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Lettre du président de la CPU à V. Pecresse et L. Chatel concernant la réforme de la formation des enseignants (2 octobre 2009)

vendredi 9 octobre 2009, par Laurence

Madame La Ministre, Monsieur le Ministre,

Favorable à une élévation du niveau de formation des futurs enseignants, la CPU considère que la réforme de leur formation et de leur recrutement est un enjeu majeur pour notre société comme pour l’Université. C’est pourquoi elle est très attentive aux réflexions menées au sein des groupes de travail mis en place par vos deux ministères sur les différents masters et concours au début du mois de septembre.

Elle considère que le travail réalisé par le groupe inter-conférences universitaires est une base de réflexion incontournable pour la réflexion en cours. Si elle déplore la publication prématurée des décrets qui ne permet pas d’explorer toutes les hypothèses initialement proposées, elle attend que les groupes de travail prennent en compte – dans leurs réflexions et analyses - les propositions formulées dans ce rapport.

Nous tenons en particulier à souligner les points suivants :

1) Dans cette réforme, la concomitance de la formation et du concours et la différence fonctionnelle de l’une et de l’autre posent de très nombreux problèmes. Il n’y a donc pas d’issue possible sans une intrication forte des préparations aux concours et des masters. Cela signifie que certaines épreuves de concours doivent pouvoir s’appuyer sur le travail réalisé en cours de master, et que les épreuves du concours doivent pouvoir vérifier plusieurs des quatre types de compétences nécessaires : disciplinaire, didactique, ouverture à la méthode de la recherche et connaissance de l’environnement socio-économique. Ce point est essentiel si nous voulons éviter que « concours » et « master » n’apparaissent en concurrence l’un avec l’autre, pour les étudiants comme pour les enseignants, ce qui a été l’an dernier l’une des causes majeures des oppositions à la réforme.

2) Les universités seront attentives à ce que la réforme des concours prenne en compte la qualité de la formation de master et respecte les principes généraux d’organisation de ces cursus universitaires, qu’il s’agisse de l’organisation en semestre ou de la cohérence attendue d’un master en deux ans. C’est pourquoi nous avons fait des propositions précises en étudiant une à une toutes les solutions, leurs avantages et leurs inconvénients.

3) Les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette réforme ont alimenté un discours selon lequel les seuls objectifs du MEN auraient été l’économie d’une année de suppression de postes de fonctionnaires-stagiaires en 2010. Nous sommes persuadés que vous n’adhérez pas à cette vision et aurez à cœur d’affirmer l’importance de la formation pour la Nation et de prouver que vous n’opposez pas la formation disciplinaire et la formation professionnelle. C’est pourquoi la qualité des stages, de leur préparation, de leur suivi, leur positionnement dans la formation et leur prise en compte dans le concours doivent être un point fort de ces masters. Il serait inconcevable que les stages deviennent une contrainte qui en affaiblisse la qualité ou en fragilise l’organisation.

4) Pour un enseignant du XXIème siècle, l’initiation à la recherche n’est pas un supplément d’âme, ni une concession à ceux qui ont peur que les masters recherche pâtissent de cette réforme. Nous considérons au contraire que l’apprentissage de la recherche, de sa méthodologie et des formes de son transfert sont essentiels pour la qualité et l’évolution de l’enseignement, à tous les niveaux. C’est pourquoi il est indispensable que l’initiation et la participation à la recherche soient considérées comme une véritable formation professionnelle, nécessaire à l’exercice du métier d’enseignant et à sa capacité d’évolution.

5) La CPU est fermement opposée à ce que la réforme de la formation des maitres aboutisse à la multiplication d’étudiants ayant réussi le Master mais échoué au concours, qui viendraient abonder les rangs des contractuels de l’Education Nationale. Or, le risque est grand, en tout cas pour le premier degré. Il est donc indispensable que la question de la gestion des flux soit traitée de façon responsable, pour nos masters et pour les jeunes.

6) Enfin, au moment où le président de la République fait du dossier de la jeunesse une de ses priorités, nous ne comprendrions pas que l’enseignement ne soit pas à nouveau présenté comme un horizon désirable, au même titre que l’accès aux classes préparatoires ou aux grandes écoles. Au-delà des bourses prévues pour tous les étudiants et de la rémunération des stages, il faudra donc inventer des « cordées de la réussite pour les métiers de l’enseignement » qui donnent envie à des jeunes méritants, issus de milieux défavorisés, de s’engager dans cette voie.

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, cette longue lettre témoigne de l’importance de ce dossier pour la CPU et plus globalement pour l’université. En un sens, ceci prouve aussi combien l’intégration des IUFM dans les universités a été une réussite, même s’il devient maintenant urgent de réfléchir à l’évolution de ces écoles internes, à vocation interuniversitaire.
Les universités se sentent aujourd’hui pleinement responsables de la formation des maîtres comme de celle des médecins et bientôt des professions paramédicales. Mais cela ne va pas sans exigences fortes que nous sommes certains que vous partagez avec nous.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, en notre plus haute considération.

Lionel COLLET
Président de la CPU