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10e mois de bourse : caramels, bonbons et chocolats… Communiqué de SLU – 12 juillet 2010

jeudi 15 juillet 2010

« Victoire » du syndicalisme étudiant que l’octroi d’un 10e mois de bourse ? Rien n’est moins sûr, on le sait depuis longtemps. Le Ministère de l’ESR a fait parvenir récemment aux universités un cahier des charges pédagogique et administratif conditionnant leur éligibilité à un 10e mois de bourse qui se révèle à peu près inapplicable (ce que le C.A. de l’université Paris Ouest-La Défense a récemment souligné dans une motion). Mais la non application de l’inapplicable doit bien entendu être imputée aux établissements, et le MESR, lui, n’y est pour rien ! Explications.

- un calendrier intenable : en envoyant au mois de juin ce cahier des charges portant essentiellement sur les rythmes universitaires, le MESR a fait le choix d’une date dans bien des cas postérieure à celle où les établissements ont déjà arrêté leurs calendriers pour l’année 2010-2011. Ainsi, toutes les sessions d’examen (hors soutenance de rapports de stages) doivent avoir lieu « avant la fin du mois de juillet », ce qui suppose, compte tenu du temps de correction et de traitement administratif des résultats, et du fait que bon nombre d’étudiants travaillent à compter du 1er juillet, que les examens se terminent fin juin. Combien d’établissements ont déjà déplacé la traditionnelle session de septembre vers le mois de juin ? De plus, le cahier des charges impose de fixer « la date de fin de présence obligatoire des étudiants […] au moins 10 mois après la date de prérentrée ». Si cette date de fin de présence ne peut aller au-delà du 30 juin, un calcul simple exclut de facto tous les établissements qui ont fixé la date de leur prérentrée au-delà du 1er septembre 2010.

- la tartufferie manifeste : le même cahier des charges invite les établissements à adopter des rythmes universitaires « plus respectueux du bien-être des étudiants » : ainsi les établissements devraient-ils « ménager une pause déjeuner d’au moins une heure », échelonner les « sorties de cours afin d’éviter les files d’attente dans les restaurants universitaires », mieux répartir les cours sur la semaine « de façon à limiter la durée quotidienne d’enseignement » etc. Personne ne pourrait s’opposer à ces vertueux principes, qui sont cependant inapplicables dans bon nombre d’établissements du fait de la pénurie de locaux d’une part et du sous-encadrement administratif d’autre part,. Mais le comble de la tartufferie consiste à ignorer que nombre d’étudiants travaillant, ils ne peuvent faire d’études qu’en concentrant leurs cours sur quelques journées longues. Ainsi, tandis que le financement de ce 10e mois de bourse est toujours incertain, il sera possible au MESR de trier le bon grain de l’ivraie, et de n’accorder un 10e mois de bourse qu’aux étudiants des établissements « respectueux de leur bien-être »… c’est-à-dire aux rares établissements bénéficiant de locaux et de personnel suffisants. On ne prête qu’aux riches.

- le chantage évident : le cahier des charges est conditionné à la « mise en œuvre des préconisations du plan « Réussir en licence ». dont nombre d’enseignants-chercheurs ont déjà dit tout le bien qu’ils pensaient et dont on ne sait combien de temps il sera financé. Les grands principes dudit plan, parmi lesquels figurent en bonne place le renforcement de « la préparation à l’insertion professionnelle (projets personnels et professionnels, modules de découverte professionnelle) » et la répartition des « stages sur toute l’année » obligent ainsi les établissements à rentrer dans le rang, à assimiler formation professionnelle et employabilité, et à multiplier les stages « professionnels » des étudiants dès la L1. Aux universités récalcitrantes, ou simplement soucieuses d’une réflexion pédagogique plus avancée, le MESR pourra répondre « bernique », tandis qu’il réservera sa dotation aux zélotes du « PRL »,fervents des directives gouvernementales pourtant contraires à l’intérêt des étudiants. Le critère d’un « bien-être », illusoire pour la majorité des établissements, prend le pas sur la qualité réelle de la formation.

- l’arnaque patente : pour honorer une promesse du président de la République dont la réalisation est depuis longtemps réclamée par les syndicats étudiants (et bien d’autres), le MESR oblige les universités à allonger considérablement la durée de travail des personnels enseignants et administratifs. L’emploi du temps à venir des universitaires s’étendra ainsi du 20 août (rentrée administrative et pédagogique, pour accueillir les étudiants le 1er septembre) au 25 ou 30 juillet (début des vacances d’été, car il aura bien fallu corriger les examens qui se seront tenus jusqu’au 30 juin, saisir les notes, tenir les jurys etc.). Conclusion : le temps de congé estival est ramené à un mois (au plus). Or c’est, pour les enseignants-chercheurs, à peu près la seule période pendant laquelle ils peuvent se consacrer à leur recherche, laquelle, est-il besoin de le rappeler, est désormais soumise à une évaluation-couperet. La recherche en France ne s’en trouvera pas améliorée. Nos voisins européens, sans parler des Américains, avec lesquels on nous met désormais en concurrence directe disposent pour leur part de périodes dans l’année réservées exclusivement au travail de recherche.
En d’autres termes, le temps consacré à l’enseignement et l’administration est allongé (11 mois, au moins, de présence effective) au détriment de celui dédié à la recherche, tandis que le nombre de semaines de cours demeure inchangé. L’amélioration de la formation des étudiants ne doit-elle pas passer au contraire par l’accroissement : - du volume horaire des cours -des conditions financières qui permettent aux étudiants de se concentrer sur leur études ; - du nombre de postes d’enseignants-chercheurs comme de personnels administratifs et techniques permettant ainsi un encadrement scientifique et pédagogique digne de ce nom. Redisons en outre que le salaire d’un enseignant, d’un enseignant-chercheur (et, par alignement, d’un chercheur) est calculé sur 10 mois et redistribué sur 12 : si les universitaires sont payés, à grade égal par rapport aux autres cadres de la fonction publique, 10 mois, c’est que précisément ce temps de vacance (sans s) devrait être consacré à la préparation des cours, conversion et approfondissement thématique, recherche, activités internationales.


Ce cahier des charges constitue donc un habile tour de passe-passe qui permet simultanément d’adapter le généreux octroi d’un 10e mois de bourse aux maigres marges budgétaires publiques, de rejeter sur les établissements qui n’auront pas respecté un cahier des charges ubuesque la responsabilité de la paupérisation des étudiants, d’imposer la conception purement tournée vers l’employabilité de la formation universitaire, et, last but not least, de poursuivre le chantier de destruction du métier d’enseignant et de chercheur.

Bonnes vacances !