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Vie et mort du système scolaire américain : comment l’évaluation et le libre-choix sapent l’éducation - Marie Odile Caleca, Professeur des écoles, Clermont-Ferrand (4 juin 2011)

vendredi 10 juin 2011, par Bobby, Laurence

A l’heure où les élèves et le fonctionnement même de l’éducation nationale doivent se soumettre à la logique du "pilotage par le chiffre", il est intéressant de se pencher sur l’analyse de Diane Ravitch, universitaire et ancien membre du gouvernement de M. Bush, à propos des effets que ce type de gestion a provoqués aux USA.

La plupart des informations de cet article ont été relevées dans son témoignage, publié dans Le Monde diplomatique en octobre 2010. Les sources complémentaires sont citées au fur et à mesure.
Mme Ravitch était fermement favorable au principe de la rémunération des enseignants au mérite, elle estimait "que les enseignants dont les élèves obtenaient les meilleurs résultats devaient être mieux payés que les autres. "
Elle soutenait également "la généralisation des tests d’évaluation, qui [lui] semblaient utiles pour déterminer avec précision quelles écoles avaient besoin d’une aide supplémentaire. "
Elle a donc applaudi "des deux mains" au moment où la loi «  No Child Left Behind », (pas d’enfant laissé sur le bord du chemin) fut votée et mise en vigueur par le gouvernement de M. George Bush en 2002.

Pas d’enfant laissé sur le bord du chemin

De quoi s’agit-il ?
Depuis 2002, donc, la loi « No Child Left Behind » exige que chaque Etat évalue les capacités de lecture et de calcul de tous les élèves, de l’équivalent CE2 à l’équivalent quatrième.
Des tests fédéraux National Assessment of Educational Progress (NAEP) sont appliqués à des échantillons d’élèves pour comparer les taux de réussite locaux à ceux de l’ensemble du pays.
Selon Mme Ravitch, des milliards de dollars ont donc été dépensés pour mettre au point, puis faire passer les batteries de tests nécessaires aux évaluations d’Etat et aux évaluations fédérales.

Objectifs de réussite.

Les résultats de chaque établissement sont ventilés en fonction de l’origine ethnique, du niveau de maîtrise de l’anglais, de l’existence éventuelle de handicaps et du revenu parental.
Dans chacun des groupes ainsi constitués, un objectif de réussite aux tests a été fixé, et doit être atteint avant 2014.

Sanctions.

Si, dans une école, un seul de ces groupes n’affiche pas de progrès constants vers cet objectif, l’établissement est soumis à des sanctions dont la sévérité va croissant.
- La première année, l’école reçoit un avertissement.
- Puis, tous les élèves se voient offrir la possibilité de changer d’établissement.
- La troisième année, les élèves les plus pauvres peuvent bénéficier de cours supplémentaires gratuits.

Privatisation.

Si l’école ne parvient pas à atteindre ses objectifs dans une période de cinq ans, elle s’expose à une restructuration complète, à une privatisation, ou, tout simplement, à une fermeture. Les employés peuvent alors être licenciés.
Actuellement, environ un tiers des écoles publiques du pays, soit plus de trente mille, sont cataloguées pour leur déficit en « progrès annuels satisfaisants ».

Course au sommet.

L’administration de M. Barack Obama a épousé, en janvier 2009, les idées de l’ère George W. Bush.
Baptisé « Race to the Top » (Course au sommet), son programme fait miroiter des subventions de 4,3 milliards de dollars à des Etats pris à la gorge par la crise économique.
Pour bénéficier de cette manne, ces derniers doivent supprimer toute limite légale à l’implantation des écoles privées ou charter schools.

Vie et mort du système scolaire américain.

Voilà donc un pays qui applique avec vigueur et constance une politique de pilotage volontariste à son école.
N’est-il pas normal d’évaluer avec constance l’efficacité d’une école qui est toujours coûteuse en fonds publics ?
N’est-il pas juste que les parents puissent retirer leurs enfants d’établissements défaillants, et que leurs enseignants soient sanctionnés de leur incompétence ?
N’est-il pas efficace de transformer des écoles en échec en établissements privés, plus autonomes, dynamiques et innovants ?
La réponse de l’ancienne ministre n’est désormais plus très enthousiaste.
Elle a publié en 2010 un livre au titre éloquent : The Death and Life of the Great American School System : How Testing and Choice Undermine Education.
Ce que l’on peut traduire ainsi : Vie et mort du système scolaire américain : comment l’évaluation et le libre-choix sapent l’éducation.

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