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"C’est un des fondements de la laïcité de l’enseignement qui est mis en cause", le point de vue de Jean Baubérot, "Le Monde", 12 mai 2009

lundi 11 mai 2009, par Elie

Le sociologue des religions Jean Baubérot, auteur de La Laïcité expliquée à M. Sarkozy (Albin Michel, 2008), estime que l’heure est grave. Avec l’accord passé entre la France et le Vatican sur les diplômes, "c’est un des fondements de la laïcité de l’enseignement qui est mis en cause, car celle-ci repose sur la collation des grades par les universités publiques".

Jusqu’alors, on s’en tenait "à des collaborations ponctuelles au cas par cas avec des professeurs de facultés privées, sur des critères strictement académiques". Alors que cette pratique autonomisait les professeurs des "cathos" par rapport à leur hiérarchie, M. Baubérot juge qu’"on donne une possibilité de pression du Saint-Siège sur les instituts catholiques". Le Vatican "a refusé, par le passé, de nommer des professeurs dont les idées ne lui plaisaient pas. Qu’adviendra-t-il des formations médicales ou de bioéthique et de celles qui développent une approche scientifique des religions ?", se demande ce défenseur d’une laïcité tolérante. A ses yeux, le texte ouvre un autre problème : "Soit on crée une nouvelle inégalité au profit du catholicisme, soit on étend la mesure aux autres religions et, par exemple, on reconnaît les diplômes délivrés par l’université coranique d’Al-Azhar au Caire", craint-il.

Ce professeur émérite à l’Ecole pratique des hautes études estime que les politiques abordent le sujet de la religion avec un regard biaisé : "Les gouvernants privilégient les institutions. Ils n’ont toujours pas compris que les pratiques religieuses se sont individualisées et que les catholiques français entretiennent un rapport de liberté avec leur Eglise." Selon lui, c’est la difficulté, pour le politique, de construire un projet d’avenir qui "entraîne un repli identitaire réofficialisant de façon rampante des "racines chrétiennes"". Cela s’est accentué avec Nicolas Sarkozy, mais avait débuté avec Lionel Jospin, qui a institué, en 2002, un "dialogue institutionnel" avec le catholicisme.

Maryline Baumard et Christian Bonrepaux