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Droits d’inscription : les étudiants étrangers pourraient être contraints de payer le prix fort - Marie-Christine Corbier, Les Echos, 28 janvier 2015

vendredi 30 janvier 2015, par Victoria Serge

C’est bien connu, ça commence toujours à tomber sur le voisin (et en général c’est parce qu’il le cherche). Mais ne nous faisons aucune illusion, après ce sera sur notre pomme (comme ici ou )

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France Stratégie suggère d’augmenter massivement les droits d’inscription des étudiants extracommunautaires.

L’idée avait été relancée par le prix Nobel Jean Tirole et la secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, en fin d’année dernière. Elle va probablement connaître un coup d’accélérateur avec le rapport que vient de publier France Stratégie. L’organisme, rattaché à Matignon et présidé par Jean Pisani-Ferry, suggère d’augmenter massivement les droits d’inscription des étudiants étrangers. Il propose une tarification à coûts complets pour les étudiants extracommunautaires dans les universités et grandes écoles publiques, pour donner les moyens à la France d’investir dans l’internationalisation de l’enseignement supérieur.
Les frais d’inscription en licence passeraient de 183 à 6.000 euros, ceux de master de 254 à 12.000 euros et ceux des écoles d’ingénieurs, de 500 à 15.000 euros. Dans ce scénario - « le seul à dégager des ressources importantes au regard des besoins », selon le rapport, seuls les doctorants verraient leurs frais d’inscription maintenus aux 388 euros actuels, « afin d’attirer les étudiants les plus qualifiés ». Au total, 102.000 étudiants (soit 36 % des étudiants internationaux) seraient amenés à payer « en moyenne 11.101 euros de frais de scolarité ».
L’idée n’est pas de combler le déficit budgétaire, mais de réinvestir les sommes dans l’enseignement supérieur, plaident les auteurs. « Nos établissements n’ont guère de moyens pour se développer à l’international, explicite Quentin Delpech. Il faut de nouvelles ressources. » Cette politique a été menée au Danemark et en Suède. La simulation réalisée par France Stratégie aboutirait à un gain de 850 millions d’euros par an au bout de cinq ans (soit 1,1 milliard d’euros de recettes d’inscriptions).
Cette stratégie n’est pas dépourvue de risques, précise le rapport. Dans un premier temps, elle entraînerait « mécaniquement » une baisse du nombre d’étudiants étrangers, de l’ordre de 40 %. Mais, à dix ans, « la France récupérerait 75 % de cette population ». D’où l’importance d’augmenter le nombre de bourses : «  L’objectif serait de créer 30.000 bourses annuelles supplémentaires sous forme d’exemptions de frais de scolarité  », pour notamment « limiter la baisse potentiellement importante des étudiants d’origine africaine ».

Réductions des dépenses

L’autre objectif, plus discrètement affiché, est aussi de réduire la dépense publique. « Avec moins d’étudiants extracommunautaires (moins 68.000), les dépenses publiques en matière d’enseignement supérieur baissent de 633 millions d’euros environ », admettent les auteurs. La stratégie risque aussi de provoquer « une contraction du vivier potentiel d’étudiants étrangers de niveau master en vue de l’accès au doctorat  ». Cette logique de tarification à coûts complets est « commerciale », admet France Stratégie. « La facturation des études à la manière de services éducatifs fournit des revenus aux établissements, dans un contexte de désengagement de l’Etat.  » La question, selon le rapport, ne se réduit plus «  à savoir combien d’étudiants internationaux attirer, mais plutôt pour quelles raisons les attirer, avec quels objectifs pour la France ».
Un scénario auquel le pays est peu habitué et qui, à coup sûr, ne passera pas inaperçu.
Marie-Christine Corbier, Les Echos