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La précarité tue (et la ministre propose un n°vert) - Revue de presse, 18 novembre 2019, et mises à jour (26 nov.)

mardi 26 novembre 2019, par Mariannick


Une tuerie.

Serge Halimi, Le Monde Diplomatique, décembre 19 (en kiosque mercredi 27 novembre)

[…] Par son geste, M. Anas K. entendait protester contre la misère et l’impasse de sa condition sociale. Il devait travailler en même temps qu’étudier ; il avait échoué aux examens ; sa bourse venait d’être supprimée. Il s’est alors résolu, selon les mots du Tunisien Abdel Razzaq Zorgui, qui s’était lui aussi immolé en décembre 2018, « à faire une révolution tout seul ».
[…] Un jeune qui sacrifie sa vie comme on le fait dans les régimes autoritaires, des manifestants qui perdent un œil, une main lors d’une charge de police, des pamphlétaires de droite qui annoncent la guerre civile… Plusieurs mouvements de grève vont intervenir dans les semaines qui viennent. S’ils échouent, où serons-nous l’année prochaine ?


Précarité étudiante : « Il faut prouver qu’on est un bon pauvre »

Stéphanie Maurice, correspondante à Lille, Maïté Darnault, correspondante à Lyon et Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille, Libération, 26 novembre 2019

Si le mouvement de ce mardi n’a pas été massif, la volonté de manifester le 5 décembre est dans tous les esprits. Echos des rassemblements qui ont eu lieu à Marseille, Lyon et Lille.

Les étudiants de la fac Saint-Charles, l’un des principaux campus marseillais, et quelques-uns des sites satellites du centre-ville se sont rassemblés devant le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ce midi. La mobilisation était encore timide. En attendant que les troupes se garnissent et que la pression monte, on distribue des tracts et on prend la parole. « Si on est assez nombreux, on montera une opération Resto U gratuit en bloquant les caisses », explique Floriane Bal, secrétaire générale de la Fédération syndicale étudiante (FSE) à Marseille. Logement, mais aussi prix des transports, restauration… Depuis la semaine dernière, ça cogite, comme ailleurs en France, dans les universités marseillaises où la précarité étudiante se manifeste différemment d’un site à l’autre.

Mardi dernier à Luminy, aux portes des calanques, une AG était organisée sur le thème des conditions de vie en résidence universitaire – près d’un millier d’étudiants logent sur ce campus. « Il y a un bâtiment notamment qui n’est pas rénové depuis des années et qui fuit partout, explique Floriane Bal. Dans beaucoup d’endroits, c’est insalubre. Les poutres sont gorgées d’eau, le faux plafond d’une chambre s’est même effondré. A plusieurs endroits, n’y a pas de chauffage, ni d’eau chaude. » Facebook sert de courroie de transmission pour les témoignages : ces derniers jours, une centaine d’étudiants ont envoyé des courriers à l’administration où ils ont listé leurs revendications. La médiatisation du sujet a un peu aidé, « mais il reste encore quelques chambres où le problème persiste », dit Floriane Bal. Une nouvelle AG de suivi est prévue ce mardi soir sur le site, où les étudiants veulent désormais être force de proposition : ils évoquent par exemple la création d’une épicerie étudiante, le site de Luminy étant très excentré.

Côté front commun, une nouvelle AG est aussi programmée mardi prochain à Saint-Charles, avec en ligne de mire la grande grève générale du 5 décembre. « La question des retraites nous concerne évidemment, mais on voudrait aussi porter ce jour-là des revendications immédiates pour les étudiants », précise Floriane Bal.

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« On n’a pas le temps d’être énervés par notre situation d’étudiants précaires »

25 novembre 2019, Faïza Zerouala, Mediapart (abonnés)
Le 8 novembre, à Lyon, un étudiant de 22 ans a tenté de se suicider en s’immolant par le feu pour dénoncer sa précarité. Le 26 novembre, les organisations étudiantes appellent à une journée de mobilisation contre cette précarité. Mediapart donne la parole à cinq jeunes étudiants confrontés à ces difficultés financières.

[…] « On n’a pas le temps d’être énervés par notre situation d’étudiants précaires », explique Margaux. Ils sont loin de l’image des jeunes inconscients de la réalité.

Mais celle-ci s’est rappelée à eux de la manière la plus rude avec la tentative de suicide de cet étudiant lyonnais de 22 ans, qui s’est immolé par le feu devant le Crous, qui distribue les logements et les bourses étudiantes, le 8 novembre. Pour Anissa, ce geste « est une alerte générale ».

La jeune femme a été choquée de voir que les politiques ont préféré se réfugier dans le déni et ont minimisé le caractère politique de cet évènement. Mariame considère qu’il s’agit d’un « électrochoc extrême ». Pour Quentin, « ce geste fort dépasse la question de la précarité étudiante. Il y a aussi un an de gilets jaunes derrière nous ou encore les révoltes au Chili. Cela témoigne d’un fossé qui éclate contre les gens plus riches et dominants ».

Mardi 26 novembre, une large intersyndicale appelle à la mobilisation des étudiants. Tous demandent « un plan d’urgence » pour résorber la précarité étudiante. « Le gouvernement ne semble pas prendre conscience de la gravité structurelle de la situation qui a amené au drame du 8 novembre », écrivent dans un communiqué commun la FAGE, l’Unef, la FSE, Solidaires étudiant.e.s, et l’Alternative.


Usul. « La précarité tue » : quand les étudiants n’en peuvent plus

18 novembre 2019, Usul et Rémi Liechti, Mediapart

La tentative de suicide par le feu d’un étudiant à Lyon, le 8 novembre, aurait pu être le point de départ d’une grande concertation nationale sur le sort qu’on réserve en France à la jeunesse. Mais il n’en est rien.


La précarité tue, le capitalisme tue, le macronisme tue

Frédéric Lordon, 15 novembre 2019, Blog du Monde Diplomatique : la pompe à phynance

[…] Mais le plus frappant peut-être dans cette histoire de démolition, c’est l’inconscience heureuse des démolisseurs. Il est vrai qu’ils vivent dans une condition de séparation sociologique, spatiale et mentale, telle que rien de la souffrance humaine ne leur parvient plus. Y compris quand elle leur est mise sous les yeux — car s’immoler, c’est pour qu’on ne puisse pas ne pas voir. L’information du suicide d’Anas a bien dû leur parvenir assez tôt, il y a des préfets pour ça. Et cependant : rien. Ça ne leur a rien fait. Comme les suicidés de France Télécom ne parvenaient pas à faire quoi que ce soit à Didier Lombard ou Louis-Pierre Wenès. Comme la mort de Rémi Fraisse n’a jamais rien fait à François Hollande, qui croit pouvoir revenir, toujours aussi ahuri et rubescent, vendre sa petite salade.

[…] C’est donc par un retournement projectif totalement inconscient que ce gouvernement ne cesse de parler de lui quand il croit parler des autres. On peut alors tout à fait prendre au mot, quoique moyennant un renversement radical, Sibeth Ndiaye quand, encore tout émue de la maltraitance des grilles de sa collègue Vidal, elle déclare que « rien ne peut justifier que des violences soient commises ». Et c’est vrai. C’est même très en dessous de la vérité, si l’on y pense, de dire que « rien ne peut justifier » des politiques criminelles — mais Sibeth Ndiaye est porte-parole du gouvernement, on comprend qu’elle soit tenue à ce genre d’atténuation.

Alors Anas tente de se tuer. Mais d’une manière spéciale, porteuse d’une possibilité de rupture : une manière entièrement politique. Les ordures gouvernementales ne s’y sont pas trompées : leur premier geste a été de se précipiter au déni. Attal, Montchalin : des ordures — vraiment on cherche, on voudrait éviter, mais on ne voit pas comment dire autrement. Anas nomme : Sarkozy, Hollande, Macron, l’UE. Il en appelle : au socialisme, à l’autogestion, à la Sécu. Ce sont ses derniers mots. Mais Montchalin « ne pense pas qu’on puisse dire qu’il s’agit d’un acte politique ». On pourrait appeler ça tuer deux fois. Criminels sociaux, criminels symboliques.



Immolation d’un étudiant : la stratégie du choc. Et les sinistres connards qui en sont responsables.
Blog Affordance, 13 novembre

Un étudiant s’est donc immolé par le feu devant une université, devant un CROUS, dans un acte politique pour dénoncer explicitement la précarisation qui touche la jeunesse. En France. En 2019. Au 21ème siècle. Celui que l’on nous vantait encore au siècle précédent comme étant celui de "l’économie de la connaissance". Cette jeunesse qui brûle.

Cette immolation par le feu, cette image que je n’ai pas vue, elle ne me quitte pas depuis vendredi. Parce que cet étudiant aurait pu être l’un des miens. Il n’était ni plus fragile, ni moins bien entouré, ni plus précaire que la plupart des miens, que j’ai quitté ce matin, et que je vais retrouver demain. Pour leur dire quoi ?

Dans un monde normal on aurait espéré que ce geste aboutisse au moins à une forme de trêve. Que nous cessions d’être collectivement d’immenses connards et connasses et que nous nous regroupions pour réfléchir. Pour prendre le temps. Pour laisser la douleur et la colère jaillir. Pour mettre des mots sur l’indicible. En France au 21ème siècle un étudiant de 22 ans s’est immolé par le feu parce qu’il était pauvre, précaire, et qu’il n’avait plus droit à aucune aide. Dans un monde normal on aurait espéré que ce geste aboutisse au moins à une forme de trêve. Comme à chaque basculement dans l’horreur. Comme à chaque effet de sidération qui saisit une société toute entière. Le mois de Novembre semble hélas propice à ce genre de sidération. Mais là, rien. Juste rien.

La ministre Frédérique Vidal a fait une rapide visite au CROUS de Lyon, le vendredi du drame, pour "assurer la communauté universitaire de son soutien". Ella a aussi exprimé son "soutien" à la famille de cet homme de 22 ans qui s’est immolé par le feu. Et elle s’est barrée. Au Groenland je crois. Ou en Antarctique, je ne sais plus. Pour un voyage bien sûr aussi légitime qu’important. Quand on est ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur on ne va pas non plus trop modifier son agenda sous prétexte qu’un étudiant de 22 ans s’est immolé par le feu pour dénoncer la précarité dont tous les étudiants sont aujourd’hui victimes. […]


Arrêt sur Image, 12 novembre

Un étudiant s’immole à Lyon : indifférence des chaînes d’infos...

... pourtant pointées du doigt par le jeune homme

Ce vendredi 8 novembre, un étudiant de 22 ans s’est immolé devant un restaurant universitaire de Lyon. Dans une lettre expliquant son geste, il dénonce sa situation financière plus que précaire, la montée du libéralisme et du fascisme... mais aussi "Le Pen et les éditorialistes qui ont créé des peurs plus que secondaires". Une accusation passée inaperçue sur les chaînes d’infos.

Il dénonçait sa situation financière précaire, une succession de présidents qui n’ont fait que creuser les inégalités... mais aussi les ""peurs"" agitées par l’extrême droite et ""les éditorialistes"". Ce vendredi 8 novembre dans l’après-midi, un étudiant en sciences politiques de 22 ans s’est immolé en pleine rue à Lyon, devant un restaurant universitaire géré par le CROUS. Brûlé à 90%, il a été transporté à l’hôpital et se trouve ""entre la vie et la mort"", selon le syndicat étudiant Solidaires.


Là-bas si j’y suis

Vendredi 8 novembre, un étudiant lyonnais de 22 ans, Anas K. s’est immolé par le feu devant un bâtiment du CROUS à Lyon. Des rassemblements étaient organisés ce mardi dans toute la France en solidarité. À Paris, le rassemblement s’est vite transformé en manifestation non-déclarée. Un reportage de Taha Bouhafs.