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La déclaration d’amour de Bayrou aux enseignants, mediapart.fr, le 04 février 2012, Valentine Oberti

dimanche 5 février 2012, par Alain

C’est le deuxième pilier de sa campagne, après le « produire en France » : l’« instruire en France ». Et il était au centre du deuxième forum organisé par l’équipe de campagne de François Bayrou à la Maison de la chimie samedi 4 février, sous l’intitulé « Il n’est de richesse que d’hommes : instruire, former, éduquer ».

A l’issue des tables rondes qui ont rassemblé des dizaines d’acteurs du secteur (enseignants, professeurs, universitaires, chercheurs, économistes, associatifs), François Bayrou a présenté ses orientations dans un discours de clôture (à lire et télécharger en bas de page).

Un discours d’abord censé en finir avec « les procès perpétuels faits aux enseignants ». Celui qui avait, lorsqu’il était ministre de l’Education nationale (1993-97), mis les enseignants dans la rue avec sa tentative de réformer la loi Falloux (en déplafonnant le financement de l’enseignement privé), n’a pas manqué de flatter à plusieurs reprises la corporation : « Rendre l’école à elle-même, c’est d’abord lui rendre le respect qu’on lui doit », a-t-il déclaré. « Je suis pour une société qui s’affirme solidaire avec ses enseignants. Le procès qui a été nourri contre eux ces dernières années, incessamment, par des gouvernements de gauche d’abord, de droite ensuite, est un pur scandale moral. Ceux qui les mettent en accusation, disant qu’ils ne travaillent pas assez, ne tiendraient pas deux heures en face d’une classe de collège », a-t-il scandé, devant un auditoire conquis et applaudissant régulièrement.

Quand, en 2007, Nicolas Sarkozy, dans son discours dit de Latran lâche « L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal », François Bayrou remet le maître au centre de l’échiquier éducatif : « Ce qui fait la différence, c’est le maître. C’est l’effet maître qui permet à certaines classes d’avancer plus vite et mieux que d’autres quel que soit le niveau social et culturel des élèves qui forment cette classe. C’est dans l’expérience, le savoir-faire, l’humanité, la générosité des maîtres que se situe, dans le premier degré comme dans le second degré, le gisement de progrès de l’éducation en France. »

François Bayrou leur garantit le maintien du décret de 1950 qui définit le statut des enseignants. Pas question de modifier leur temps de travail. Sauf, « sur la base du volontariat » en facilitant « une présence plus longue dans l’établissement, par exemple, en construisant des bureaux ».

Passé les déclarations d’intention, nombreuses (« Il faut un contrat de progrès entre l’école et la nation » ; « Refaire de l’école un lieu d’où la violence est exclue et où le respect est la règle » ; « Réflexion générale sur l’éducation numérique. Très importante pour l’avenir »), passage en revue des principales propositions du candidat.

Pas de moyens supplémentaires

Comme il le dit ce samedi, quitte à se fâcher avec quelques-uns, « la question des moyens n’est pas la seule question (...) peut-être même pas la question clé ». François Bayrou l’a déjà dit plusieurs fois : il s’engage à « sanctuariser les moyens de l’éducation ». En l’espèce, il n’appliquera pas « à l’aveugle » la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite... mais n’augmentera pas non plus les effectifs, contrairement à François Hollande qui a inscrit dans son projet la création de 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation (en redéploiement, donc à moyens constants, puisque le candidat socialiste veut stabiliser les effectifs de la fonction publique d’ici la fin de son mandat).

La formation des enseignants

François Bayrou est pour le maintien des concours nationaux pour le recrutement des professeurs, « la voie la plus légitime pour sélectionner les enseignants du second degré ». Quid du premier degré ? Que faire alors des enseignants qui n’ont pas obtenu le concours, mais qui sont recrutés contractuellement pour des remplacements ? La démarche, menée par l’Académie de Paris et Pôle Emploi avait fait polémique fin mai, l’année dernière. Paradoxalement, François Bayrou propose de donner aux établissements la possibilité de recruter directement les remplaçants... mais sans préciser leur profil : seront-ils titulaires du concours d’enseignant ou simples contractuels ?

Quant à la formation des maîtres, le candidat centriste souhaite que soit reconstruite une année de formation en alternance avec l’exercice dans la classe, « impérative et étroitement liée au contrat de progrès de l’éducation nationale ». En 2010, la mastérisation a supprimé cette année de formation en alternance et élevé le niveau de recrutement des enseignants à Bac +5 (et non plus Bac +3). S’agit-il donc de réhabiliter les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) ? François Bayrou ne le précise pas.

Moins d’heures de cours et des programmes allégés

« Je vous dis ma conviction : ce n’est pas par l’accumulation des heures de cours que se construit le savoir chez l’élève. Mieux vaudrait, en un nombre plus restreint d’heures de cours, transmettre davantage de méthode d’apprentissage, d’apprendre à apprendre, que l’élève pourrait ensuite valoriser, y compris dans un travail individuel, libre, puisque nous sommes aujourd’hui dans le monde internet ! », déclare François Bayrou, qui, par ailleurs, propose de remettre au programme de terminale scientifique l’enseignement de l’Histoire (retirée pour être passée comme épreuve anticipée du baccalauréat en fin de première), ce qui vaut des applaudissements dans la salle.

Retour aux fondamentaux

Comme l’a déjà annoncé sa directrice de campagne Marielle de Sarnez à Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV vendredi, 50 % du temps de travail à l’école primaire sera consacré à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. « Il n’est aucune chance de réussite pour un élève qui n’a pas la maîtrise des fondamentaux », observe François Bayrou.

Et d’ajouter que les difficultés des élèves très jeunes sont d’ordre « psychoaffectives » et non pas de l’ordre des capacités. Il prône donc un repérage et un suivi précoce au sein de l’école ou par des pédopsychiatres, sans davantage de précisions sur la méthode. Y aura-t-il des médecins affectés dans des établissements ?

La fin du collège unique et le développement de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage

Pour « prévenir les échecs », il suggère d’adapter le nombre d’élèves par classe en fonction du caractère difficile desdites classes. « A classe difficile, petit nombre d’élèves », ce qui se fait déjà, notamment dans les ZEP (Zones d’éducation prioritaire). De même, selon le principe de suppression du collège unique cher à François Bayrou (qu’il défend depuis 2002 et que l’UMP défend aussi dans son projet 2012), le candidat propose un « collège hors les murs » pour des élèves en situation de rejet de l’école, « avec des pédagogies adaptées ». N’est-ce pas déjà ce qui existe avec les classes SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté, de la 6e à la 3e) ou les dispositifs ECLAIR pour les collèges et lycées dits difficiles ? François Bayrou ne précise pas en quoi sa démarche sera différente.

Comme le propose l’UMP, l’apprentissage doit être encouragé, ainsi que l’enseignement professionnel, qui ne doit reposer « non pas sur l’élimination, mais sur la vocation, par la découverte des métiers, par l’alternance ou l’apprentissage ». Pour le développement de ces filières, il identifie le blocage du côté de la « destination de la taxe d’apprentissage ». Mais il n’en dit pas plus.

La place des parents

François Bayrou propose de favoriser la mise en place d’« écoles de parents » associatives. Cela ressemble beaucoup aux « maisons de parents » proposées par l’UMP. Pas davantage de précisions sur le fonctionnement de ces écoles ni sur leur éventuel financement.

Des programmes allégés et un rythme révisé

Pour François Bayrou, il n’est pas normal que l’école française « soit celle qui concentre le plus d’heures sur le moins de jours de classe ». Il propose que le temps de travail des élèves, classe et devoirs, n’excède pas une trentaine d’heures par semaine. D’ailleurs, les devoirs devront être faits dans le cadre de l’établissement sous la surveillance de « tuteurs » qui seraient des enseignants (volontaires), des enseignants à la retraite, des étudiants qui recevraient une bourse pour servir de « grands frères ». François Bayrou n’explique pas comment il finance cette proposition.

Dans le même ordre d’idées, François Bayrou propose une « école du soir », qui consisterait à ouvrir les établissements du second degré en dehors des heures de cours à la demande d’éducation de la société. « L’initiative viendra de la demande de ceux qui veulent apprendre. » Cela ressemble à quelque chose qui existe déjà : les universités populaires.

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