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Les grandes écoles veulent aussi délivrer des diplômes de master - Adrien de Tricornot, Le Monde/Campus, 17 avril 2015

samedi 25 avril 2015, par Mr Croche

Bien que l’article ne soit pas récent (une semaine) il est important de le mettre en perspective avec le nouvel arrêté sur le doctorat.

A lire sur le site du Monde

La Conférence des grandes écoles (CGE), qui regroupe 213 établissements d’enseignement supérieur publics, associatifs et privés, veut que tous ses membres puissent délivrer des diplômes nationaux de masters (DNM). Elle a annoncé, le 7 avril, avoir saisi le Conseil d’Etat pour demander l’abrogation de deux arrêtés ministériels réservant ce droit aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), c’est-à-dire aux universités, ou à caractère administratif (EPA).

Aujourd’hui, les diplômes des écoles privées ou associatives ne sont validés que par un « grade master » (niveau), à la suite d’audits menés par la Commission des titres d’ingénieur (CTI) et la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG). Si la CGE obtenait gain de cause, elle renforcerait l’attractivité et le prestige des diplômes de ses écoles privées ou associatives. Ils bénéficieraient d’une image de marque garantie par l’Etat, réservée jusqu’ici à ses propres écoles d’excellence.

Bonus évident

Le bonus serait le plus évident pour les diplômés des grandes écoles les moins « renommées », à condition qu’elles obtiennent bien cette habilitation. Elle pourrait faciliter l’accès de ces diplômés à des parcours internationaux ou à des carrières publiques et de recherche. « On devrait juger l’excellence sur des critères objectifs, liés à la formation, l’environnement de recherche et à l’insertion des diplômés, sans considération pour le support juridique ou le modèle économique », explique Philippe Jamet, président de la CGE. Le Conseil d’Etat va se prononcer « sur le fond et en dernier ressort », explique-t-il, s’attendant à un épilogue d’ici à un an. De son côté, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche précise qu’il « attend l’arrêt du Conseil d’Etat ».

En cas d’échec, la CGE évoque un recours devant la Cour de justice européenne (CJE). Sa demande est d’autant plus pressante que le paysage de l’enseignement supérieur est en plein bouleversement et que la possibilité de délivrer des diplômes nationaux crédibiliserait ses écoles dans le développement international et les aiderait à participer aux regroupements universitaires en cours.

Paradoxe

L’Ecole supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon (CPE Lyon), dont le diplôme est reconnu par la CTI et qui bénéficie du grade master, en a fait l’expérience. « Le fait de ne pas être cohabilité à délivrer un master nous a empêchés d’intégrer le regroupement d’écoles et d’universités de la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) » lyonnaise, explique Gérard Pignault, directeur de cette école et par ailleurs membre du conseil d’administration et du bureau de la CGE. En effet, CPE Lyon devait remplir au moins deux des trois conditions suivantes : pouvoir délivrer un doctorat ou un diplôme national de master ou exercer la cotutelle d’une unité mixte de recherche (UMR). Or elle ne remplit que la troisième condition. Pourtant, ce prestigieux établissement compte trois Prix Nobel parmi ses anciens : deux en chimie (Victor Grignard en 1912, Yves Chauvin en 2005) et un colauréat du prix Nobel de la paix 2007, le médaillé d’or du CNRS Jean Jouzel, récompensé en tant que membre du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Le paradoxe est aussi que CPE Lyon, établissement de statut associatif, est rattaché à une université publique (Lyon-I), avec laquelle il compte poursuivre ses partenariats, notamment pour les étudiants qui se destinent à la recherche. « Mais, témoigne M. Pignault, nous sommes très étonnés que l’on nous pose toujours la question de notre statut, pour obtenir des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou lors d’appels à projets, comme LabCom – des laboratoires mixtes avec des PME. »

Sans critiquer les écoles privées, il note encore que les pouvoirs publics évoluent vis-à-vis des diplômes délivrés par les écoles de statut associatif : une voie de sortie de ce contentieux pourrait être que les écoles à but non lucratif soient autorisées, sous condition d’excellence, à délivrer des diplômes nationaux de master.