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Les présidents d’université réclament une refonte de la licence - Clarisse Jay, "La Tribune", 14 mai 2011

lundi 16 mai 2011

En clôture de son colloque annuel qui se tenait à Toulouse sur le thème de la licence, la conférence des présidents d’université a appelé à une refondation du cycle licence. Objectif : rompre avec l’échec en première année d’université, rendre plus lisibles les formations et favoriser l’insertion professionnelle des étudiants à bac + 3.

La conférence des présidents d’université a consacré son colloque annuel, qui se tenait les 12 et 13 mai à Toulouse, au thème de la licence.

"Historique et fondateur". C’est ainsi qu’a qualifié le colloque annuel de conférence des présidents d’université (CPU), qui se tenait les 12 et 13 mai à Toulouse , Daniel Filâtre, président de la commission Formation et Insertion professionnelle de la CPU. A l’heure où le grand emprunt et les classements internationaux récompensent l’excellence de la recherche, le choix de ce thème n’est pas anodin. "Si nous avons consacré ce colloque à la licence, c’est pour rompre avec le fatalisme et le découragement qui caractérisent le premier cycle", a expliqué en ouverture Anne Fraïsse, vice-présidente de la CPU, citant "le désordre et l’empilement des formations aux statuts différents, l’inadéquation de nombreux bacheliers aux études choisies, l’échec en première année et la difficulté à professionnaliser la licence générale", sans compter l’objectif encore non atteint d’amener 50 % d’une classe d’âge à un diplôme du supérieur. Selon Daniel Filâtre, « réfléchir à la licence est un acte politique majeur" en ce que cela pose la question de l’encadrement, de l’employabilité et des relations avec les autres cursus : "Une approche globale et systémique est nécessaire. Il faut englober dans la réflexion toutes les filières post-bac."
De fait, la moitié seulement des bacheliers généraux s’inscrivent en licence ; cette proportion tombe sous les 20 % pour les bacheliers technologiques. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, la licence (médecine comprise) n’a recueilli que 29 % des vœux d’inscription dans le supérieur des futurs bacheliers 2011 (procédure Admission post-bac). Les formation sélectives que sont les BTS, IUT et classes préparatoires concentrent, elles, 61 % des vœux... Les BTS et IUT sont de plus en plus préemptés par les bacheliers généraux qui poursuivent ensuite leurs études supérieures, notamment dans des écoles d’ingénieur ou de commerce, dévoyant ainsi complètement la finalité de ces cursus courts (bac + 2) professionnalisant à l’origine destinés aux bacheliers professionnels et technologiques. "Nous avons respectivement 80 % et 50 % de poursuite d’études en IUT et en BTS contre 10 % avant !", s’est emporté Christian Forestier, administrateur général du Cnam. Les bacheliers "techno" et "pro" s’orientent donc vers la licence souvent par défaut. Ce sont eux qui ont le plus de peine à réussir leur cursus. Le défi à relever pour le cycle licence est donc à la fois crucial (seuls les meilleurs percent en master, créant une sélection de fait) et extrêmement difficile tant les difficultés constatées en licences trouvent leur source bien en amont.

Continuum avec le lycée

D’où la volonté des présidents d’université de faire de la licence un "continuum avec le lycée". C’est d’ailleurs le premier grand axe de la déclaration finale du colloque de la CPU qui doit encore être finalisée pas ses instances et soumises au débat dans le cadre de la consultation engagée par la ministre de l’Enseignement supérieur pour son « plan licence 2 » annoncé en décembre dernier. La CPU a ainsi proposé « deux novations » : considérer les question d’orientation comme un continuum bac + 3/bac -3 selon des principes de «  lisibilité, fluidité et sécurité", a détaillé le président de la CPU, Louis Vogel. Cela implique de travailler avec les lycées, de contractualiser aussi des schémas régionaux mais surtout de mieux caractériser les parcours , avec plus de passerelles et de souplesse dans l’acquisition des semestres. « Tous les acquis devraient pouvoir être capitalisés et inscrits dans le champ de la formation continue », a proposé Louis Vogel. Les «  connaissances et compétences » ont émergé comme point clé, les secondes devant être mieux prises en compte tant dans l’orientation (« bilan de compétence » dès le lycée) qu’au cours du cursus supérieur et lors de l’insertion professionnelle. Mise à part la licence professionnelle, la licence reste en effet un diplôme mal identifié par les employeurs. « 90 % des entreprises françaises ont moins de 10 salariés. Or si ces PME identifient très bien le BTS et le DUT, elles peinent à appréhender ce niveau intermédiaire qu’est la licence, le percevant parfois comme le reflet d’études longues ratées. Cela pose aussi un problème pour définir le salaire », a témoigné Daniel Thébault, président du Medef Midi-Pyrénées.
Favoriser l’employabilité des étudiants, c’est aussi l’un des objectifs du second axe de proposition : demander à la licence le "même niveau d’ambition et d’exigence que pour la recherche". "La pédagogie doit s’inspirer de la recherche. Cela entraîne des conséquences de méthode, de conception des diplômes, de contenu et d’organisation des formations" avec la mise en place d’équipes pédagogiques, a suggéré Louis Vogel. Ce que Daniel Filâtre a qualifié de "révolution pédagogique". Une révolution qui n’est pas sans soulever des questions de personnels et de moyens. Des cours en petits groupes coûtent par exemple bien plus cher que des cours magistraux en amphi... "On ne gagnera pas la révolution pédagogique sans reconnaître les investissements des enseignants-chercheurs", a insisté Daniel Filâtre évoquant leur formation et la valorisation des carrière avec par exemple la création d’une "prime d’excellence pédagogique". Pour Sophie Bejean, présidente de la commission des moyens et des personnels de la CPU, "il faut des moyens très conséquents et de nouvelles règles pour inciter les universités à investir dans la licence". Louis Vogel a à cet égard fortement interpellé Valérie Pécresse, présente lors de la clôture : "Rien ne sera possible si ces ambitions ne sont pas soutenues au plus haut niveau de l’Etat."

Moyens humains et financiers

Pas sûr que les propositions de la CPU se traduisent rapidement en subsides . En présentant la seconde phase de son plan "Réussir en licence" en décembre dernier ("La Tribune" du 20 décembre 2010), Valérie Pécresse avait rappelé les 730 millions d’euros alloués sur 2007-2012 et les 444 millions d’euros investis par les universités pour "amplifier" ce plan (bien que l’Unef, première organisation étudiante, épingle régulièrement le manque d’implication des universités dans ce plan). En période de restrictions budgétaires, et alors que l’enseignement supérieur et la recherche bénéficient déjà d’un traitement de faveur (pas de suppressions de postes, + 9 milliards d’euros de budget annoncés pour le quinquennat...), on voit mal le gouvernement consentir une rallonge. Pourtant, les écarts de dépenses publiques restent grands entre un étudiant en licence (8.000 euros par an) et un étudiant en BTS (14.000 euros) ou en classe préparatoire (15.000 euros). Dans son discours de clôture vendredi à Toulouse, Valérie Pécresse a précisé les contours de son plan Réussir en licence 2 (ouverture sur la recherche, 1ère année fondamentale, 2ème année de professionnalisation et 3ème année de spécialisation, diversification des parcours, seuil minimal horaire, groupes plus petits, plus de contrôle continu, développement des stages....) sans annoncer de millions supplémentaires. Comment lier démocratisation de l’enseignement supérieur et réussite pour tous, ce sera certainement l’un des défis du prochain chef de l’Etat... mais aussi des nombreux nouveaux présidents d’université qui doivent être élus eux aussi au printemps 2012. En attendant, doit être réécrit l’arrêté de 2002 pour fixer la nouvelle architecture de la licence. Une tâche qui s’annonce déjà difficile.


Voir en ligne : http://www.latribune.fr/actualites/...