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Première vague des Initiatives d’excellence. Ou comment rendre le désert universitaire possible et nécessaire - Communiqué de SLU (6 juillet 2011)

jeudi 7 juillet 2011

En annonçant le résultat de la première vague des Initiatives d’excellence (Idex), la première tâche de Laurent Wauquiez, fraîchement arrivé au MESR, aura été de poursuivre imperturbablement la politique conduite pendant quatre ans par Valérie Pécresse et fondée sur une entreprise inédite de communication et de faux-semblants. Trois pôles universitaires seulement, sur les 17 candidats (et aussi) et les 7 retenus lors de la présélection de mars 2011, tirent leur épingle du jeu : Bordeaux, Strasbourg et « Paris Sciences et Lettres ». Il est manifeste que le Grand Emprunt se dégonfle : 3 sur 7 font une petite vague, d’autant que, il faut le rappeler, il ne s’agira que des intérêts de l’Emprunt. Mais il ne faut pas sous-estimer l’ampleur des conséquences : toujours plus « d’excellence » pour de moins en moins d’universités et des déséquilibres territoriaux et disciplinaires fortement aggravés. Le discours ministériel est ainsi doublement mensonger :

- Non, le concours Idex n’est pas un appel à projets transparent et ouvert qui récompenserait des universités se découvrant soudain une vocation mondiale, promues au terme d’un concours équitable. Non seulement la composition politique du jury enlève toute une part de l’objectivité à la sélection, non seulement les conditions même d’élaboration des projets, opaques, en groupes resserrés, contournant trop souvent le passage légal devant les conseils centraux des universités, disqualifient une procédure rigoureusement anti-démocratique, mais la justification par le nouveau ministre du résultat final laisse rêveur quant à son souci de communication à l’endroit des chercheurs et enseignants-chercheurs : PSL proposerait ainsi « un projet potentiellement révolutionnaire », intitulé « Rendons le possible nécessaire », et porté, rappelons-le, par Nicolas Sennequier, ingénieur des Mines et conseiller technique en charge des sciences, de la technologie et de l’espace au feu-cabinet de Valérie Pécresse. Dans ce projet, une seule université (Dauphine) parmi les douze établissements impliqués, mais le projet affirme, en bon anglais managérial, sa conviction que « l’éducation et la recherche sont en synergie profonde avec les besoins socio-économiques, et qu’il faut développer des liens avec le monde des affaires dans tous les domaines » (p. 3). On ne voit pas pourquoi, en effet, il ne serait pas alors récompensé. Le projet de Strasbourg s’appuierait quant à lui sur une gestion « simple et efficace » – à l’inverse de ce qu’en juge l’université même, si l’on en croit les récents communiqués qui avertissent des problèmes de gestion financière de l’Université de Strasbourg, dus en grandes partie à l’incurie du ministère qui lui doit de nombreux millions. Quant à l’outsider, Bordeaux, le projet serait « très en phase avec le monde de l’entreprise ». Quelle surprise !

- Non, la politique d’excellence ne vise pas à tirer toutes les universités vers le haut comme le prétend L. Wauquiez. Les sommes dégagées pour un nombre dérisoire d’entre elles sont dans les faits autant de financements pérennes retirés à toutes, du moins aux près de 80 universités qui restent sur le bord de la route. Parce qu’ils entérinent d’abord les résultats des concours Labex, Equipex et des autres appels à projets, les résultats de cette première vague pour l’Idex aggravent encore les disparités territoriales et disciplinaires. Le choix de PSL est simplement en continuité avec le « repêchage » du labex Transfers, seul labex en SHS à tirer son épingle du jeu, en mars, en Île-de-France, et qui associait déjà l’ENS Ulm et le collège de France, soit deux institutions qui n’ont pas grand chose à voir, structurellement, avec l’université, mais qu’il s’agit de préserver et de renforcer par le simple jeu d’une concurrence faussée. Oui, en effet, c’est le modèle « hyper-sélectif français » qui l’emporte, comme le remarque avec dépit Jean-Charles Pomerol, président de Paris VI. Oui, en effet, la politique d’excellence ne revient pas sur les disparités du système français, mais elle les aggrave. Ainsi l’Université de Strasbourg va engranger 59 millions pour ses Labex dans les secteurs de la Chimie et de la Santé, mais seulement 2 millions pour l’unique Labex en SHS. Le projet du Pres Bordeaux également, son président en convient lui-même, est dans la continuité des résultats déjà obtenus du côté des Equipex, Labex, IHT, voire de l’opération Campus. Son « succès » s’explique en outre, le même président le reconnaît aussi, par la fusion des universités et par la transformation projetée du Pres en université unique dès 2014, en adéquation avec la cible des Idex – soit des « regroupements territorialement cohérents d’établissements d’enseignement supérieur, universités et écoles, impliquant des organismes de recherche, en partenariat avec des entreprises ». Autrement dit, la récompense de l’Idex de Bordeaux repose sur la promotion d’un modèle de réorganisation des composantes et de « gouvernance ». Cela même qui aurait manqué, si l’on en croit la déploration du président de Paris IV, au projet de SUPER. Mais faut-il vraiment se lamenter ? Surenchérir dans la compétition ?

Qui peut croire que tous les champs disciplinaires seront « servis » par l’argent du Grand Emprunt, quand la gestion des projets est faite par des groupes de pilotage fermés ? Quand l’appel à projet promeut à l’excès le critère des liens avec le monde de l’entreprise ? Quand « Rendre le possible nécessaire », le projet de PSL à l’intitulé si habilement sarkozyste, propose trois programmes de recherche – le premier centré sur « Environnement, Energie, Univers », le second sur Sciences de la Vie/ Interfaces des sciences dures et Santé, le troisième sur « Rationalités et comportement humain », en affichant ainsi son mépris pour les disciplines « inutiles » et son adhésion à l’idéologie des domaines politiquement « nécessaires », c’est-à-dire les plus immédiatement rentables ? Quand le concours récompense des universités ou établissements dans des régions déjà richement dotées ?

SLU est fondamentalement opposé à la logique de « l’excellence » et à ce qu’elle signifie d’un désengagement financier de l’Etat dans ce qui aurait dû être un projet collectif, démocratique, également réparti, d’enseignement supérieur et de recherche. La farce du Grand Emprunt et de ses appels d’offre ne saurait tromper que ceux qui, se trouvant lauréats, voient ainsi justifiée a posteriori leur précipitation si peu démocratique à concourir et à entrer dans l’idéologie de la concurrence et du « tout économique ».

Sauvons l’Université !