liberté restreinte devront désormais se plier à un ensemble de dispositions et de règles fortement contraignantes limitant leurs libertés d’action, de création et de diffusion de leurs savoirs et de leurs savoir-faire.

Le contexte de la recherche publique a en effet évolué récemment, avec un ensemble de textes visant à « protéger le patrimoine scientifique et technique de la nation » et initialement centré sur l’objectif de protection contre des risques potentiels de terrorisme ou de prolifération d’armes de destruction massive. La circulaire interministérielle du 7 novembre 2012 identifie et complète ces risques :

risque 1 (RI), « intérêts économiques de la Nation » : concerne les atteintes au potentiel scientifique et technique susceptibles de nuire aux intérêts économiques de la Nation ;

risque 2 (R2), « arsenal militaire » : concerne le détournement du potentiel scientifique et technique susceptible de renforcer l’arsenal militaire (conventionnel) d’un autre pays ou d’affaiblir les capacités de défense de la nation ;

risque 3 (R3), « prolifération » : concerne la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, dans les domaines nucléaire, balistique, chimique ou biologique ;

risque 4 (R4), « terrorisme » : concerne le détournement de savoirs susceptibles d’être utilisés a des fins d’activités terroristes, menées sur le territoire national ou a l’étranger (ce risque comprend également le risque radiologique).

En conséquence, la quasi-totalité des secteurs scientifiques sont déclarés « secteurs scientifiques et techniques protégés » (arrêté du 3 juillet 2012 et circulaire interministérielle du 7 novembre 2012, p3) et sont créées des « Zones à Régime Restrictif » (ZRR) dans des textes dont la rhétorique est aux antipodes avec les mission de l’ESR :

L’annexe II spécifie les secteurs concernés ("protégés") et identifiés par un nombre :

Biologie, médecine et santé :

11. ― Aspects moléculaires et cellulaires de la biologie.

12. ― Biomolécules, pharmacologie, thérapeutique.

13. ― Physiologie, biologie des organismes, populations, interactions.

14. ― Recherche clinique, innovation technologique, santé publique.

Chimie :

21. ― Chimie des matériaux.

22. ― Chimie organique, minérale, industrielle.

23. ― Chimie théorique, physique, analytique.

24. ― Génie des matériaux.

Mathématiques et leurs interactions :

31. ― Mathématiques et leurs interactions.

Physique :

41. ― Constituants élémentaires et physique théorique.

42. ― Plasmas chauds.

43. ― Milieux denses, matériaux et composants.

44. ― Milieux dilués et optique fondamentale.

45. ― Physique nucléaire.

Sciences agronomiques et écologiques :

51. ― Biologie de l’environnement, des populations, écologie.

52. ― Biologie des organismes ; biotechnologies animales, végétales et microbienne.

53. ― Biotechnologies agroalimentaires, sciences de l’aliment.

Sciences de la terre et de l’univers, espace :

61. ― Astronomie, astrophysique.

62. ― Terre solide et enveloppes superficielles.

63. ― Terre, enveloppes fluides.

Sciences et technologies de l’information et de la communication :

71. ― Automatique, productique.

72. ― Traitement du signal et des images.

73. ― Electronique, microélectronique, nanoélectronique et micro-ondes.

74. ― Micro-nanosystèmes et capteurs.

75. ― Systèmes optiques et photoniques.

76. ― Informatique et applications.

Sciences pour l’ingénieur :

81. ― Génie des procédés.

82. ― Plasmas froids.

83. ― Electronique de puissance.

84. ― Génie électrique.

85. ― Acoustique.

86. ― Bio-mécanique et bio-ingénierie.

87. ― Energétique, thermique, combustion.

88. ― Mécanique des milieux fluides.

89. ― Génie civil.

810. ― Génie mécanique, productique, transport.

811. ― Mécanique des solides, des matériaux, des structures et des surfaces.

812. ― Missiles, armes, sciences et techniques de défense.

De plus, un arrêté non publié du Premier ministre, classifié « Confidentiel Défense - Spécial France », détermine, au sein des secteurs scientifiques et techniques mentionnés au 1° du III, la liste des spécialités dont les savoir-faire sont susceptibles d’être détournés à des fins de terrorisme ou de prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

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