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"Les stagiaires de la fonction publique de l’Etat pourront être sous contrat de travail", par Francine Aizicovici, Le Monde, 14 août 2009

jeudi 20 août 2009, par Elie

Un décret publié le 21 juillet prévoit qu’ils pourront être rémunérés au-delà du smic

Tout travail mérite salaire. Mais un stage est-il un travail ? Si des employeurs du secteur privé semblent le croire en recourant à des stagiaires pour pourvoir des emplois, cette dérive risque aussi de survenir, désormais, dans la fonction publique. C’est du moins la crainte exprimée, le 10 août, par l’Association des stagiaires de la fonction publique (ASMI), après la publication d’un décret, le 21 juillet, relatif aux modalités d’accueil des stagiaires de l’enseignement supérieur dans la fonction publique de l’Etat, et de sa circulaire d’application du 23 juillet.

Ce décret, entré en vigueur rétroactivement au 1er juillet, prévoit notamment le versement obligatoire d’une gratification pour les stages de plus de deux mois. Le but, précise-t-on au le ministère de la fonction publique, est de " mettre fin à des pratiques hétéroclites. D’un ministère à l’autre, des stagiaires recevaient une gratification, d’autres pas, etc. ".

Le montant minimal de cette gratification, qui constitue une dépense de fonctionnement et non de personnel, est aligné sur celui du secteur privé : 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 398,13 euros par mois (environ un tiers du smic), seuil au-delà duquel s’éteint l’exonération de charges sociales. L’ASMI, qui réclamait cette mesure " depuis des années, est satisfaite ".

En revanche, la circulaire fait débat. Il est prévu que si " l’activité professionnelle (...) le justifie ", l’employeur public " peut prévoir une rémunération d’un montant supérieur (...), y compris au-delà du smic ". Il s’agit alors d’une " rémunération " versée " dans le cadre d’un contrat de travail, distinct de la convention de stage ". Cette rémunération constitue " une dépense de personnel ".

Stage et emploi ? " C’est bien, car cela donne au stagiaire les garanties liées au statut contractuel et notamment la possibilité de cotiser pour la retraite ", estime Gilles Oberrieder, de l’Union générale des fonctionnaires CGT.

Mais pour Brigitte Jumel, secrétaire générale de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CFDT, " ce mélange des genres n’est pas possible et constitue un danger " dans un contexte de réduction des emplois publics. " Soit c’est un contrat de travail dans le cadre d’une formation et c’est de l’apprentissage, dit-elle. Soit c’est un stage, et alors ce n’est pas un contrat de travail ". " Cette notion de contrat de travail nous dérange, ajoute l’ASMI. Un tel stage risque de concurrencer des emplois. "

Le ministère écarte cet argument : " Le statut de la fonction publique ne permet pas de confier à des personnels contractuels des missions de service public normalement effectuées par des agents titulaires, sauf sur des compétences dont on ne dispose pas. " Certes, mais depuis la loi de 1984, il autorise le recours à des personnels contractuels pour des besoins saisonniers ou occasionnels, " qui sont quand même des emplois ", fait valoir l’ASMI. Et c’est précisément dans ce cadre que seront réalisés ces stages-contrat de travail. La fonction publique " fait déjà une utilisation abusive de la loi de 1984 ", admet M. Oberrieder, pour qui il faudrait résoudre ce problème si l’on veut " aussi éviter l’abus des stages ".

Ce risque est d’ailleurs peut-être accru depuis la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, car désormais, un fonctionnaire momentanément absent pourra être remplacé par un agent contractuel.

Mais pour cette juriste en droit social, cette circulaire est " finalement plutôt honnête. Elle remet les pendules à l’heure en avertissant les responsables que si, pour attirer des stagiaires, ils leur offrent le smic, ce sera dans le cadre d’un contrat de travail, avec les conséquences pécuniaires que cela entraîne, dont l’affectation aux dépenses de personnel et, le cas échéant, le règlement des allocations chômage à l’issue du contrat par la fonction publique ". Ce qui pourrait avoir un effet dissuasif sur les recruteurs.

Francine Aizicovici

Pas de prise en charge obligatoire des frais de trajets

Outre la gratification, le décret du 21 juillet relatif à l’accueil des stagiaires dans la fonction publique de l’Etat prévoit que les frais de trajet entre le domicile de l’étudiant et son lieu de stage " peuvent être pris en charge " par l’établissement. Dommage que ce ne soit pas obligatoire, regrette l’Association des stagiaires de la fonction publique (ASMI), cela " diminuerait la discrimination géographique subie par le jeune " habitant loin du coeur de Paris, où sont généralement les administrations centrales.

La circulaire d’application demande, par ailleurs, aux administrations d’assurer " une publicité des offres de stages par voie électronique ", par exemple sur la Bourse interministérielle de l’emploi public (biep.gouv.fr) où une rubrique " stages " a bien été créée. Mais, le 12 août, en tentant d’accéder à cette page, on obtenait : " Page non trouvée ".