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Université : les raisons de crises multiples - François Bonnet et Faïza Zerouala, "Médiapart", 21 novembre 2016

lundi 21 novembre 2016, par Laurence

SLU avait donné son avis sur les "refondateurs" auto-proclamés. Tous les clichés sont repris par François Vatin. En guise d’antidote, lire l’excellente recension du livre "L’Université n’est pas en crise" par Bénédicte Vidaillet, professeure à Paris Est Créteil dans la Nouvelle Revue de Psychosociologie. "L’université n’est pas en crise" a été écrit par deux sociologues : quoi de mieux que la sociologie (bonne) en réponse à la sociologie (expéditive) ?

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Le sociologue François Vatin dresse un constat sévère de l’université française. Pour lui, rien n’est fait par les pouvoirs publics pour permettre à l’université de remplir sa mission. Elle ne serait qu’une gare de triage accueillant les étudiants dont personne ne veut ailleurs.

Pour lire cet article et écouter l’entretien avec François Vatin sur le site de Médiapart.

Ce quinquennat touche à sa fin et il n’a pas brillé par ses propositions pour redonner un nouveau souffle à l’université. La communauté universitaire s’est mobilisée en 2009, sans succès, lors de la présidence Sarkozy pour lutter contre la loi Pécresse. Celle-ci instaurait l’autonomie des universités, instituant au passage des inégalités entre elles et octroyant de forts pouvoirs aux présidents des établissements d’enseignement supérieur. Cette loi a été de fait confirmée en 2013 par celle de l’ex-ministre Geneviève Fioraso.

Depuis cette forte mobilisation de 2009, longue de plusieurs mois, les universitaires semblent atones, comme s’ils avaient acté cette chute inexorable de l’université française. Pourtant, officiellement, le gouvernement se préoccupe du sort de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le chef de l’État, François Hollande, y a consacré un discours sans annonces frappantes le 3 novembre à Caen, appelant à porter de 2,25 % à 3 % en dix ans la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée à ces secteurs.

Plus significatif, 850 millions d’euros de plus pour l’enseignement supérieur et la recherche viennent d’être inscrits dans le budget 2017. Un coup de pouce insuffisant selon les acteurs de la communauté éducative, car il ne servira qu’à combler les dépenses engagées pour accueillir les 40 000 étudiants supplémentaires inscrits cette année à l’université.

Par ailleurs, le débat sur la sélection à l’entrée du master, entérinée en octobre et dans les tuyaux parlementaires pour être effective à la rentrée 2017, a démontré qu’il fallait agir sur différents leviers pour changer un système vieillissant et visiblement inefficace, preuve en étant le fort taux d’échec. D’après les derniers chiffres du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, seuls 28 % des étudiants obtiennent leur licence trois ans après leur première inscription en L1 et 40 % après trois ou quatre ans. Ces chiffres sont dus au fort taux d’abandon. Ainsi, 46 % des étudiants inscrits pour la première fois en L1 en 2011 ne sont plus inscrits en licence deux ans après.

L’enseignant en sociologie François Vatin fait partie du groupe qui avait lancé un « Appel à refonder l’université » en mai 2009, appel resté sans réponse. Ceux qui tenaient pour une rénovation profonde de l’université souhaitaient que celle-ci ne soit plus le réceptacle des bacheliers perdus dans les errances de l’orientation. Pour le sociologue, les prérequis ne sont pas maîtrisés par de nombreux jeunes qui s’inscrivent à la fac. Sans compter ceux, dit-il, qui y sont présents « par dépit  ». Les enseignants-chercheurs, précise-t-il, n’ont pas vocation à s’occuper de ces étudiants insuffisamment qualifiés.

En somme, François Vatin plaide pour que l’université ne soit plus dévaluée en acceptant tout le monde, sans autre critère que l’obtention du baccalauréat, comme il le développe ici dans cet article paru au printemps 2015 dans la revue Commentaires. La situation, juge le professeur de sociologie, est « indigne » pour l’institution et les étudiants.

Un dysfonctionnement structurel, aggravé par la concurrence croissante des formations d’enseignement privé. « Le caractère sélectif d’une formation en fait la valeur symbolique », déplore l’universitaire. Pour résumer, l’université ne doit pas être l’un des éléments de la politique destinée à la jeunesse, là où échouent ceux dont personne ne veut ailleurs, mais doit être revalorisée pour regagner ses lettres de noblesse.