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Lettre de la CPU n° 63 - 11 février 2011

vendredi 11 février 2011, par Mathieu

Pour lire cette lettre sur le site de la CPU

A la recherche des universités...

Un numéro spécial de la revue du « Mouvement social » sur les mutations de la science et des universités en France depuis 1945, un colloque « Université et Territoires » organisé conjointement par les Maisons des sciences de l’homme de Nantes et de Rennes, il semblerait qu’en ce début d’année 2011, à la veille des bouleversements profonds que les investissements d’avenir vont imprimer au paysage national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le besoin n’a jamais été aussi grand que se développent, s’expriment et se confrontent les recherches et les travaux sur les universités.

Le besoin est à la mesure du retard pris par notre pays en matière de recherche sur les universités, comme si les universitaires et les chercheurs français avaient eu, depuis des années, scrupule à prendre pour objet de recherche les lieux dans lesquels ils exercent. Compte tenu de la part que prennent les universités dans le développement d’une société de la connaissance, dans la vitalité et l’attractivité de nos territoires, nous avons besoin que nos chercheurs, en particulier en sciences humaines et sociales, que l’on peut à juste titre craindre de voir négligées dans les différents appels à projets de l’emprunt national, se penchent sur nos universités. Il s’agit, grâce à des démarches scientifiques et rigoureuses, d’améliorer notre compréhension de tout ce qui permet de renforcer les différentes missions de service public que la loi leur confie.

Avec ses partenaires des EPST, des associations de collectivités territoriales, de la Caisse des Dépôts, avec le concours du RESUP, avec le réseau des Maisons des sciences de l’homme, avec toutes les compétences qui, au sein de nos établissements, ne demandent qu’à s’exprimer, la Conférence des Présidents d’Université, avec l’appui de l’Amue, est prête à susciter et à valoriser les recherches qui permettront une meilleure connaissance des universités et de leurs interactions avec leur environnement.

Les colloques récents le démontrent, notre démarche ne peut être seulement nationale, ni même seulement européenne. Dans tous les pays, la politique de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche conjugue, selon des dosages variables, les efforts de l’Etat, des collectivités territoriales, des acteurs économiques et sociaux, des universités elles-mêmes. Notre communauté scientifique doit apporter son expertise à tous ceux qui sont prêts à s’investir pour l’avenir de notre système d’enseignement supérieur et de recherche – qui est aussi celui de notre pays.

Elsevier : une négociation longue et difficile

La négociation avec l’éditeur Elsevier pour l’accès aux revues scientifiques de la collection Freedom qui comprend plus de 1600 titres vivants, dont une grande partie de titres incontournables pour la recherche, a abouti à un accord qui doit être finalisé juridiquement par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES), porteuse du groupement de commandes constitué pour cette négociation. Le comité en charge du projet, composé des grands EPST et animé par le Consortium universitaire de publications numériques (Couperin), a conduit une négociation longue et difficile.

L’éditeur Elsevier est l’un des tous premiers éditeurs scientifiques mondiaux, sa position quasi-monopolistique sur le marché de l’information scientifique et technique le rend incontournable. Son modèle économique de commercialisation repose sur le maintien du chiffre d’affaire historique des abonnements papier des établissements auquel s’ajoutent plusieurs surcoûts électroniques. Le chiffre d’affaire global pour la France est marqué par une augmentation contractuelle continue (2008 et 2009 : 6%, 2010 : 5,5%) et sur le quasi maintien du périmètre des clients. Ce modèle est unanimement contesté par tous les clients, en France comme à l’étranger, il fige des situations tarifaires entre les établissements sans réelle justification et enferme les bibliothèques dans une spirale inflationniste en complet décalage avec l’évolution des crédits.

Un nouveau modèle économique est promis par l’éditeur depuis maintenant plus de 4 ans sans que le stade de l’effet d’annonce ne soit dépassé. Nous avons donc dû nous placer dans le cadre de l’ancien modèle et, au terme d’une très longue négociation, avons obtenu des acquis sur certains aspects importants.
Le premier est la propriété de l’ensemble des titres de la Freedom collection sur la période 2001-2013 pour tous les membres du groupement. Auparavant chacun n’avait en fin de contrat que la propriété des titres souscrits correspondant à son propre chiffre d’affaire.
Le second consiste en l’engagement contractuel de l’éditeur de présenter un nouveau modèle économique finalisé fin 2012, celui-ci sera expérimenté dès 2011 par un groupe d’établissements tests pilotés par Couperin. Si le modèle n’est pas disponible les établissements qui le souhaitent pourront ne pas renouveler leur contrat en 2013.
Le troisième point permet de favoriser la migration des collections vers le tout électronique. Il consiste en une compensation par Elsevier du changement du taux de TVA (passage de 5,5% pour le papier à 19,6% pour le numérique), au moyen d’une remise de 15% pour le passage au e-only et la fourniture gratuite de deux exemplaires papier de la collection complète (Freedom collection) pour conservation notamment dans les bibliothèques disposant d’un Centre d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique (CADIST).
Le quatrième point aborde la question des Archives Ouvertes : parallèlement à ce contrat, Elsevier s’est engagé à mener plusieurs expérimentations de fourniture de métadonnées et de transmission des articles publiés dans leur version auteur pour les archives institutionnelles. Ces expériences seront pilotées par Couperin avec plusieurs partenaires et vont prochainement être finalisées.
Le cinquième acquis porte sur la prise en compte des PRES avec l’intégration dans le contrat des membres fondateurs non clients avec des conditions tarifaires préférentielles. Etonnamment peu de PRES ont saisi cette opportunité d’intégrer largement de nouveaux membres, en particulier des écoles.

Enfin concernant l’épineuse question financière, les augmentations annuelles ont été abaissées et sont inférieures au précédent contrat sans atteindre nos revendications. Des diminutions ont été obtenues pour le groupement principalement pour le CEA, le CNRS et l’UPMC en argumentant sur les aberrations du modèle commercial appliqué à certains clients ou sur les conditions historiques de constitution du portefeuille de titres.

Pour l’avenir, Couperin considère que ce marché est le dernier de ce type avec Elsevier. L’éditeur doit faire la preuve de sa réelle volonté de passer à une autre logique de commercialisation, avec un système plus équilibré. Un établissement doit pouvoir librement décider de dépenser moins chez Elsevier sans pour autant avoir une offre totalement dégradée. La flexibilité des offres à la fois au niveau tarifaire mais aussi en termes de contenus doit être à la base du nouveau modèle. Il doit être multifactoriel et prendre en compte à la fois les effectifs des enseignants chercheurs, les disciplines, l’utilisation des ressources et les collections proposées. Si le nouveau modèle ne devait être qu’une nouvelle forme de contrainte vers le tout ou rien, ou s’il devait ne pas voir le jour, il est certain qu’aucun accord ne pourra être trouvé, et que les communautés scientifiques qui se sont saisies des questions d’IST réagiraient avec force en montrant vigoureusement leur exaspération.

Grégory COLCANAP - Coordonnateur du consortium COUPERIN

Les coûts complets au service du pilotage

« La comptabilité analytique est un outil de gouvernance indispensable aux établissements tant par les informations qu’elle fournit, de nature à contribuer à les aider à maîtriser leur développement et leur autonomie, qu’en tant qu’élément d’appui dans leur démarche d’ouverture renforcée avec le monde économique. Afin d’aider au développement de la comptabilité analytique en France, la comparaison avec les pratiques dans d’autres pays est un facteur facilitateur déterminant. »
C’est une des conclusions que Sophie Bejean, présidente de la Commission des Moyens et des Personnels de la CPU, tire à la fin d’une conférence organisée par l’EUA (European University Association), l’Amue et la CPU le 14 janvier 2011.

Cette journée faisait partie d’un projet de l’EUA sur le thème du ‘full costing’ comme instrument de pilotage. Son objectif est de contribuer à améliorer les pratiques de pilotage et de gestion des universités, notamment en s’appuyant sur les meilleures pratiques issues d’exemples internationaux. De nombreux établissements d’enseignement supérieur et de recherche en Europe ont développé ou sont en train de développer un système de comptabilité analytique afin de mesurer le coût complet de leurs différents projets et activités. Selon un sondage réalisé par l’EUA auprès de ses membres, le but principal de ces établissements est l’amélioration de leur pilotage. Des facteurs externes, tels que l’obligation d’aller vers un système de coûts complets dans le cadre de projets de recherche européen ou les contraintes du système de financement national, jouent également un rôle dans le développement d’un tel système.

L’Amue et la CPU ont été choisies par l’EUA comme coorganisatrices de cet événement qui a rassemblé environ 110 experts universitaires (présidents, vice-présidents, secrétaires généraux, responsables des services centraux etc.). La Grande Bretagne, la Suède, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande ont présenté des expériences très concrètes de l’introduction des coûts complets au sein de leurs universités.
Il a été souligné que le développement d’un système de comptabilité analytique est un projet à moyen terme et que les bénéfices doivent s’apprécier sur le même horizon. Du reste, les témoignages démontrent que les systèmes sont toujours en adaptation même si un long chemin a d’ores et déjà été parcouru. L’université d’Oxford a par exemple commencé à introduire le système à partir de 1997 et le travail n’est pas entièrement fini aujourd’hui. Ils ont également précisé que les coûts directs de l’introduction d’un tel système ont été estimés à environ 600 000€. Selon le représentant de l’université portuguaise de Coimbra, quelques années après son introduction, la comptabilité analytique facilite les négociations financières avec des partenaires extérieurs et contribue ainsi à assurer sa pérennité financière dans un contexte de grande instabilité.

Concernant la démarche d’implantation, un engagement fort du président et de son équipe est indispensable. Dans la phase d’initialisation, la comptabilité analytique demande des efforts de communication, voire de persuasion. Il s’agit notamment d’expliquer et de lever les doutes quant aux finalités de sa mise en place. D’argumenter que la mise en place des coûts complets n’induit pas un pilotage par les coûts : ‘full costing’ ne signifie pas ‘cost killing’. L’objectif est de mesurer les répercussions financières des décisions à prendre. Comme l’a dit Louis Vogel, le président de la CPU, dans son introduction à la journée : « Il faut garder à l’esprit que cette donnée analytique ne représente qu’un des éléments du choix. Nous sommes avant tout des universitaires qui prenons nos décisions de façon prioritaire sur des critères pédagogiques et scientifiques. »

Un point clé de la mise en œuvre des coûts complets est la question des feuilles de temps, c’est à dire de l’enregistrement des activités des personnels. Des systèmes allant du forfait, à la déclaration régulière (semestre par exemple) en passant par des mises à jour annuelles ou trisannuelles ont été présentés. L’EUA préconise une approche pragmatique sur cette question, en évitant une démarche trop détaillée.

Dans ses conclusions Sophie Bejean plaide pour une cohérence entre les outils de pilotage et le modèle de financement des universités : une identification des coûts complets de la formation et de la recherche permettrait de fonder un modèle de financement des universités reposant sur les besoins des établissements.

La CPU et l’Amue continueront de diffuser largement les expériences et les bonnes pratiques étrangères en matière de comptabilité analytique, car la mutualisation au plan international est nécessaire.

L’Amue a présenté son programme de travail pour 2011 sur ce sujet et a notamment annoncé la tenue d’un cycle de conférences au début du mois de février.

Les présentations de la journée du 14 janvier et des informations complémentaires sont disponibles sur le site de l’EUA.

Pour des informations concernant les séminaires prévus par l’Amue, consultez le site amue.fr

Rencontre avec les membres de la CP2U...

3ème article présentant la nouvelle CP2U élue le 16 décembre dernier. Cette semaine, rencontre avec Alain Brillard, président de l’Université de Haute Alsace, élu pour la 2ème fois au sein du CA de la CPU.

Pourquoi avez-vous choisi de vous représenter au CA de la CPU ?

Dès mon élection en tant que président de l’Université de Mulhouse en 2007, j’ai bénéficié des réflexions menées au sein des commissions ou des plénières de la CPU, alors que le contexte de l’enseignement supérieur français évoluait très fortement. Ces réflexions m’ont beaucoup aidé et m’aident toujours dans ma fonction de président d’université. Il m’a semblé naturel de m’impliquer en retour au sein de la CPU. Au-delà de ma participation régulière dans les commissions de la CPU, j’ai souhaité m’impliquer dans le CA de la CPU, dès 2008, en portant plusieurs dossiers. En 2010, j’ai souhaité poursuivre mon implication dans le fonctionnement de la CPU, aux côtés du nouveau bureau.

Quels sont les grands dossiers dans lesquels vous allez plus particulièrement vous investir ?

Au cours des deux années précédentes, le bureau de la CPU m’avait confié plusieurs missions (cycles préparatoires intégrés, relations avec les IUT, co-pilotage du système d’information de l’enseignement supérieur et de la recherche) et plusieurs représentations (portail admission post-bac, relations internationales, comité licence, commissions Marois-Filâtre et Sarrazin…). Je souhaite continuer à m’impliquer auprès du nouveau bureau pour poursuivre certaines missions et participer aux nombreux chantiers qui concernent l’enseignement supérieur et la recherche. Par ailleurs, en tant que vice-président de la Commission des moyens et des personnels, j’aurai plus particulièrement en charge les questions liées à la gouvernance et au pilotage de nos établissements. Les questions liées au « numérique », dans ses différents aspects transversaux, sont un des chantiers dans lesquels la CPU doit s’investir fortement et sur lesquels je suis également prêt à apporter ma contribution.

Quel est pour vous l’un des enjeux les plus importants pour l’enseignement supérieur dans les années à venir ?

Malgré les différences entre nos établissements, il est nécessaire que la CPU s’exprime de manière forte et unique pour aborder les changements profonds du paysage universitaire depuis maintenant quelques années : réforme LMD, passage aux responsabilités et compétences élargies, réformes des statuts des personnels, modalités d’attributions des dotations aux établissements, réorganisation des établissements, classements… C’est bien l’ensemble des établissements et des missions qui sont impactés par ces changements. La CPU doit être force de propositions sur tous ces sujets qui concernent l’enseignement supérieur français, dans un cadre globalisé.

Prochain séminaire CPU : les stratégies territoriales des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

La CPU poursuit ses séminaires des jeudis après-midi : à la suite de la plénière du 17 février prochain, les présidents d’université conduiront ainsi une réflexion sur les stratégies territoriales des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les intervenants de la DGESIP, de l’OST et de l’ARF y présenteront différents outils d’élaboration des politiques et d’aide à la décision. Dans la suite des réflexions lancées sur l’impact économique des universités sur leur territoire d’une part, sur les nouvelles formes d’établissement d’autre part, la CPU se veut un lieu d’échange et de proposition sur les évolutions du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Consultez le programme du séminaire

Les colloques annuels de la CPU

Les colloques annuels de la CPU ont pour vocation d’élaborer des points de vue stratégiques sur des grands sujets de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Celui de 2010 était consacré au troisième niveau du LMD, le doctorat. Les actes de ce colloque sont maintenant disponibles sur notre site Internet. Vous pourrez y retrouver les débats et analyses, sur des questions au cœur de la vie de nos établissements, et qui nous ont permis de formuler des propositions qui devraient contribuer à la poursuite de la modernisation de l’enseignement supérieur et de la recherche de notre pays.

A noter, le colloque de cette année aura lieu à Toulouse, les 11-12 et 12 mai et sera consacré au niveau Licence.

Bis bàll !

63e et dernière lettre pour Caroline Streb, pionnière et première rédactrice, CPU.infos lui souhaite bonne route.