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Le SNESUP écrit aux parlementaires [pour demander un moratoire sur les regroupements] - 30 mai 2014

samedi 31 mai 2014, par Mariannick

Le SNESUP-FSU a adressé le courrier ci dessous aux parlementaires pour
exiger un moratoire de la mise en œuvre des regroupements et une
réécriture législative des structures et modalités de coopération des
établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Mesdames et Messieurs les Présidents des Groupes Parlementaires
Assemblée Nationale
Sénat

Copie à tous les parlementaires

Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur
le Sénateur,

En application des articles L718-1 à L718-16 de la loi 2013-660 du 22
juillet 2013, et selon le calendrier qu’elle impose, partout, les
universités sont engagées dans une course folle aux regroupements.

Au nom de l’urgence, et de l’espoir de bénéficier du prochain appel à
projets d’investissement d’avenir (PIA2), le choix du mode de
regroupement parmi les trois possibilités ouvertes par la loi n’est
quasiment jamais discuté au sein des établissements concernés,
auxquels s’applique quasi-exclusivement le modèle de communautés
d’universités et d’établissements (COMUE), au mépris de la possibilité
d’association introduite au cours des débats parlementaires. Pilotée
par la seule DGESIP, et sous la pression des difficultés budgétaires
aggravées par la politique d’austérité gouvernementale, cette
précipitation a pour effet d’exacerber les tensions, tant à
l’intérieur des établissements qu’entre membres pressentis des
regroupements et génère de fortes inquiétudes chez les personnels et
les étudiants.

Une logique territoriale, sans lien avec les logiques de coopération
scientifiques, guide les dispositions législatives en matière de
regroupement, et par voie de conséquence les projets de regroupements
actuels. Or la réforme territoriale d’ampleur annoncée par le premier
ministre, à brève échéance, notamment la division par deux du nombre
de régions, aura des conséquences importantes sur les établissements
et les organismes.
En outre, les regroupements, couplés au plan de financement PIA2,
s’inscrivent dans un modèle d’enseignement supérieur et de recherche
(ESR) à deux vitesses, où des universités de recherche intensive, à « 
dimension mondiale » coexisteraient avec des universités « de taille
régionale », établissements de seconde zone, chargés du seul cycle de
licence et déconnectés de la recherche. Le risque de « décrochage » de
certaines universités est bien réel, et aurait des conséquences
néfastes sur les capacités de recherche de notre pays.

Le SNESUP-FSU rappelle que toutes les universités doivent être, à part
entière, des universités de plein exercice.

Reprise au CNESER du 19 mai, l’exigence d’un moratoire, formulée par
le SNESUP-FSU, est un premier pas, important, qui doit être
accompagnée d’une réécriture législative immédiate des cadres de
coopération des établissements d’enseignement supérieur et de
recherche.

L’élaboration collective de projets de site et de collaborations
pédagogiques et scientifiques, à la fois respectueux de l’histoire,
des spécificités, des attentes et des droits des personnels et des
étudiants, demande effectivement du temps de concertation, sans lequel
aucun projet viable ne pourra se construire. Une vision nationale des
missions de service public de l’ESR — relevant de tous les ministères
— doit en outre s’appuyer sur des structures de coopérations,
démocratiquement décidées, entre partenaires publics librement
choisis. Dans ce cadre, les établissements privés ne sauraient avoir
les mêmes prérogatives que les établissements publics.

Or aucun des modèles de regroupements imposés par la loi (fusions,
communautés d’universités et établissements - COMUE - ou associations)
ne correspond à cette conception de l’ESR. Ils s’accompagnent en outre
du détournement et de l’affaiblissement des pratiques collégiales et
démocratiques de gestion universitaire.
L’expérience des établissements déjà fusionnés laisse fortement
craindre que, quel que soit le modèle, la taille potentiellement
gigantesque des regroupements, génère une explosion de la
bureaucratisation, des coûts de fonctionnement et d’organisation
considérables, des suppressions d’enseignement ou de thèmes de
recherche et conduise à une sous-représentation des personnels et des
étudiants dans des instances de décision de plus en plus éloignées de
la réalité de terrain.

Dans le cas de la COMUE, le pilotage des décisions et la répartition
des moyens, tels qu’inscrits dans la loi, échappent largement au
contrôle des établissements membres et sont transférés à une instance
unique, qui se superpose aux membres du regroupement. De surcroît, les
dispositions législatives permettent une confiscation à terme des
prérogatives de leurs établissements membres. En effet, si les statuts
initiaux des COMUE, prévoyant les compétences qui leurs sont
transférées, doivent être adoptés par les CA des établissements
membres, l’article L718-8 dispose que toute modification ultérieure
des statuts sera votée par le seul conseil d’administration de la
COMUE, sans consultation des conseils d’administration des membres,
ouvrant ainsi la porte à une possible extension des compétences
transférées sans l’accord des établissements concernés.Dans le cas de
l’association des établissements, l’obligation que l’un d’entre eux
soit en charge de la coordination des discussion avec le ministère sur
le contrat pluri-annuel commun crée de fait une hiérarchie dans les
établissements regroupés.
En outre, la participation des organismes de recherche à ces
regroupements interroge sur l’avenir des organismes et de leurs
personnels.

Notre exigence d’un moratoire de la mise en œuvre des regroupements et
d’une réécriture législative des structures et modalités de
coopération des établissements d’enseignement supérieur et de
recherche n’est en rien la volonté de maintenir le statu quo. Elle a
pour double objectif :

  • de conduire à une évolution des modalités possibles de coopération entre établissements et organismes publics, permettant la mise en œuvre de projets répondant effectivement aux réalités des coopérations en matière de recherche et de formation, et aux besoins et aux droits des personnels et des étudiants ;
  • de donner aux instances de régulation nationale (CNESER, CTMESR, instances parlementaires...) la capacité d’aménagement concerté et équilibré du territoire en sites d’ESR publics, auxquels il est impératif que les établissements privés ne puissent être associés que par la voie de conventions.

En cette période où les menaces que font peser les rapprochements
imposés se précisent, et où des mobilisations de la communauté
universitaire se développent, le SNESUP-FSU se tient à votre
disposition pour vous rencontrer et vous fournir des éléments
d’information supplémentaires relatifs à cet élément crucial de la loi
de l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est également
porteur de propositions de modifications de la loi 2013-660.

Veuillez agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la
Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l’expression de notre haute
considération.

Claudine Kahane et Marc Neveu
co-secrétaires généraux du SNESUP-FSU