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Revue de presse sur la manifestation du 17 octobre 2014

samedi 18 octobre 2014, par Hélène

Des milliers de chercheurs manifestent pour réclamer plus de moyens - RFI, 18 octobre 2014

Plusieurs milliers de chercheurs - 8000 selon les organisateurs - ont manifesté vendredi 17 octobre dans les rues de Paris, à l’initiative du mouvement « Sciences en marche ». Ce collectif est parti de Montpellier il y a trois semaines pour un périple à vélo à travers la France. Ils sont arrivés hier vendredi dans les rues de la capitale, rejoints par d’autres chercheurs. Ils dénoncent la « crise profonde » que traverse le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.

Certains chercheurs ont manifesté à vélo, d’autres, comme David Boucher, ont préféré se joindre au cortège à pied. Pour ce directeur d’un laboratoire de biologie à l’Institut national de la recherche agronomique de Versailles, « il y a beaucoup d’activités de recherche qui coûtent cher, et pour lesquels il faut des moyens que l’on a pas actuellement, du fait des restrictions sur nos budgets récurrents et sur le budget de l’agence nationale de la recherche  ».

« Recherche en colère », « Stop à la galère », « Contre la précarisation dans la recherche », autant de messages peints sur les banderolles. « Le mot précarité aujourd’hui pour un post-doctorant à Paris, qui va gagner 1500 ou 1600 euros par mois, ce n’est vraiment pas un mot fort, c’est une réalité. », a déclaré à RFI Pierre Guillard, 33 ans, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris.

Précarité

Gregory Pachini, lui, refuse d’affronter cette précarité. Il sait que sa thèse sur le virus du sida ne lui permettra pas de trouver un emploi.

« Je suis passionné par la recherche, mon amour de la science est inaltéré, mais ce n’est plus possible avec ma thèse qui n’ouvre pas les portes qui me permettront de pouvoir prétendre au concours [à la fonction de maître de conférence ndlr]. Donc je vais me retrouver à 35 ans sans pouvoir rien faire et je vais être obligé de repenser ma carrière à la fin de mon doctorat. »

Avec cette manifestation, le mouvement « Sciences en marche » espère interpeller le gouvernement et obtenir 30 000 emplois supplémentaires en dix ans.

Par ailleurs, « Sciences en marche » réclame une réforme du Crédit Impôt Recherche, afin de financer une augmentation des budgets de fonctionnement des universités et des organismes de recherche.

« Demander davantage d’argent à l’Etat ne me paraît pas réaliste dans la conjoncture actuelle  », a répondu Geneviève Fioraso. La secrétaire d’Etat chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a par ailleurs estimé que les instituts de recherche devaient « donner la priorité à l’embauche des jeunes docteurs (...) plutôt qu’aux fins de carrière  ».


Sciences en marche : « François Hollande doit nous répondre » - Lucie Delaporte, Mediapart, 17 octobre 2014

La manifestation de chercheurs qui ont convergé ce vendredi à Paris, après avoir sillonné la France avec le mouvement Sciences en marche, a rassemblé des milliers de personnes à Paris.

" On ne va pas s’arrêter là. " Fort du succès – assez inattendu – de la manifestation des chercheurs qui a vu converger à Paris des milliers de personnes ce vendredi 17 octobre pour dénoncer la situation de la recherche en France, le mouvement de Sciences en marche 3 compte bien pousser son avantage, comme le confirme l’initiateur du mouvement, le biologiste Patrick Lemaire. « C’est un pari assez fou qui a été remporté. Nous en sommes nous-mêmes un peu ébahis. Une dynamique est lancée. Cette manifestation était une convergence entre différents groupes et mouvements locaux qui vont désormais travailler ensemble  », affirmait-il à l’issue de la manifestation parisienne.

Lancé en juin dernier par un petit groupe de biologistes de Montpellier, le mouvement n’a cessé de grandir ces derniers mois et a, peu à peu, été rejoint par des milliers de chercheurs. L’idée de réaliser une grande « marche », à pied, à vélo, en kayak, vers Paris pour sensibiliser aux enjeux de la recherche – et à la situation parfois dramatique des laboratoires – a germé à l’issue d’un débat organisé le 3 juin dernier sur l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un amphi de la fac de Montpellier. Une université dont la présidente a longuement ferraillé l’an dernier avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – menaçant de fermer faute de financement suffisant son site de Béziers.

Patrick Lemaire, biologiste directeur de recherche au CRBM (Centre de recherche de biochimie macromoléculaire) reconnaît que le pari de mobiliser une profession parfois désabusée et gangrenée par la précarité n’avait rien d’évident. « Notre démarche a sans doute plu parce qu’elle sortait un peu des cadres habituels. Sciences en marche s’est organisée hors des cadres syndicaux, par exemple, mais pas sans eux puisqu’ils ont appuyé notre démarche, sans toutefois influer sur notre message et nos revendications. Nous y tenions beaucoup  », explique celui qui a un temps été proche de Sauvons la recherche, le grand mouvement de chercheurs lancé en 2004.

Pas question non plus d’aborder pour eux le débat sur la recherche sous un angle corporatiste. « Nous n’aurions pas été compris. Si l’on réalise que nous bénéficions encore d’un certain capital sympathie – c’est d’ailleurs une bonne surprise tant nous avons été attaqués (voir article précédent) – dans le fond les gens ne nous connaissent pas, ne savent pas comment on travaille, ce qu’on fait. Brandir des revendications sans expliquer, d’abord, qui nous sommes ne nous semblait pas possible.  » Le choix de Sciences en marche a donc été d’organiser tout au long du trajet vers Paris des rencontres et des animations scientifiques pour aller à la rencontre du public. « Nous avons réussi à toucher un public nouveau, un public qui ne serait par exemple jamais venu à des manifestations comme la Fête de la science, comme lors de la rencontre organisée sur le parvis de la Défense où des gens sont venus nous voir simplement parce qu’ils passaient par là », raconte le biologiste. «  Ils sont extrêmement surpris lorsqu’ils découvrent que, certes, nous sommes des fonctionnaires, mais que l’État ne nous donne pas de budget de fonctionnement, que c’est à nous d’aller décrocher des financements pour faire tourner nos laboratoires  », poursuit-il.

La création de l’Agence nationale pour la recherche en 2005, agence qui distribue des financements sur projet, couplée avec une baisse drastique des crédits fixes accordés aux labos, a totalement bouleversé le paysage de la recherche. Les chercheurs racontent passer désormais plus de temps à chercher de l’argent en montant de très lourds dossiers (recalés à 92 % par l’ANR) qu’à réellement faire leurs recherches. Depuis deux ans et demi, et malgré les annonces de campagne, la nouvelle majorité n’a réalisé aucun changement de cap, consacrant un mode de fonctionnement particulièrement court-termiste qui est devenu la norme au niveau européen.

Le paysage de la recherche s’est parallèlement complexifié, au point que plus personne ne s’y retrouve dans la multiplicité des structures créées et que les labos sont asphyxiés par la paperasse. « Les élus locaux que nous avons rencontrés ont été très sensibles à notre discours sur l’empilement des strates administratives qui tient lieu de gouvernance à la recherche, avec un État qui n’est ni stratège, ni visionnaire  », rapporte Patrick Lemaire.

La promesse de Geneviève Fioraso, à son arrivée au ministère, de réduire le mille-feuille est pour l’instant restée lettre morte. « Aller sur le terrain nous a permis de réaliser l’ampleur des inégalités vis-à-vis de l’enseignement supérieur et de la recherche  », précise aussi l’initiateur de Sciences en marche. Il se souvient notamment d’une étape à Courson-sur-Yonne, une commune de l’Yonne, où le maire lui expliquait que faute de transports urbains ou du fait d’un maillage universitaire peut-être défaillant, seuls 5 % des habitants accédaient à l’enseignement supérieur (contre 40 % de moyenne nationale).

Ces revendications, apparues au long de ces dernières semaines, Patrick Lemaire entend maintenant les porter au plus haut niveau de l’État. « Nous avons été reçus par Geneviève Fioraso, à son initiative d’ailleurs. Le problème c’est que Mme Fioraso, qui n’est même plus ministre de plein exercice (elle est devenue secrétaire d’État lors du remaniement, ndlr), ce qui est bien un signe de notre déclassement, n’a pas le poids politique suffisant pour imposer quoi que ce soit. Tout se décide à l’Élysée et c’est maintenant à François Hollande de nous répondre. »

Aux quelques députés qui sont venus à sa rencontre ce vendredi, Patrick Lemaire a rappelé l’urgence selon lui de réformer le crédit impôt recherche. Sciences en marche réclame une réorientation d’un tiers de la plus grosse niche fiscale à disposition des entreprises, aujourd’hui quelque 6 milliards d’euros, dispositif dont la Cour des comptes a déjà, à plusieurs reprises, souligné à quel point il était inefficient pour soutenir la recherche.

En janvier dernier, François Hollande avait assuré que le CIR serait maintenu jusqu’à la fin du quinquennat, comme toutes « les mesures qui incitent à l’investissement », avait-il précisé lors de ses vœux aux partenaires sociaux.

Cette nuit, lors du débat parlementaire sur le budget, les amendements déposés par des députés socialistes « frondeurs », Front de gauche ou écologistes, visant à redéployer le dispositif vers la recherche ont tous été rejetés. «  Le crédit d’impôt recherche est le principal facteur d’attractivité de notre pays auprès des investisseurs étrangers. Le gouvernement ne souhaite pas bouger, pour des raisons de lisibilité, de signal politique  », a déclaré le secrétaire d’État au budget Christian Eckert.

Devant l’ampleur du succès de la manifestation de ce vendredi, des contacts ont néanmoins été établis entre Vincent Berger, le conseiller pour l’enseignement supérieur et la recherche de François Hollande, et les leaders de Sciences en marche.


Manifestation réussie pour Sciences en marche - Sylvestre Huet, Science2, Libération, 17 octobre 2014

La manifestation parisienne de Sciences en marche a réuni plusieurs milliers de personnes dans une ambiance très combative. Après l’arrivée des cyclistes, en route depuis les laboratoires du CNRS de Gif-sur-Yvette, le cortège s’est ébranlé vers la place Vauban, au centre de Paris, après une prise de parole de Patrick Lemaire pour Sciences en marche.

Les chasubles vertes de SeM étaient nombreuses. Mais on pouvait aussi distinguer les blouses blanches de Cochin, de Curie. Les banderoles de l’Observatoire de Paris Meudon, le groupe des jeunes des sciences de l’Univers, Sauvons l’Université, l’Inra de Versailles, du Muséum national d’histoire naturelle, de la maison des sciences de l’Homme de Nanterre, des collectifs de précaires, des syndicats… côtoyaient des pancartes à slogans.

Lors du rassemblement final diverses prises de paroles ont eu lieu. Certains montrant le soutien de responsables scientifiques comme celles de Bruno Chaudret, président du Conseil Scientifique du CNRS, ou de Margaret Buckingham, médaille d’or du CNRS en 2012. Le premier a souligné qu’il fallait continuer l’action, la seconde l’importance d’offrir des perspectives d’emplois pour les jeunes scientifiques issus des universités. L’intersyndicale a indiqué qu’elle allait proposer de nouvelles actions dans la perspective de la discussion budgétaire à l’Assemblée nationale. Pascal Maillard, de l’Université de Strasbourg, s’est taillé un beau succès en lisant des parties d’un discours de François Hollande, alors candidat, en 2012 où il promettait d’améliorer le financement de la recherche et de réformer le Crédit d’impôt recherche, cible de nombreux slogans et pancartes.

Améliorer le projet de budget 2015

Deux députées, Marie-Georges Buffet (PCF) et Isabelle Attard (Nouvelle Donne) sont venues apporter leur soutien à cette manifestation et expliquer la bataille d’amendements qu’elles conduisent, pour l’instant sans succès, pour améliorer le projet de budget 2015 pour la recherche (voir la note de ce matin pour les détails). Un message du député PS Christian Paul qui présente un amendement permettant de verser 500 millions d’euros supplémentaires à la recherche a également été lu.

L’Académicien des sciences Jean Rossier manifeste avec Science en marche

Parmi les manifestants, j’ai repéré quelques personnalités. Comme l’Académicien Jean Rossier, venu en habit et à vélo, Jean-Louis Fournel, professeur à Paris-8, Patrick Forterre, spécialiste des archébactéries, l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring, très préoccupé par les aventures de son robot Philae qui doit se poser sur la comète Churyumov Guerasimenko en novembre, le spécialiste du mamouths à poils laineux Pascal Tassy, le biologiste Alain Trautmann, le leader de Sauvons la Recherche en 2004, la politiste Sophie Duchesne (Comité national de la recherche scientifque), Sophie Pochic, élue cet été au Conseil Scientifique du CNRS, Françis André Wollmann qui vient d’être nommé par la direction du CNRS à ce même Conseil Scientifique…

Le succès de rue et médiatique du mouvement lancé il y a trois mois depuis Montpellier est incontestable. Mais il semble bien, au vu du refus de la majorité des députés socialistes et de la fin de non recevoir de Geneviève Fioraso aux demandes de SeM qu’il faudra d’autres actions pour infléchir la politique gouvernementale.

Outre la manifestation parisienne, des rassemblements ont été organisés par SeM, notamment à Toulouse et Montpellier.


Voir aussi

La recherche française est en marche... dans la rue - Erwan Lecomte, Sciences et Avenir, 17 octobre 2014

Le gouvernement reste ferme face aux chercheurs en colère - Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 17 octobre 2014

Démonstration de force des chercheurs à Paris - Sylvie Ducatteau et Eugénie Barbezat, L’Humanité, 17 Octobre 2014

Poussés à bout, les chercheurs manifestent leur colère à Paris - Amélie Petitdemange, Le Figaro, 17 octobre 2014

Manifestations : les chercheurs faut pas les chercher ! - Marianne Davril, Boursier.com, 17 octobre 2014