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Ubu règne sur l’université française - Alain Garrigou, "Le Monde Diplomatique", septembre 2017
jeudi 31 août 2017, par
Des élèves en quête d’université, des professeurs exaspérés, des facultés au bord de l’asphyxie… On ne peut pas dire que la rentrée s’annonce sous les meilleurs auspices. Pour diminuer les fonds publics consacrés à l’enseignement supérieur français, les gouvernements ont imaginé des normes quantitatives et des dispositifs qui tous conduisent à un renforcement de la bureaucratie. Jusqu’à l’absurde.
L’enseignement coûte cher. Comment ne pas être tenté d’en réduire la facture ? L’État néolibéral n’a pas la primauté de ce souci gestionnaire, conçu comme une exigence de rationalisation. La réponse principale qui y est apportée — limiter les effectifs — se confond peu ou prou avec une sélection sociale. On a un peu oublié que Mai 68 est partiellement né en réaction aux plans d’économies d’un pouvoir effrayé par l’explosion des effectifs universitaires, ou encore que la loi Devaquet (1) a suscité la forte mobilisation de 1986.
Le rejet de ces projets n’y a rien changé : l’université demeure en première ligne. Les gouvernants croient en effet trouver là un gisement tout désigné d’économies par le nombre de fonctionnaires, par leur faible capacité de mobilisation, par le peu d’efficacité d’un premier cycle marqué par l’« échec scolaire » — même si celui-ci ne tient pas à l’université mais au baccalauréat, qui ne joue pas de rôle d’orientation ; d’autant que l’université assume aussi une fonction, inavouée, de traitement social du chômage.
Face à ces problèmes, l’administration française, convertie au management et aux algorithmes, a cru trouver le sésame qui permet d’échapper à la décision politique et aux risques : l’admission postbac (APB). Que cache cet acronyme typique de la novlangue bureaucratique ? L’État garantit en principe l’accès à l’université à tous les bacheliers… mais pas forcément dans la voie voulue. Les propositions disponibles en ligne pendant l’été offraient un bel exemple de liste kafkaïenne. La presse s’est emparée une nouvelle fois de l’affaire en mettant en évidence les blocages : pour beaucoup de bacheliers, aucune place dans les universités alentour et les filières dites « en tension ». Vous voulez devenir géomètre ? Vous ferez un brevet de technicien supérieur (BTS) commercial.
[…] Lire l’intégralité de l’article dans le Monde Diplomatique (en kiosque p.20 ou sur abonnement)
… Pris par leurs nouvelles fonctions, auxquelles il faut ajouter le travail qu’exigent des filières légalement sélectives comme les masters, les enseignants n’ont plus beaucoup de temps pour leurs recherches. Mais pourquoi les mèneraient-ils encore, sinon par coquetterie, fantaisie ou passion, alors que leur avancement n’en dépend plus depuis longtemps, mais tient de plus en plus à ces tâches et responsabilités administratives pourtant non comprises dans leur mission ? Par ailleurs, qui regrettera les articles désormais absents de revues scientifiques que presque personne ne lisait ?
Quand on se souvient du défi autrement plus grand que l’université française dut affronter au moment de son essor, dans la seconde moitié du siècle dernier, lorsqu’elle fit face à des générations nombreuses et à l’ouverture sociale, on reste confondu devant une impuissance qui relève d’abord d’un étrange renoncement.