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Le commerce de singes de l’université de Strasbourg dans le viseur de la justice - Claire Gandanger, Rue89 Strasbourg, 26 septembre 2017

mardi 26 septembre 2017, par Andy Capp

Une enquête judiciaire débute quant aux activités d’ADUEIS, la filiale opaque de l’université qui exploite des singes. Retour sur le secret bien gardé de la création de cette filiale.

A défaut de vaches à lait, l’université de Strasbourg profiterait-elle en toute opacité d’une monnaie de singes ? Le Procureur de la République de Strasbourg vient d’ordonner l’ouverture d’une enquête judiciaire du chef d’ « abus de confiance et autres détournements » concernant l’université de Strasbourg et l’association ADUEIS, partenaire de l’Unistra qui exploite les singes de son centre de primatologie. L’enquête est confiée à la division économique et financière de la direction régionale de la police judiciaire.

En 2009, l’université de Strasbourg a remporté l’appel à projets national du premier fonds unique interministériel (FUI) « Plateforme d’innovations » pour la valorisation de son centre de primatologie dans l’industrie. Pour que son projet puisse bénéficier des 1,7 million d’euros qui lui étaient attribués, elle a créé l’ADUEIS, association pour le développement des liens université – entreprises dans les industries de santé. Cette entité juridique distincte de l’université est chargée de mettre en œuvre le projet, c’est-à-dire de développer l’exploitation commerciale de singes sous la marque Silabe.

Cette exploitation consiste en des quarantaines – l’hébergement temporaire de singes venus de vendeurs principalement mauriciens et destinés à des laboratoires pharmaceutiques – ainsi que dans la réalisation et la commercialisation de prélèvements biologiques sur des singes et des expérimentations in vitro. L’université a cédé pour cela plus de 300 singes de son centre de primatologie à l’ADUEIS, pour un montant d’1,1 million d’euros. Elle a aussi mis à sa disposition les locaux du centre au fort Foch de Niederhausbergen, ainsi que 10 agents publics. Le projet comprenait également la création d’une chaire de recherche au sein de la plateforme Silabe, piloté par le centre de primatologie de l’université.

Opacité sur tous les plans

Le moins que l’on puisse dire est que l’université n’a jamais fait preuve de transparence ni quant au montage de cette association, ni quant à ses activités, ni quant à ses implications financières. C’est l’intervention de l’association de défense des animaux Animalsace en novembre 2016 dans la campagne pour la nouvelle présidence de l’université qui a mis au jour le montage, sept ans après la création de l’ADUEIS.

L’accord-cadre passé entre l’université et l’ADUEIS n’avait lui-même été porté à la connaissance du conseil d’administration de l’université qu’après sa signature et le lancement des activités commerciales, en janvier 2011. Et sans être soumis à la discussion et ni que ne soient fournis aux membres du conseil les différentes annexes relatives au contrat.

Cet accord de partenariat a été signé entre le président de l’université de l’époque, Alain Beretz, et un vice-président de l’ADUEIS, Nicolas Carboni, alors président d’Alsace Biovalley qui avait accompagné la candidature de l’université pour le Fonds unique interministériel. Celui-ci était mandaté par le véritable président de l’association, un certain… Michel Deneken, actuel président de l’université et à l’époque vice-président. Ce petit arrangement permettait de ne pas exposer de manière trop flagrante que l’université passait en fait un contrat… avec elle-même.

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