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Universités : où en est l’autonomie ? - Philippe Jacqué, "le Monde", 12 octobre 2009

lundi 12 octobre 2009, par Jean-Pierre

Adoptée le 9 août 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) aborde sa troisième année de mise en place après avoir survécu à deux mouvements d’ampleur. Celui des étudiants à l’hiver 2007-2008, puis des universitaires au printemps 2009. Si pour la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, "l’autonomie avance", une partie de la communauté universitaire reste sceptique et redoute toujours les effets de cette loi. Ces derniers sont toutefois encore très difficiles à évaluer, car le passage à l’autonomie, et notamment aux "compétences élargies" en matière comptable et de ressources humaines, est un processus lent et long, que les universités abordent aujourd’hui en ordre dispersé.

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La LRU a entraîné la modification du statut des enseignants-chercheurs, qui a motivé le long mouvement du printemps 2009. Mais elle a également réformé les modalités de leur recrutement. Aux "commissions de spécialistes" qui recrutaient chaque année l’ensemble des nouveaux universitaires se sont substitués des "comités de sélection" ad hoc, désignés par les conseils d’administration (CA). En 2009, 2 700 universitaires ont été recrutés par ce biais, mais les présidents critiquent la lourdeur de cette "usine à gaz" qui nécessite de nombreuses délibérations du CA et la participation de professeurs extérieurs. Les syndicats critiquent, pour leur part, les décisions de certains CA ou de présidents en matière de recrutement.

L’organisation en question.

En 2008, les 83 universités ont adopté de nouveaux statuts et réduit la taille de leur conseil d’administration (CA). Le nouveau conseil est beaucoup plus resserré (de 20 à 30 membres, contre 40 à 70 auparavant) et plus puissant. Il est devenu l’instance de pilotage de l’établissement et définit sa stratégie. Mais ce nouveau CA a été également très critiqué : il serait trop restreint pour représenter les différentes sensibilités de la communauté universitaire, notamment l’éventail des disciplines.

Mode de scrutin problématique.

En optant pour le scrutin de liste, avec prime à la liste majoritaire, la loi, dans certains cas, a facilité l’élection de conseils "monocolores", laissant un poids marginal aux listes d’opposition. Dans d’autres cas, et du fait de l’existence de deux "collèges électoraux" pour les universitaires (un pour désigner les sept postes de professeurs, l’autre pour les sept postes de maîtres de conférences), la majorité du président élu est fragile et ne s’appuie que sur les élus des personnels non enseignants et des étudiants. "Le mode électoral n’est pas adapté à l’université et doit être revu", conclut Khaled Bouabdallah, président de l’université de Saint Etienne. "La gouvernance est encore perfectible", confirme Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d’université (CPU).


Les pouvoirs du président.

C’est la principale critique opposée aux nouveaux statuts. Elu par le CA, le président centralise l’essentiel des pouvoirs. Selon un arrêté publié cet été, les présidents ont le dernier mot en matière de gestion des recrutements, des carrières des universitaires, de l’octroi de congés de recherche, etc. Des "pouvoirs exorbitants", dénonce le Snesup (FSU), syndicat majoritaire chez les enseignants-chercheurs. "Ces pouvoirs autrefois assurés par le ministère ont été délégués aux universités désormais autonomes. C’est une facilitation rendue aux enseignants-chercheurs et non une menace", assure, pour sa part, Lionel Collet. "Si un président ne joue pas la collégialité, il risque d’avoir des problèmes. On ne peut pas gouverner contre sa communauté", renchérit Jean-Loup Salzmann, président de Paris-XIII-Villetaneuse. A Paris-VII, le président Vincent Berger a passé un "contrat de gouvernance" avec les universitaires afin de restaurer la confiance au sein de l’établissement.

Compétences élargies.

Depuis le 1er janvier 2009, les universités peuvent bénéficier de "compétences élargies" en matière de gestion de la masse salariale et des ressources humaines. "Après les dix-huit universités pionnières de 2009, trente-trois autres entreront dans le dispositif en 2010. Pour moi, cela prouve l’attractivité de la loi", résume Lionel Collet. La trentaine d’universités restante devront suivre en 2011 et 2012. "Il a fallu beaucoup travailler pour se mettre à niveau et maîtriser les nouveaux outils", assure Alain Brillard, président de l’université de Haute Alsace. "S’il y a eu dans un premier temps des difficultés avec les rectorats, cela va mieux. Tout le monde apprend en marchant", estime Khaled Bouabdallah.

La maîtrise de la masse salariale et des ressources humaines permet à l’université de dégager des marges de manoeuvre pour conduire sa propre politique en matière de recrutement, décharges de services, primes, etc. "Je prépare un plan pluriannuel d’une soixantaine de titularisations de personnels actuellement vacataires", indique Jean-Loup Salzman. Selon la CPU, les dix-huit universités entrées dans la réforme en 2009 ont déjà créé 85 postes.

Gestion de l’immobilier.

Dernier volet de l’autonomie, sa dévolution aux universités reste facultative. Seules neuf d’entre elles l’ont, pour l’instant, réclamé, ce qui s’explique par la lourdeur et la complexité du dossier. La CPU souhaite qu’une réflexion soit menée avec les régions, qui ont massivement financé les constructions universitaires ces dernières années. Reste que si l’Etat souhaite une application de la loi, il devra maintenir jusqu’en 2012 l’effort d’augmentation du budget de l’enseignement supérieur entamé en 2008 : un milliard d’euros supplémentaires par an.

Philippe Jacqué