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Et la palme des manifs revient à… - Laurent Mouloud, L’Humanité, 3 avril 2009

dimanche 5 avril 2009, par Laurence

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Du concert de casseroles au défilé aux flambeaux, les personnels de l’éducation ont rivalisé d’imagination, hier, pour dénoncer les réformes Pécresse-Darcos.

Ils avaient promis 1 000 manifs pour l’école. On ne sait pas s’ils ont tenu parole. Mais une chose est sûre : plusieurs dizaines de milliers d’enseignants, universitaires, personnels administratifs et techniques, étudiants ont défilé hier dans toute la France contre les réformes Pécresse-Darcos. Du concert de casseroles à la lecture publique, en passant par le dépôt de cercueils, il y en avait pour tous les goûts (sauf ceux du gouvernement). D’où la tentation de dresser un petit palmarès très aléatoire.

La plus grande

Paris décroche la palme. Selon les organisateurs, ils étaient 25 000 (7 000 selon la police…) à défiler entre la place du Panthéon et le métro Sèvres-Babylone. En tête de cortège, le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri, et celui du SNESup-FSU, Jean Fabbri, ont demandé des « améliorations », non seulement en ce qui concerne la modulation de service des enseignants-chercheurs, mais aussi pour l’emploi et la réforme de la formation des enseignants. « La base de la mobilisation continue de durer », assure Gérard Aschieri.

Quelques pas derrière lui, on retrouve Hélène, professeur des écoles en CP, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Calée sous sa banderole, elle n’en est pas à sa première manif. Avec sa copine, «  Hélène aussi », elle dénonce la lente suppression des maîtres spécialisés du RASED. « Alors que nous avons plus que jamais besoin d’eux. Dans ma classe, j’ai un élève SDF et plusieurs qui ne mangent pas tous les jours à leur faim. La situation est vraiment compliquée. Les RASED, il faut les développer, pas les supprimer. » Sa collègue soupire : « On est une école qui exclut de plus en plus alors que l’on devrait intégrer. Vivre ensemble, ça s’apprend. »

Sarah est professeur d’anglais à l’université du Havre. Et toujours remontée après neuf semaines de mouvement. « Le gouvernement ne nous entend pas. Il rend la situation de plus en plus ingérable. » Pour elle, la plus grande menace vient de la réforme de la formation des maîtres. « Le gouvernement veut développer par ce biais l’emploi précaire et faire des emplois statutaires l’exception. C’est une menace sans précédent sur le fonctionnariat. »

La plus rapide

Oh, ils étaient bien une vingtaine, hier, devant le siège de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), à Paris ! Il était autour de 14 h 30. Et l’affaire n’a pas duré plus de dix minutes. Mais, promis juré, elle a été remarquée dans ce quartier chic, à deux pas de la Bourse. Pourquoi donc l’AERES ? Tout simplement pour dénoncer les propos ahurissants de son directeur, tenus le 8 janvier dernier. Lors d’une conférence à l’université Paris-Descartes sur l’évaluation de l’enseignement supérieur, Jean-François Dhainaut se serait lâché, aux dires de plusieurs témoins : « Le pouvoir est une affaire masculine. Par ailleurs, les femmes, en plus de leur métier, doivent s’occuper de la maison, des enfants. Elles n’ont donc pas de temps à consacrer à l’AERES. » Les mots ont fait le tour d’Internet en quelques jours.

« C’était une goutte d’eau supplémentaire à mettre au crédit de l’AERES, explique Violaine Sebillotte, enseignante-chercheuse à Paris-I et responsable du séminaire genre et histoire. On voulait marquer le coup, surtout qu’aujourd’hui (hier - NDLR) Jean-François Dhainaut est convoqué à 15 heures au ministère pour s’expliquer sur ses dires… » Autour d’elle, on retrouve des membres de l’association Efigies et plusieurs étudiants, certains déguisés en femmes de ménage, avec gants et tablier. Romain, en master 1, prévient : « Comment l’organisme chargé de l’évaluation pourrait être objectif alors que son propre directeur néglige quarante ans de recherches sur le genre. C’est fou ! »

Il est 14 h 40. La banderole est déployée. L’AERES est rebaptisée : « Agence d’encouragement à la recherche sexiste ». Quelques slogans et l’on part rejoindre la grande manif au Panthéon. À son retour du ministère, Jean-François Dhainaut aura le plaisir de retrouver une boîte sur son perron. Dedans, des bidons de lessive. Et l’exemplaire d’un livre qu’il lui faudra bien évaluer : À la maison pour les nuls…

La plus morbide

Elle revient à Béziers où une quarantaine d’enseignants et parents d’élèves ont déposé devant la sous-préfecture quelques cercueils symbolisant les suppressions de postes. « Pour parfaire l’ambiance, il pleuvait des cordes ! » raconte Éric Perles, responsable local du SNUIPP-FSU. Sur la ville, « 9,75 postes » doivent disparaître, dont un chez les RASED. « Les parents ne comprennent pas comment on peut justifier une telle mesure… » Une délégation a finalement été reçue par la secrétaire générale de la sous-préfecture. « Elle a pris note et transmettra », sourit Éric Perles. Qui pense déjà à la suite : « Ce vendredi, nous rencontrons le député, et samedi, les parents d’élèves organisent un pique-nique revendicatif… » Bref, la mobilisation dure, dure…

Laurent Mouloud