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Sauver l’emploi scientifique français : une cause nationale - Les échos, Groupe Marc Bloch, 9 août 2011

vendredi 12 août 2011

Le gouvernement s’est félicité d’avoir préservé l’enseignement supérieur et la recherche d’une application stricte de la règle de « non remplacement d’un fonctionnaire sur deux » en visant une stabilisation des effectifs. En fait, dans les universités, le contexte actuel conduit à leur inéluctable érosion, car la masse salariale allouée par l’Etat ne prend pas en compte l’effet « glissement vieillesse technicité » (GVT), qui est particulièrement vif dans les universités en raison d’une part de la technicité et de la spécificité des grilles salariales et, d’autre part, de la pyramide des âges qui leur est propre.

Pour la seule année 2010, le GVT représente 50 millions d’euros de charges annuelles supplémentaires (0,53 % de la masse salariale). Cette somme équivaut à 1.000 emplois à supprimer.

Or, l’enseignement supérieur et la recherche peuvent être ici assimilés à une industrie de services hautement qualifiés. Le Premier ministre a déclaré qu’ « investir massivement dans les secteurs technologiques, dans les secteurs d’avenir, dans la formation, dans l’innovation, et dans la recherche [...] entre dans le cadre des dépenses nécessaires à la croissance future. Les sacrifier serait totalement suicidaire. » Les propos et les actes sont contradictoires.

C’est non seulement le volume, mais aussi la qualité de l’emploi scientifique qui sont déterminants pour l’avenir de la société et l’économie française.

Il s’agit de rendre attractives les carrières scientifiques. D’autant que la compétition internationale est très vive et va s’intensifiant. Les jeunes chercheurs à haut potentiel n’ont aucun problème à trouver dans d’autres pays des laboratoires volontaires pour les accueillir. Les conditions qui leur sont proposées en France sont de moins en moins aptes à les convaincre.

On note en effet, depuis une vingtaine d’années une baisse sensible du pouvoir d’achat des universitaires et des chercheurs, non seulement vis-à-vis du secteur privé, mais également au sein de la fonction publique. A titre d’exemple, le salaire d’un maître de conférences en début de carrière (premier échelon) est de 1.770 euros nets, soit l’équivalent du traitement d’un jeune lieutenant de police, recruté au niveau licence. C’est bien peu pour un étudiant brillant qui a tout de même un niveau bac + 8 auquel s’ajoutent parfois plusieurs années de travail post-doctoral et la réussite à un concours très sélectif à l’université. Lorsque cet enseignant atteint le niveau supérieur de professeur d’université, au premier échelon, il perçoit royalement 2.570 euros nets. C’est ainsi que George Smoot, prix Nobel de physique, a été recruté par l’université Paris-Diderot pour moins de 4.000 euros.

La Banque mondiale a ainsi placé en 2009 la France dans les derniers rangs des pays développés pour le salaire des chercheurs, dont elle établit qu’il impacte la qualité des équipes de recherche.

Le plan de recrutement que nous appelons de nos voeux doit s’accompagner d’une revalorisation des métiers. Il s’agit de reconnaître le diplôme de docteur dans les conventions collectives et d’encourager les vocations scientifiques en augmentant les salaires au début des carrières. Il faut aussi revaloriser les salaires de tous les enseignants-chercheurs et chercheurs. Il faut enfin permettre l’accélération des carrières pour les plus investis.

Au-delà des effets de manches, le budget 2012 en préparation représente en l’état actuel un recul de l’investissement national pour la connaissance et l’innovation. N’est-ce pas ce que François Fillon appelle une politique suicidaire ?

Le groupe Marc-Bloch réunit 59 présidents, directeurs d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche et hauts fonctionnaires.

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