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"Néo-entrants en L1 : +5,7%", Histoires d’universités, Blog de P. Dubois, 29 mai 2010

mardi 1er juin 2010, par Martin Rossignole

Pour lire cet article sur le blog de Pierre Dubois

Pierre Arnoux est professeur de mathématiques à l’université de la Méditerranée et blogueur : “Attirer en Sciences“. Il s’est procuré à la DEPP les données d’inscription à l’université pour l’année 2009-2010. Espérons que la Note d’information sur le sujet paraîtra avant les vacances d’été ! Ce n’est pas sûr du tout : la Direction des études statistiques de la DGESIP ne se précipite pas pour publier de nombreuses Notes d’information.

Première surprise ! Le nombre total d’étudiants inscrits à l’université en 2009-2010 est en progression de 2,9% par rapport à 2008-2009 ; l’augmentation concerne toutes les disciplines, y compris les sciences ; seul le nombre d’inscrits en IUFM diminue (-6,4%).

Seconde surprise. Le nombre de néo-entrants en 1ère année de licence est en progression de 5,7% par rapport à l’année précédente : 262.000 entrants en L1 en 2008, 277.000 en 2009. L’augmentation dépasse les 10% en Administration économique et sociale, en Sciences humaines et sociales, en STAPS ; à l’inverse, la pharmacie enregistre une baisse de ses néo-entrants de plus de 10%.

Pierre Arnoux comme moi, nous nous attendions à une nouvelle diminution des entrants en 1ère année de licence. Le mouvement enseignant et étudiant du second semestre de l’année 2008-2009 n’avait-il pas terni fortement l’image de l’université ? De plus, ”fuir la licence” est un fait observé depuis 2000 et confirmé par plusieurs Notes d’information de la DEPP. Il faudrait donc se féliciter de cette inversion de tendance.

Dans la chronique du 15 avril 2010, j’écrivais : “les bacheliers fuient l’université“. “Pour les bacheliers 2008, le taux moyen de poursuites à l’université est de 43,5% : 53,8% pour les bacheliers généraux (59,6% en 2000, 56% en 2007), de 20,9% pour les bacheliers technologiques (24,6% en 2000, 21,2% en 2007), de 20% pour les bacheliers professionnels (37,2% en 2000, 23 % en 2007). Comment expliquer le changement de cap en 2009 ? Pourquoi davantage de bacheliers prendraient-ils le chemin de l’université ?

Note méthodologique. Qu’est-ce qu’un néo-entrant ? Dans toutes les enquêtes de la DEPP, il s’agit d’un bachelier qui poursuit immédiatement des études supérieures après son bac. Autrement dit, un bachelier qui n’entreprend des études supérieures qu’un an après l’obtention du bac n’est pas un néo-entrant. Je suppose que la DEPP n’a pas changé la définition du néo-entrant, que la population de référence (les bacheliers de l’année) demeure la même.

Explorons plusieurs hypothèses pour essayer de comprendre la progression de 5,7% en L1 universitaire.

1. Les bacheliers 2009 auraient été moins nombreux à entrer dans les filières sélectives. Ce n’est pas le cas. Les Sections de techniciens supérieurs (chronique de ce blog du 22 avril, “Plus de bacs pros en STS“), à la rentrée 2009, ont accueilli 19,2% de bacheliers professionnels en plus. Progression également des entrants en IUT : +1,7%. Pas de données encore sur les CPGE. Notons que la progression 2009 a donc été plus importante en L1 qu’en STS et qu’en IUT : capacités d’accueil insuffisantes dans les filières sélectives ? Je ne le pense pas.

2. Les +5,7% ne seraient-ils pas dûs à une demande plus forte de poursuites d’études supérieures ? La réponse pourrait être ”oui” et pour plusieurs raisons. La première est : les bacheliers 2009 ont été plus nombreux que les bacheliers 2008 (+3,9%). A taux constant de poursuite d’études supérieures après le bac de la part de ces bacheliers, il est logique que les néo-entrants dans le supérieur soient plus nombreux. Toutefois, la progression de bacheliers en 2009 (+3,9%) ne peut expliquer l’importance de la progression en L1 (+5,7%).

3. Les +5,7% ne seraient-ils pas dûs à une progression du taux de poursuites d’études immédiates après le baccalauréat ? Il faudrait s’en féliciter : l’objectif de la loi de 2005 est de porter à 50% le taux de diplômés du supérieur dans les générations jeunes. Or, le taux de poursuite immédiates d’études après le bac avait diminué ces dernières années ; l’inversion de tendance serait une bonne nouvelle. Elle concernerait surtout l’université, faute, sans doute / peut-être, de capacités d’accueil suffisantes dans les filières sélectives.

Mais se pose tout de suite la question : pourquoi une inversion de tendance ? pourquoi un changement de comportement d’une partie des bacheliers ? Bien évidemment, chacun pense à un effet du marché du travail : plus de poursuites d’études pour éviter de galérer dans un marché du travail hyper-dur pour les jeunes. Comment prouver que cette hypothèse est la bonne ? Il n’y a qu’une méthode pour la confirmer ou l’infirmer : c’est celle du suivi de la cohorte des bacheliers 2009, de l’enquête auprès d’eux. Hélas, la DEPP ne mène plus de suivis de cohorte (la dernière est celle des bacheliers 2004).

Si c’est l’état dégradé du marché du travail des jeunes qui explique le regain d’attractivité de l’université, il faut s’interroger sur sa pérennité… Sauf que le marché du travail pour les jeunes ne semble pas prêt de s’embellir ! Le pire serait que la France atteigne 50% de diplômés du supérieur parmi les jeunes parce que le marché du travail les pénalise, les sacrifie. On reparlerait alors d’universités “parkings à chômeurs”.